Je vous le dit tout de go, aujourd’hui je suis à la mer (allez-y, détestez-moi si vous voulez) et pour vous offrir à vous aussi un peu d’évasion (quoique d’un genre bien différent) je reprends le fil du récit de mes vacances franco-citadino-campagnardes (à la ville et à la campagne quoi, manière subtile de signaler que je ne suis pas encore allée à la mer cet été, d’où l’annonce de début d’article). Vous n’imaginez même pas depuis combien de temps je veux vous parler de cet endroit! Un vieux village ouvrier abandonné de Lorraine où la nature a repris le dessus sur ses activités passées, un village de carriers, pour beaucoup italiens, venus de loin pour tailler la pierre d’Euville, roche calcaire claire dont on s’enorgueillit par ici de ce qu’elle ait servi, m’a-t-on dit, de base à la statue de la liberté*…
Abandonné depuis les années 50, le village a longtemps été désert, et l’on y croisait guère qu’Argentina, la fille presque centenaire des anciens bistrotiers, restée seule avec un renard apprivoisé. Une histoire de conte de fée, entre Citroën DS endormies sous le lierre et vieilles maisons où s’epanouissent arbres et lezards sur les pierres, et que seules les histoires racontées par les anciens carriers parviennent à réveiller…
Romeo, le papy italien du mec, aujourd’hui disparu et qui repose comme il l’a toujours souhaité dans les Pouilles derrière une plaque de marbre italien, fut dans sa jeunesse de ceux quittèrent le soleil d’Italie pour s’en aller taper, découper et charrier la pierre sous la grisaille lorraine, et c’est toujours émouvant pour nous de retourner sur ces lieux où il apprit, en même temps qu’à percer la roche sans la fendre, un peu de notre joli français…
Sa femme Antonietta (dont je vous ai souvent parlé) et leurs 6 enfants alors vivaient là, à deux pas de ces falaises de pierre où trouver de quoi gagner son pain et braver les dangers du métier, et avec l’abandon du village et le ralentissement des activités des carriers (5 personnes seulement travaillent aujourd’hui à l’exploitation de la pierre), c’est toute une époque qui s’est refermée sur ces murets de pierre, wc sur le palier et petits potagers, où s’engueuler en dialecte, recolter ses patates et tondre les enfants pour éviter les poux…
Aujourd’hui quelques nouvelles personnes sont venues s’y installer, héritiers ou étrangers séduits par ce lieu isolé, et à chaque visite nous rêvons sans y croire vraiment à l’idée de racheter un jour l’ancien grand bâtiment des entreprises Pommier et Cie pour en faire un b&b perdu dans la forêt (une manie à nous, un peu comme celle de devenir meuniers devant un champ de blé!).
Si vous passez dans la région, je vous encourage à vous y aller balader, avant que le village ne soit, ou irrémédiablement restauré, ou bien complétement avalé par la forêt!
Ps: J’apprends que les 14 et 15 septembre 2013, des visites des carrières d’Euville et du village ouvrier seront organisées (entre autres rejouissances que je peine à m’expliquer, du genre sculpture sur bois, parcours de quad et tir à l’arc). Moins poétique sans doute qu’une balade en solitaire sur les lieux, mais néanmoins l’occasion d’en decouvrir les attraits…
*sur Wikipédia, j’apprends que cette pierre a aussi notamment servi, outre de nombreuses constructions en Lorraine, à la construction du Grand Palais et de l’Opéra Garnier à Paris.
Dès que des visites sont organisées à ces endroits un peu ‘secrets’, cela risque de casser leur authenticité, le vrai. Mais c’est peut-être leur seul moyen de sauvegarde ? Alors, continuez de faire des économies pour en faire un b&b à côté de vos camps de blé…
quelle belle histoire!
Encore un bien merveilleux billet et une histoire que j’ai dévoré ! Il y a un petit parfum de magie dans les récits de ton été… Profite bien de la mer ! (elle m’a manqué cet été ^^)
@So Oh Cliché: on s’était résignés à ne pas la voir non plus mais finalement, on n’a pas résisté!