Cet article, j’ai l’impression de l’avoir déjà écrit 15 ou 20 fois. A force de le préparer dans ma tête pour trouver le ton juste. A force de me le répéter pour m’en convaincre moi-même, qui n’y croit pas encore tout à fait. Inutile de traînasser : dans quelques semaines je quitterai Milan où j’ai passé 9 belles années. Et le pire, c’est que rien ne m’y oblige et que je m’en vais de mon plein gré!
Et pourtant vous savez combien Milan c’était chouette et si j’ai su faire la sourde oreille à chaque fois que le Mec, à plusieurs reprises pendant ces années, proposait de repartir à l’aventure… Cette ville m’a construite autant que je m’y suis plu, j’y ai joué les éternelles touristes, envoyé valdinguer quelques blocages, commencé à travailler et trouvé ce que je voulais faire de moi, professionnellement parlant, je m’y suis écouté beaucoup, je me suis laissé le temps, comme si cet espace était aussi une faille temporelle dans laquelle faire le point, loin des chemins tout tracés que j’aurais sans doute suivis si j’étais restée dans la ville où j’ai étudié. J’y ai fait tout et n’importe quoi, j’ai été menuisière, journaliste, prof de français, plasticienne (et aussi des trucs moins rigolos comme baby-sitter ou vendeuse de chemises à rayures), profitant de ce sésame qu’est ici l’enthousiasme, j’ai décoré des vitrines de Noël et traduis des lettres de l’ancien français vers l’anglais… Et puis l’écriture a pris une place toujours plus grande, mais c’est justement en faisant d’autres choses que ça je l’ai compris. Si écrire est aujourd’hui mon métier, je le dois probablement à l’Italie et à son « système » alambiqué.
Comme beaucoup d’étrangers qui ont vécu ou vivent ici je suis tombée amoureuse de la ville. De ses pavés sans touristes, de son rythme nonchalant, de son bordel bruyant, de son architecture et surtout de ses gens. Ses gens de partout, étrangers, italiens de provinces proches ou reculées, milanais de pure souche au patois rieur… J’ai aimé aussi ce statut de « française » qui semblait cautionner toute bizarrerie, tout excès, et m’a donné une liberté qu’on n’a pas toujours au milieu de gens trop semblables à nous. Evidemment tout n’a pas été rose, le pays a ses défauts, la ville aussi, et s’il m’a fallu du temps pour appréhender sans me fâcher certains aspects, j’ai fini par m’y faire et Milan, c’est devenu chez moi, probablement tout autant que l’endroit où j’ai grandi parce que je crois, justement, y avoir grandi aussi.
Finalement, c’est peut-être pour ça qu’on veut changer d’air maintenant. On a l’impression d’avoir conclu un cycle, peut-être de s’être trop installés dans une certaine routine qui a affaiblit notre enthousiasme d’alors pour laisser une place trop grande à nos insatisfactions, notamment professionnelles… La belle Italie est aussi un pays gangrené par le népotisme, l’amateurisme (ce qui explique qu’on m’ai laissée à mon arrivée faire tout et n’importe quoi, j’en ai bien conscience!) et où les salaires sont désespérément bas… Ajoutez à cela un désintérêt institutionnel pour la culture, un sexisme et un racisme ambiant durs à avaler (surtout quand on doit la fermer face à un client) et une main-mise de « vieux » pas toujours compétents sur à peu près tout qui est un frein à l’innovation comme à l’ouverture d’esprit. Vous remarquerez que je me suis rarement plainte de ces aspects, je ne me sentais pas forcément légitime pour en juger et mon but ici était plutôt de vous faire aimer l’Italie! Pourtant ces problématiques sont bien réelles et, même si elles ne sont pas directement la cause de notre départ, elles y ont largement contribué!
