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je me découvre une passion pour Dino Buzzati… avec un recueil dont je parlerai bientot… et je nous découvre aussi, à moi et Dino, au moins deux passions communes… les points de suspension… et Milan…

« Vous, le smog, vous le trouvez beau?»
«Très beau. Jamais Milan ne devient autant Milan, jamais il n’exprime pleinement sa puissante personnalité comme lorsqu’il y a le smog, croyez-moi. Mieux encore que lorsqu’il pleut- et l’on sait que la pluie sied esthétiquement à notre ville-, mieux, même, que lorsqu’il y a le brouillard épais classique. C’est sans doute malsain, direz-vous, mais en revanche, quel pathos!… Ces masses sombres de brume qui descendent jusque sur les maisons pour former une espèce de toit et enflent lentement, se contorsionnent, palpitent, flottent comme d’informes dragons qui vomissent des franges, des voiles et des filaments qui coulent le long des façades et s’accrochent aux antennes de télévision… Et cette obscurité si mystérieuse rappelant les eclipses… Et les arbres qui semblent ployer sous le poids de ces immenses vessies, et les hommes eux-mêmes, qui ont l’air de fantômes… alors on reste comme prisonniers d’une caverne douillette, avec une profonde impression d’intimité et d’aventure, et dans les esprits se manifeste une attente, comme si d’un instant à l’autre l’Apocalypse devait commencer…»

Dino Buzzati Via Solferino à Milano, où siège le Corriere della Sera