la région des Pouilles, c’est chouette parce que ce n’est pas si loin mais pourtant dépaysant au possible… parce que les gens et les chiens y dorment dans les rues, parce que de 13h à 16h tout le monde y fait la sieste, parce qu’à l’heure de l’apéro les places se peuplent d’une foule presque exclusivement masculine (pendant ce temps là, les femmes font la pasta j’imagine…), parce que les plages y sont desertes à cette période de l’année, meme s’il y fait déjà chaud, parce que toute nourriture vous y est servie dans une feuille de papier, parce que tout le monde se tutoie et s’alpague dans la rue, meme sans se connaitre, phénomène sans doute dù à l’exposition du linge séchant devant les portes… (quand on a vu les slips de sa voisine, on ne prétend plus faire de chichis de politesse)… les maisons ne sont pas belles à proprement parler, on trouve un peu de tout, de l’ancien et du neuf, du sobre et du clinquant, mais le tout s’harmonise sous une couche de peinture à la chaux qui estompe les défauts de construction et de logique… et les rues se succèdent, dans un dédale d’escaliers, de voutes et de portes, les Ape dorment sous les glycines et une mystérieuse herbe aromatique pousse entre les pierres sous la chaleur déjà écrasante à cette période de l’année…
Le premier jour, après une nuit blanche dans le train et six heures de marche au soleil, je manque de m’évanouir à la nuit tombée, sauvée par une marchande de panzerotti me mettant d’autorité entre les mains une assiette de sucre cristallisé et une fourchette en plastique, rudiments de secourisme local…
Le deuxième jour, autre village blanc, autre plage, de galets cette fois, on croise un cochon noir qui se promène au bord d’une route bordée d’oliviers, de citronniers et de figuiers… en ville des enfants jouent au ballon au milieu de la place, utilisant comme cible les affichages electoraux dont les cadres sont peints à meme le mur… (il parait que c’est Palumbo, candidat du parti démocrate, qui contabilise le plus de points mais « pas parce qu’il est de gauche », précise le footballer en herbe, mais parce qu’il a « una faccia da pirla »)…
Le rythme ici est différent… on a l’impression que personne ne travaille… d’ailleurs, renseignements pris, il n’y a effectivement pas grand monde qui bosse… la peche est la principale activité de cette zone cotière, dans les terres ce sont les cultures qui dominent… les jeunes s’en vont pour moitié, partent étudier au nord et ne reviennent plus qu’en vacances… l’autre moitié erre sans but et sans travail… (squattant sans nul doute chez la mamma…) il y a quelques années l’état offrait des subventions aux industriels s’implantant dans la région… les responsables sont partis avec l’argent, et les usines désertées sont restées inutilisées à l’entrée de la ville…
(lu dans une administration: »que celui qui est pressé revienne quand il ne l’est pas »)
c’est surement pour ça qu’une telle activité regne en ville… le marché attire les foule, chacun vend sur le pas de sa porte sa propre production maraichère, certains cumulent les petits boulots, ça traficote dans les coffres des voitures… tous les pretextes sont bons pour faire une pause, manger un glace ou prendre un café, invoquer Padre Pio ou faire commerce d’huile d’olive en bordure de route…
troisième jour sous un temps gris cette fois, les falaises de Vieste, la fanfare de la fete de San Giorgio, le brouillard en altitude sur le lacet des routes où apparaissent parfois chevreuils et bovins divers… la vieille ville, blanche elle-aussi, qui surplombe la mer et l’immense plage de sable…
le retour après un dernier tour sur la plage, le sac alourdi de feves locales, de taralli et d’un nouveau rouleau à troccoli, en laiton cette fois… douze heures de train pour retrouver Milan, un compagnon de wagon emportant poissons et olives dans un sac en plastique, un couple nous enjoignant, tout en se gavant de pizza, à venir un jour visiter Rimini, et une femme lisant « I promessi sposi » de Manzoni, un compartiment de clichés auxquels seul Claude Abitbol et ses mots fléchés échappent…