Ceci dit le but de la manœuvre, c’est surtout de nous mettre un bon coup de pied aux fesses! Puisque la stimulation de la nouveauté a disparu, allons la chercher ailleurs! Alors voilà en ce moment on remplit nos cartons, et avant cet été on déménagera vers Lyon… Une ville pas trop lointaine (ne croyez pas que je sois prête à couper d’un coup mon cordon milanais!), plus proche de nos familles (ça aussi c’est un aspect qui a joué quand on a fait pique-nique-douille sur la carte de France), dynamique et qui plus est… complètement inconnue! Quand notre choix s’est portée sur elle, nous n’y avions jamais mis les pieds, et ce n’est qu’il y a une dizaine de jours que nous y avons passé quelques jours pour tâter le terrain et prendre de premiers repères…
Ça peut sembler moins excitant que Milan mais dans notre cas je crains déjà que ce ne soit par trop dépaysant Après quelques recherches et des témoignages poignants lus par-ci par-là sur le retour en France, j’avoue que le décalage « c’est mon pays mais je n’y connais rien » s’annonce saisissant! J’ai déjà très nettement remarqué pendant notre séjour notre tendance à poser des questions idiotes, à employer des expressions n’ayant plus cours depuis 1920 et à mettre mal à l’aise nos interlocuteurs sans l’avoir cherché. Mais ça va aller, les lyonnais ont l’air sympa et tout va bien se passer (hein dis?!). On part un peu à l’arrache, on a déposé notre préavis il y a 6 mois et ça nous semblait lointain, irréel, et même si peu à peu ça prend de la consistance je n’y crois qu’à moitié… Un type avec qui j’ai travaillé ici il y a quelques années se moquait toujours gentiment de moi en me disant que j’étais arrivée là sans connaitre la langue ni personne, « comme des immigrés italiens avec leurs valises en carton », et je ne lui ai jamais dis qu’à mon arrivée mes quelques affaires tenaient effectivement dans une petite malle cartonnée… Et bien dites-vous que là, on refait un peu pareil, on part à l’aventure (avec un peu de bazar en plus, la valise en carton ne suffirait plus!)
Mais alors me direz-vous (si vous êtes encore là) (youhou?), qu’en sera t-il de CompletementFlou? J’avoue m’être longtemps trituré les méninges, avoir envisagé toutes les possibilités, pour finalement choisir la plus simple : en fait ça ne va rien changer. Comme je serai souvent à Milan (j’ai des clients ici, il faudra bien que je vienne leur faire un coucou de temps en temps), ce sera l’occasion de rafraîchir les bons plans milanais, et pour le reste, la culture et le quotidien un peu déjanté, tout sera comme avant! Tout au plus trouverez-vous ici quelques bons plans lyonnais (il va bien falloir que je motive les copains italiens à nous rendre visite pour refournir notre stock de parmesan) et, pour un temps, un peu de racontage de vie parce que, peut-être, j’aurai besoin de m’épancher… (mais non voyons, je vous dis que tout va bien se passer)
En fait je suis à la fois morte de trouille et terriblement curieuse de ce qui nous attend! Va-ton revenir à Milan d’ici 6 mois en courant? Ou regretter de n’avoir pas fait ce choix plus tôt? J’essaye d’appréhender ce nouveau départ avec toute l’inconscience que j’avais quand je suis arrivée ici, sans un sou, sans parler la langue du pays, sans travail et sans amis, avec juste l’étranger d’Albert Camus dans ma valise en carton et les choses de Pérec et un enthousiasme immense et une soif de découverte qui ne s’est jamais tarie. Je crois qu’on est prêts. On se marre en calant nos livres de poche dans des cartons de vin (big up au caviste d’à coté qui a été fort aimable!), le Mec m’exaspère en passant 2 jours à construire une housse à guitare en carton recyclé (que maintenant je trouve tellement belle que je sais déjà que je ne voudrai jamais la jeter), on trie notre bazar en rigolant de nos chemises à cols pelle à tarte achetées aux puces de Milan, on oscille entre envie de tout balancer pour repartir de zéro et impression que tout est relique, souvenir, sentimentalement important…
J’ai ouvert une boutique Tictail pour faire un peu de place, je la mettrai à jour régulièrement au gré de l’avancée du paquetage, il y a des trucs de fou (même une paire de Louboutin!) mais aussi des objets, quelques fringues jamais portées et des spécimen dont seuls les zinzins comme nous comprendront l’intérêt (zinzins qui me lisez, n’hésitez pas à vous manifester!). Les milanais ont intérêt à surveiller mon profil facebook aussi, j’y mettrai des annonces pour les trucs que je donne pour m’en débarrasser.
Et sinon, ami lecteur lyonnais, n’hésite pas à commenter pour me rassurer sur tes capacités d’accueil et de sympathie, me refiler tes bons plans où manger (non mais c’est quoi les prix à Lyon y’a pénurie ou bien?), me proposer du boulot si tu sais où en trouver (je rappelle pour ceux qui l’ignore que je suis rédactrice freelance et consultante en stratégie digitale), me souhaiter bonne chance, venir me faire un coucou à Milan tant que j’y suis encore…
Voilà, c’est dit! Ça ne me semble pas plus réel pour autant, mais je me sens un peu soulagée! (Désolée au passage pour les potes qui l’apprennent par ce biais, on a hésité longtemps et on avait pas trop envie d’en parler avant d’être surs de nous!) (Mais vous viendrez nous voir à Lyon et on en rira en mangeant des grattons!)
*bel exemple d’expression ne s’employant plus depuis l’avènement de la machine à vapeur ou quasi…
Mais quelle nouvelle dis donc !
Je ne peux que te souhaiter le meilleur dans cette nouvelle aventure qui s’offre à toi, à vous.
La communauté italienne est très importante à Lyon (vois la CCI fr-it) ainsi que les sociétés.
