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Et voici la suite de ma journée parmi les gourmets de haut vol, j’ai délaissé le dossier pasta qui se poursuivait pour une autre salle à l’alléchant programme intitulé dossier dessert… (après ça, promis, je me (vous?) mets à la diète!). A l’entrée de la salle, un vigile m’arrète: « allez chercher un casque pour la traduction, les deux premières interventions sont en français »… (ah ah) Les experts de chez Valrhona ne parlent visiblement pas l’italien (remarque, je me disais aussi que pour un « congrès international », ils étaient tous drôlement italiens depuis ce matin) (grandiloquence locale qui pousse à qualifier le moindre événement d’international et la moindre nouveauté de worlwide)…

J’ai pour voisin un jeune aspirant cuisinier un peu boulet qui tient absolument à me montrer toutes les photos des plats de son cru sur son Iphone (comment dire… vivement qu’il mette son casque à traduction!) Mais chut, la conférence commence! Jean-François Gargein, spécialiste du cacao à l’Ecole du Grand Chocolat Valrhona en France, nous parle des origines du cacao… Ca semble un peu didactique au départ, mais ça devient vite passionnant, de quoi changer sa manière de penser au chocolat… Déjà, j’apprends que le cacao pousse sous des tas de climats différents et dans tous les sols (à ces mots je songe à en mettre quelques plans sur ma fenêtre) Ensuite, qu’il faut faire fermenter les feves, une fois sorties des cabosses: on en fait tout simplement des tas (ça m’a l’air à ma portée) sur des feuilles de bananier (plus dur), des paniers tressés ou des caisses en bois… On passe ensuite au séchage, qui doit être lent et naturel. Là encore, rien de plus simple, il suffit d’un rateau et d’une surface plane: la place du village (comme au Venezuela) ou même le bord d’une route (Equateur)… Je me rêve déjà producteur de cacao dans la cour de mon immeuble à Milan: « Même au pied des Andes, le cacao pousse » (ah, tu vois?)…

Mais le plus intéressant est à venir: le cacao, on l’oublie trop souvent, est une production agricole, et non industrielle! C’est pourquoi il est toujours différent, d’une parcelle à l’autre, selon l’année de récolte et le climat de la saison… Les différents arômes et degrés d’amertume sont ensuite combinés ou utilisés purs pour créer les « crus » à l’instar du vin… Je prends ainsi conscience que le chocolat millésimé n’est pas une invention marketing, mais correspond bien à des distinctions de goût… Voir l’élaboration du chocolat comme un truc naturel, un peu comme la récolte des patates dépend de la pluie ou de la voracité des doriphores, ça me semble encore plus magique, pas vous?

C’est ensuite Frédéric Bau, grand pâtissier, qui prend la parole… Mais lui aussi va choisir pour son intervention une clef plus philosophique que gourmande, en racontant son parcours et sa vision du métier plutot qu’en réalisant tours et recettes (ceci dit, il a eu la bonne idée d’illustrer son laïus par des images de desserts plus alléchants les uns que les autres défilant sur l’écran derrière lui, donc côté convoitise et gourmandise, nous sommes à bloc). Lui aussi commence par insister sur le coté magique que revêt à ses yeux la cuisine: si le chocolat ne peut être standardisé, aucune recette ni technique ne pourra jamais garantir la réussite d’une pâtisserie; ce qui compte, c’est que la magie opère…

Et là, même sans une once de chocolat ou d’arôme de levure à l’horizon, je peux vous garantir qu’elle opère, car nous sommes tout ouïe lorsqu’il raconte ses anecdotes de carrière, ses apprentissages où on lui défendait de goûter les desserts, sa découverte du goût chez Claude Bourguignon, pâtissier à Metz qui lui apprendra la passion du métier, son arrivée chez Fauchon sous la houlette de Pierre Hermé (et vive les pâtissiers lorrains!) qui impose à ses disciples de tout goûter (c’est beau la conscience professionnelle) pour transmettre la passion du bon… Moi, à ce stade, je suis conquise, et Frédéric Bau ne fait qu’enfoncer le clou quand il assène: « on ne doit pas vendre au client ce qu’il veut, sinon on ouvrirait tous des mac-donald », « il faut oser, choisir son parti pour se créer une identité forte, et les clients viendront pour cela » (mais pourquoi tous les pâtissiers qui se mettent à faire des macarons, et tous les libraires qui vendent du Marc Lévy n’étaient-ils pas là?!!)

Il est alors 17h et c’est Luca Lacalamita, chef-dessert à Florence et élève de Ferran Adrià, qui prend la parole… Lui aussi, il semble avoir envie de parler… ohé, on n’est pas en psychanalyse là, aboule le chocolat!  Pour la première recette intitulée pane, cioccolato, olio e sale, il commence par déballer une douzaine de tupperware et de pochettes sous-vide… on sent la « patte » Ferran Adrià mais la gourmandise me passe un peu… Il parle beaucoup de textures, de viscosité, émulsionne de l’huile, fait mousser du chocolat, incorpore d’étonnantes substances chimiques, congèle, fait prendre de la meringue au séchoir… Après l’envolée lyrique du chef précédent, tout cela manque un peu de poésie, et le tout m’a l’air, quoiqu’appétissant, bien compliqué pour une recette sensée recomposer le souvenir du goûter d’enfance pain + chocolat… Le deuxième dessert m’interpelle déjà plus, à base de bergamote ( Nancy!), vanille et miel. Evidemment, il a recours à de la bergamote verte (pourquoi faire simple?), des blancs d’oeufs déshydratés (hein?), parle d’arômathérapie culinaire (il parait qu’il est possible de manger un truc qui s’apparente au parfum Terre d’Hermès… beeeh), fait cuire du miel d’acacia sous-vide avec des fleurs de bergamote (gné?), fait de la gelatine de miel (hu?), une crême de chocolat blanc à la vanille (ouf) et des sablés à la vanille (re-ouf), et aussi des financiers (c’est fini oui? c’est un seul dessert ça?)…

Si j’aime bien l’idée de décliner un ingrédient, en l’occurence, la bergamote, sous plusieurs aspects, mousse, gelée, jus, granite, confit, caramel etc, je me demande si l’intérêt de ce dessert composé de moult éléments vaut toute cette peine… Un granite de bergamotte avec un trait de miel et un biscuit aux amandes soit, mais avec dessus 2 types de meringue, de coulis et de brisures de toutes sortes, hum? Ceci dit, je lui accorde une mention spéciale pour la présentation, le dessert une fois dressé s’apparente à une sorte de tas, il fallait oser!

NB: Une fois hors du congré, le fait d’avoir un bracelet en papier rose (=accréditation presse) n’est plus le summum de la classe, mais fait juste « je me suis échappée de l’hopital »…

Voilà les amis gourmands (si vous êtes encore là après ce pallabre, faut-il que vous le soyez!), on va arréter de parler de cuisine là, d’accord? A nous la littérature, le cinéma, le bricolage, les bonnes adresses à Milan, le shopping, la linguistique et la politique (hein? quoi?) (oh ça va, si on peut plus rigoler…)