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Un rythme faible mais constant de lecture et une attente grandissante des vacances… pour lire toute la journée, lézarder pavé en main à la plage ou à la lueur de la torche sous la tente… En attendant, voilà les lectures du mois…

Le train de Venise de Simenon, acheté à Venise mais lu plus tard… (j’ai bien fait d’ailleurs, seules les toutes premières pages se déroulent à Venise, et n’auraient en rien agrémenté mon passage vénitien…) Car il s’agit bien là d’un titre trompeur! Non seulement de Venise point, mais de train pas tellement plus! (à mon grand désespoir) (sans exagération aucune…) Et réalité le livre, à partir d’une rencontre furtive dans un train, traite plutôt de l’image de soi, de l’image que les autres nous renvoient et de la paranoïa qui peut s’installer dans le décallage entre les deux… Pas le meilleur Simenon, mais pas mauvais du tout quand même…

Et puisque nous y sommes, un autre Simenon, Le rapport du gendarme (les titres des romans de Simenon sonnent toujours bien, vous avez remarqué?). Ici, il est bien question d’un gendarme qui fait un rapport, mais encore une fois l’intérêt va bien au-delà… car si Simenon est un as, c’est bien dans l’art de poser des ambiances en quelques lignes, et de camper des personnages qui sont des types, au sens de caractères, mais tout en finesse… Ici, en partant d’un détail, c’est tout un mode de vie bourgeois campagnard qui est dépeint, ainsi qu’une certaine condition féminine et une ambiance familiale faite de non-dits qui conduiront les personnages au drame.

Autre genre avec Les frères du soleil d’Hermann Hesse (un grand amour de jeunesse) (dont je croyais avoir tout lu mais dont j’ignorais qu’il était aussi l’auteur de nouvelles…). Des nouvelles pas follement joyeuses mais somme toute agréables, des instantanés plutôt que des histoires, des petits mondes recréés le temps d’une anecdote mais qui semblent pourtant bien rééls et comme dotés d’une vie propre qui perdurera au delà de la lecture… Des nouvelles comme au ralenti, comme si l’histoire freinait sa course le temps de quelques considérations sur la vie et les gens, avant de reprendre le tempo initial de la vie tout court…

Et ensuite, devinez quoi? Un Simenon! (surpris?) Un Maigret même! L’ombre chinoise… Même si je dois dire que la découverte des Simenon tout court m’a un peu blasée des aventures du commissaire pataud et finaud à la fois… Ceci dit, les ingrédients sont encore une fois réunis: une trame sordide non pas par le crime mais par l’ambiance de mensonges et de névroses dans laquelle évoluent les personnages, une commère qui en sait long, une nunuche entretenue par un vieux bonhomme, un couple au bord de la rupture et cette atmosphère de cour d’immeuble, de concierge au travail, de bouteilles de lait qui attendent devant les portes et de rituel des poubelles…

Mais poursuivons, avec La prison ruinée de Brigitte Brami que m’a gentiment envoyé Tulisquoi… Un récit court mais frappant, qui demande sans doute à être relu pour en cerner toutes les raisonnances… Brigitte raconte la prison, la prison non comme lieu d’enfermement mais comme lieu de libération… libération du corps et des sensations retrouvées, mais aussi libération de l’esprit dans un quotidien qui, bien que codifié et où ne manque pas une certaine violence, semble apaisé… Apaisé par une humanité retrouvée entre détenus, mais aussi par une reflexion sur soi nourrie d’observations et de lectures qui font de la détention une expérience transcendante…  Un récit qui est aussi une célébration de la littérature comme pacte entre l’écrivain et le détenu qui « partagent alors le même ailleurs »…

Ce qui nous amène à Andreï Kourkov… pourquoi? Parce que, selon  Brigitte Brami, »[surveillants et detenus] se ressemblent »… Or, Andreï Kourkov a commencé à écrire en prison, à Odessa où il était gardien… Celà suffit-il à expliquer le foisonnement loufoque de ses romans? Dans Laitier de nuit, il est à la fois question de somnambules, de psychiatres ambitieux, d’embaumement humain, de trafic de fromage de chèvre et de chats réssuscités… (Ou serait-ce plutôt parce que, comme toujours chez Kourkov, on y boit beaucoup de vodka?) Un livre qui part dans tous les sens, ouvre des portes, s’engouffre dans quelques unes et claquent les autres avant de se sauver en courant, nous laissant pantois d’étonnement sans nous donner aucune clef (pour un gardien, ce n’est pas chic), mais nous laisse pour se faire pardonner après bien des péripéties dans l’assurance que tout finit bien, ou du moins pas plus mal…