C’est toujours plaisant de s’aventurer pendant la design week dans le quartier de Lambrate, territoire de prédilection des talentueux designers hollandais, belges et allemands. Cette fois encore, quoique dans une mesure moindre que les années passées, on y trouvait de chouettes travaux expérimentaux, des recherches sur les matières et un remarquable travail sur les interractions, notamment par les étudiants de la prestigieuse Design Academy d’Eindhoven, et tout autour des attactions sympas et une cantine temporaire à tomber. En route!
C’est dans ce quartier que se sont concentrés les objets qui rassemblent tout ce dont j’ai envie en matière de déco en ce moment: des pièces essentielles en laiton, en bois clair et en marbre aux formes minimales et géométriques, avec des palmiers un peu partout autour et des touches textiles pastels pour réchauffer le tout (c’est simple, je pensais aller vivre sur le stand de Lex Pott et Jeroen van Leur une fois le salon terminé, mais ils ont tout démonté). J’ai aimé les singulières tablettes-miroirs pour salle de bain minimale ou hall de maniaque (Lex Pott), l’étendoir géométrique si beau qu’on le met dans le salon comme une sculpture à habiller de linge mouillé (Drying rack par Foldwork), la penderie où exposer ses ensembles préférés, comme jetées négligemment en passant (Woodstock par Jeroen Van Leur) et pour égayer le tout, les vases en plastique pastel soufflé de Ruben der Kinderen…
Dans la masse d’objets vus, soupesés et humés, méritent aussi selon moi d’être signalés: les céramiques poétiques de StoryTiles par Marga Van Oers, les flacons tressés de Field Experiments qui explorent l’artisanat et l’idée du souvenir et de la culture (j’adore leurs autres expérimentations aussi, à voir ici), les tabourets en copeaux de bois de récup’ mélés à des biorésines expansées de Marjan Van Aubel et James Shaw pour Transnatural, et le système de fixation par vis papillon pour l’étagère « le Belge System » de vij5.
En dehors des projets de design pur, j’ai beaucoup aimé la reflexion de Mark Schevers sur les procédés, mise en lumière au travers de machines qui décortiquent et mettent en scène des mouvements simples comme remuer son café ou ramasser la poussière. Des mécaniques complexes constituées d’éléments récupérés qui décomposent l’action et modifient la fonction habituelle des machines: loin de simplifier ou décupler un mouvement, elles le décomposent et recomposent à l’infini…
Je suis fan aussi de la démarche de François Duquesnoy, intitulée « one place, one week, one interior: la conception de lieux de vie à partir des matières premières trouvées sur place. A trois reprises, le designer s’est donné à chaque fois une semaine pour composer, à partir d’éléments trouvés sur place et aux alentours, un set de mobilier. Une façon d’envisager le design, non comme la mise en oeuvre d’une idée pré-pensée, mais comme une démarche créative basée sur les besoins et les ressources en présence (en somme, les origines du design non?)
Evidemment, je suis gaga du projet de Rixt de Boer, même si je n’ai pu assister à ses performances: il s’agit d’un projet photographique autour du pain. En faisant de chacun de ses pains une photographie à l’aide d’un polaroid, elle documente l’idée de faire d’un procédé simple une oeuvre d’art. Une reflexion sur le sens et la valeur donnée à nos actions les plus quotidiennes au travers de la photographie: prendre un résultat en photo, c’est donner de la valeur à l’action qui l’a précédé; et documenter la variété des résultats obtenus, c’est faire de la répétition d’une même action une oeuvre significative avec un procédé qui se charge de sens de par sa répétition meme, et non pour son unicité.
Pour finir, j’ai bien aimé la prothèse pour machine à pâtes faite à l’imprimante 3D* par Massimiliano Adami et Francesco Tarantino vue chez Subalterno 1, qui permet de former des spaghetti à cuisson variable, l’épaisseur aléatoire permettant une cuisson non-homogène… Un peu abscons mais, qui sait, le moyen de réconcilier, au moins au sujet de la cuisson des pâtes, gourmets italiens et français?
Remarquables aussi, pour égayer le parcours et faire des pauses pour soulager pieds, yeux et méninges sursolicités, la soulfood de l’excentrique chef Hollandais Andre Amaro, la limonade du Zwart Good et la possibilité d’expérimenter le rasage au coupe-chou avec le barbier hollandais stylé Tim Van Der Steen… Et pour le dessert, j’ai bien aimé l’idée de partager avec des inconnus un secret, enfermé dans un biscuit replié façon fortune cookies à la Secret cookie factory…
Voilà pour la selection lambratesque! J’aime bien faire ces petits compte-rendus, ça m’aide à y voir clair dans la masse de choses vues, à trier par ordre de priorité, à fouiller certains sujets, à fixer mes souvenirs et à pouvoir répondre à la fameuse question que tout le monde se pose pendant la designweek et les semaines d’après: « C’est quoi, le truc que tu as préféré? »
*même si, qu’on se le dise, je commence à n’en plus pouvoir de ces petites machines utilisées partout pour attirer le chaland plus que pour leurs propriétés appliquées aux projets!
Merci pour ce compte-rendu bien fourni. 🙂
@Heidi: attends un peu, j’ai encore plein de trucs dans ma besace, de quoi saouler les lecteurs anti-design comme chaque année! 😉