Je te dis peut etre à très bientot à Milan 🙂
bises
Joelle
Quelle histoire ! C’est émouvant… bon retour en France, Lyon je la connais peu mais je trouve que c’est une super ville (et bon la tarte à la praline pour se consoler c’est plutôt sympa).
Une question que je me pose en lisant l’article : comment es tu arrivée à Milan ? Tu as décidé d’aller y tenter ta chance comme d’autres ont fait en partant pour l’amérique ou un erasmus ?
Je ne crois pas y avoir jamais pensé depuis le temps que je te lis mais là ma curiosité est piquée 🙂
in boca lupo pour le déménagement !
Bon déménagement vers Lyon ! Je devrais penser à des boites en carton comme celle de la guitare, c’est la classe internationale !
Je ne peux que te souhaiter un bon retour au pays – et bon courage ! C’est justement aujourd’hui que nous avons discuté avec Monsieur que si nous devions de nouveau déménager en France, nous choisirons probablement la ville de Lyon …
Wahoooo ! Le choc, j’ai commencé à te suivre quand je suis arrivée à Milan, ma première année d’université et j’ai continué à te suivre quand je suis rentrée pour faire mon Master… à Lyon.
Je suis lyonnaise d’origine et j’espère que cette ville t’offrira plein de belle chose. N’hésite pas à m’envoyer un mail si tu as des questions ou besoin de quelque chose !
Courage à tous les deux pour ce grand saut, et pour les nouvelles expressions c’est très vrai, moi j’ai même dû regarder une vidéo youtube de Nabila (tu comprendras… ou pas)! Mais le retard se rattrape bien vite même si la sensation de redécouvrir son pays est assez vertigineuse!
ps: si vous mettez la housse de guitare sur la boutique, je la réserve! 🙂
Cela fait quelques temps que je lis tes articles et vu le dynamisme et l’ouverture d’esprit qui transparait, pas de doute, tu t’adapteras à cette nouvelle étape. En effet, il y aura des moments de décalage (mais d’accord avec Célia, ça se rattrape vite) et des moments nostalgie (mais tu sais où aller te ressourcer), mais c’est important d’avancer !
Bonne continuation
Je ne m’attendais pas à lire cela, tant je te confonds avec Milan ! Mais je comprends ton raisonnement, tu as besoin de changement, et tu quittes ton nid douillet, il faut aussi du courage pour cela, et je t’admire de le faire !
Je suis certaine que tu vas adorer Lyon (la programmation de l’opéra est souvent superbe, je fais souvent Paris-Lyon rien que pour ça ^^)
Tu vas nous trouver des raisons supplémentaires de découvrir cette ville,je le sais.
Bon courage pour les cartons, et je file voir le tictail 🙂
A Fleur pour tout ce qu’elle a donné de frais et d’indiscret pour nous faire aimer Milan. Pari gagné. Bravo pour cette lettre à coeur ouvert. Milan t’attend.
Clairement in bocca al lupo ! Je suis admirative de votre choix et en particulier de celui du Mec ! Curieusement c’est aussi Lyon qui m’attirerait le plus si je devais revenir en France. (Et Fieu sait combien de fois les amis français me posent la question!!) Comme quoi… La région Rhones-Alpes est assez liée à l’Italie, ça me semble le parfait compromis.
Je vous souhaite une belle aventure Lyonnaise !
ah mais non ! Et nous on arrive ! 🙁
!!!!!! ?????!!!!!noooooooon! Après Charlotte c’est à ton tour? Oh c’est dur! Bon on essaie de se revoir avant alors…
In bocca al lupo!
Dingue! C’est incroyable !! en te lisant j’ai retrouvé les sentiments qui m’animaient il y a (déjà) 8 mois quand on a regagné Paris. Tu m’as bien fait pleurer, brava ! une seule chose à dire, regarde devant toi ! et Milan n’est pas si loin.. et puis Lyon est un excellent compromis, chanceuse! Emoticon wink Sans te connaitre encore, je te souhaite bon vent et belle nouvelle aventure! mais surtout courage pour le déménagement xxx
Je te souhaite tout le meilleur dans ta nouvelle vie. On ne se connait pas mais cela a été un plaisir de te lire pendant 4 ans. C’est grâce à toi que j’ai pu découvrir quelques secrets de la vie milanaise, du hors salon aux idées restaurants. Et puis, très bel édito pour annoncer ton départ (et je suis entièrement d’accord avec toi!). Comme on dit par chez nous: bon vent!! Et que celui ci te ramène parfois dans notre chère capitale lombarde!!!
Oh nonnnnnnn !!! Encore un départ ….tout le monde s’en va ….par contre en tant qu ancienne lyonnaise je ne peux que te souhaiter de belles années dans ma ville adorée !!! A toi les petits bouchons !!!!
