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Ce week-end, j’ai prévu d’aller à Venise… je n’y suis encore jamais allée, repoussant chaque fois le moment, attendant la juste occasion, le pretexte opportun… jusqu’à nourrir pour cette ville une espèce de fantasme sans rien en savoir, refusant d’en voir la moindre image, de lire la moindre ligne à son sujet… jusqu’à ce qu’à force, l’effet contraire se fasse sentir (comme quoi, il y a quand même un peu de Proust en moi…), que l’idée d’aller ou non à Venise ne me fasse plus ni chaud ni froid, et que ma réaction à la proposition « et si on allait à Venise ce week-end » ne soit qu’un simple « et pourquoi pas »…


Mais tout de même, je ne peux pas renier des années d’acharnements et me résoudre à acheter un vulgaire guide de voyage sur la ville, comme si j’allais passer la journée à Metz ou Lyon… Toutefois, comme chez moi les lieux nécessitent souvent une sorte de conditionnement littéraire, il m’a fallu me trouver un guide, au sens d’un conteur-accompagnateur… c’est chose faite avec « venise est un poisson » de Tiziano Scarpa… mi itinéraire, mi roman, ce livre sans presque rien livrer de la ville a de nouveau fait bouillir en moi l’envie vénitienne…

Le livre invite à découvrir la ville d’une façon qui n’est pas si différente de ma manière habituelle de voyager: sans carte, en se perdant, au risque de ne pas voir la place principale ou tel vue, tel monument, en acceptant pour exotisme suffisant l’idée d’être ailleurs et de découvrir, au détour de petits détails, une ville et une vie différente…

Ces petites choses, c’est la délicieuse idée de savoir la ville constuite sur des pieux en bois, et de marcher sur « une immense foret renversée »… c’est cette colonne du Palazzo Ducale dont il parait qu’on ne peut faire le tour sans tomber de la marche… c’est savoir le nombre précis de chewing-gums qui étaient collés sous le pont del Vinante au moment de l’écriture du livre, c’est cette invitation à aller taper sur la margelle de la place san Silvestro… c’est aussi cette idée d’une ville sans voitures, où les jeunes se bécotent sous les porches et où « le riche et le pauvre circulent sans afficher ces espèces de déclarations des revenus motorisés »… Un livre qui attise l’attente, entre ses promesses de beauté, de spritz et de sardines frites… on en reparle la semaine prochaine!

« Se perdre est le seul endroit où il vaille vraiment la peine d’aller »  Tiziano Scarpa