Il est grand temps qu’on commence à parler de Lyon! C’est un peu difficile pour moi de définir ce que j’ai envie de faire sur la question, Lyon n’est pas Milan et de nombreuses publications existent déjà sur la ville, je me demande quels sont les aspects que je pourrais avoir envie d’aborder ici… Je n’ai pas trop envie de vous faire des revues de restos ou lieux à voir, il y a déjà des tas de blogs et sites qui font ça, et je ne sais pas trop sous quel angle faire quelque chose de nouveau… J’oscille pour l’instant entre plusieurs idées, et en attendant de me décider, attaquons avec une valeur sûre trop peu connue même des lyonnais, le couvent de la Tourette à 25 km au nord-ouest de la ville, un projet architectural de Le Corbusier dont je vous avais déjà vanté les mérites après ma visite de la cité radieuse de Briey.

Le couvent abrite des frères dominicains, des érudits non reclus. Autrefois une centaine, ils sont une dizaine aujourd’hui à habiter les lieux et à partager leur temps entre l’étude, la prière, l’écriture et l’enseignement. Construit entre 1953 et 1960 à Éveux et résolument moderne par son architecture non conventionnelle, son emplacement avait été choisi sur la base d’un pronostic erroné: la ville de Lyon était sensée grandir dans sa direction mais comme ça n’a pas été le cas, il se retrouve désormais au milieu des champs. D’où une volonté d’attirer le public par des visites, des rencontres culturelles et spirituelles, la possibilité de participer à diverses activités ou d’y effectuer une retraite…

Si l’architecture innovante du couvent peut surprendre au premier abord, la visite révèle bien vite qu’il ne s’agit pas tant de délires de l’architecte que d’une recherche fonctionnelle érigée en principe absolu. Bien qu’athée et communiste, Le Corbusier a étudié de façon poussée le mode de vie des frères, tourné vers l’étude et la prière, afin de concevoir des espaces de vie et de travail adaptés à leurs besoins. Le cloitre par exemple se trouve en hauteur, sur le toit interdit aux visiteurs et caché de l’extérieur par un muret. Dédié à la méditation, on n’y trouve que la végétation sauvage portée par le vent ou les oiseaux (même s’il parait qu’un frère rebelle y a depuis peu planté quelques pieds de tomate…). Conçu pour ne pas dépasser la ligne d’horizon et ne pas dépareiller dans le paysage, le plan général est parti d’en haut et non du sol et la déclivité naturelle du terrain a été conservée; un bel exemple d’humilité qui dénote avec l’apparente recherche d’originalité.

Pour ma part, je trouve que le bâtiment en lui-même est sublime dans son austérité; un monolithe de béton armé sans fioritures dans la prairie où chaque ouverture, chaque ligne a son importance. Un rêve pour les amateurs de géométrie, les ascètes et les adeptes de l’essentiel, et un bonheur pour tout photographe en herbe puisque chaque point de vue, et même la plus banale perspective de couloir, présente un intérêt graphique! L’aménagement intérieur, essentiel lui-aussi, donne une grande importance à la lumière, à la couleur et aux rythmes géométriques. Évidemment, je suis gaga des grandes ouvertures dans le réfectoire, des escaliers en béton et du mobilier épuré, et à la fois drôlement déçue de n’avoir pu jeter un œil à la bibliothèque…

Dans les cellules, aménagées selon un modèle similaire à celui des appartements des cités radieuses, rien n’est laissé au hasard, du balcon conçu pour briser la lumière directe au crépi interrompu près du bureau pour ne pas distraire par ses circonvolutions l’érudit dans son travail ou sa méditation… La preuve même que la modernité peut se mettre au service de l’intemporel!

Dans l’église, la sobriété est également de mise, et c’est un savant jeu de meurtrières et de pans de murs peints qui donnent tout son caractère au lieu exempt d’ornements. Un dénuement qui, loin d’évoquer la froideur, appelle à l’élévation spirituelle; ne suffit-il pas pour réjouir son âme (de croyant ou d’impie!) de savoir qu’en une période précise de l’année, pendant quelques jours et à une heure précise au début d’avril, les rayons rasants du soleil qui entrent par la fente horizontale au sommet de l’édifice teintent le plafond de rose et embrasent d’or la croix de fer?

Si vous passez dans la région, foncez admirer le couvent, classé monument historique en 1979. Et s’il vous reste un peu de temps, gravissez la colline pour rendre visite aux frères disparus, enterrés sous les arbres dans la plus grande simplicité! A noter, du 10 septembre 2015 au 3 janvier 2016, à l’occasion de la Biennale d’art contemporain de Lyon, des oeuvres d’Anish Kapoor y seront exposées!

Couvent de la Tourette – Eveux L’Arbresle – Visite guidées uniquement du lundi au samedi à 10h30, 14h30 et 16h, le dimanche à 14h30 et 16h, tarif 7 euros. Possibilité de louer une chambre/cellule pour une retraite studieuse à la campagne avec petit déjeuner, pour 37 euros. Accès en train depuis Lyon: gare de Gorge de Loup ou Part Dieu puis30 min à pied!

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