Je n’ai vécu que 2 ans à Milan (j’ai depuis traversé les Alpes pour le boulot…) et ton blog m’a permis d’épater plus d’une fois mon compagnon Italien et de tomber amoureuse en quelques semaines seulement de Milan. Le départ sera difficile et la sensation de manque bien forte (manque de vraies pizza/gelato, de parmesan, de l’écoute de cette magnifique langue, de la chaleur des italiens, du rythme milanais, du vélo sur les pavés, des vieux trams…) mais si vous avez fait ce choix c’est que le moment était venu. Nous ne nous connaissons pas mais je vous souhaite bonne chance pour cette nouvelle aventure… Et puis Lyon et la France en général n’ont rien à envier à l’Italie, je continuerai à suivre ton blog, et peut être tu nous fera alors redécouvrir la gastronomie française!
Je suis dans la même situation. Magnifique ton article
Tu vas nous manquer… lecteurs francophones et italiens… nous tous !
Tu quittes Milan…. j’adore tes appréciations et il m’arrive de les considérer comme des invitations….
J’ai usé de la souris pour vite découvrir dans quelle ville les cartons allaient arriver. La patience, ma grande qualité !
L’opéra, la gastronomie, une grande ville pour rayonner, moi je vous y vois bien. Et puis il y a des vélos. Et certainement des pigeons en quantité.
Bon courage pour cette nouvelle aventure alors 😉
Oh la la quelle aventure! C’est chouette de se remettre en question comme ça et de redémarrer ailleurs, je vous souhaite plein de surprises, d’imprévus et de belles découvertes pour ce retour en France!
Merci à tous pour vos gentils messages d’encouragement! C’est sur que ça va être un peu sportif mais on va se débrouiller!
@Joelle: absolument, il va falloir rencontrer des italiens sur place! j’espère te voir avant mon départ, et aussi les garçons que je n’ai vu qu’en photo!
@Lucie: oui oui des vrais pionniers du « rêve italien »! Du genre la « ruée vers la pizza » 😉
@Marie: j’ai transmis au Mec qui n’est plus que fierté!
@Diana: c’est vrai qu’on dirait que Lyon a la cote! En fait il y a deux ans quand on a parlé pour la première fois d’aller en France on pensait à Lyon déjà! Mais cette fois dans notre top 3 il y avait aussi Lille et Nantes!
@Célia: ah mais je ne savais pas que tu avais quitté Milan! Avec plaisir pour un café (pas bon bouhouhou) à Lyon! 😉
@flo: non mais allo t’as une guitare et t’as pas de housse en carton! 😉 Elle est à toi si tu viens la chercher à Lyon!
@marine: merci 🙂
@Océane: moi aussi je me confonds avec Milan, et il y a des jours où je me demande un peu ce que je suis en train de faire… j’espère trouver la réponse entre deux cartons!
@Marie: merci à toi de partager ton ressenti sur ton retour! et désolée si je t’ai fait pleurer! Si d’aventure tu passes par Lyon, je t’offre un bol de grattons pour me faire pardonner (non mais sérieux ça en jette autrement plus que des amaretti non?) 😉
@Sophie: merci! j’espère avoir l’occasion de poursuivre réguliérement mes découvertes à Milan!
@Marie: l’idée qu’on puisse regretter même le vélo sur les pavés me laisse deviner combien ça peut être dur de quitter l’Italie! 🙂
@Melle Blanche ah oui les pigeons sont bien gras à Lyon! Sans doute nourris aux miettes de grattons! 😀
@Aurélie/Catmini: merci beaucoup!
Bonjour. Je lis régulièrement vos articles que j adore. J habites en Savoie et j ai une cousine a Milan. Je suis juste allé deux jours dans cette grande ville mais c était très sympa. J adore votre façon d écrire ( c est un don a ce stade!!!) et votre article sur votre déménagement est très émouvant…au plaisir de vous lire encore et encore!!!
PS nous avons aussi le livre « jamais sans mon kamion » un régal ! A presto!
je te fiche mon billet que tu trouveras moins d’authenticité à lyon….quant à la nourriture..j’attends tes premières expériences avec curiosité
@marie: tu as sans doute raison pour l’authenticité mais le prix à payer pour la dolce vita est un peu élevé à mon gout! Pour la nourriture, mon unique séjour à Lyon m’a déjà donné un aperçu, snobisme gastronomique, menus viandards et hors de prix… même au marché les prix sont fous! C’est d’ailleurs ce qui oriente mon choix vers une grande cuisine lors des visites d’appart, je ne me contenterai pas d’une kitchenette si je dois tout faire moi-même! 😉
dolce vita non mais authenticité et cuisine simple et bonne à Lyon je doute que tu trouves la même chose mais tu verras et puis dans le fond ton vrai port d attache c est le mec non?