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Vous connaissez ma passion pour Romain Gary… aussi, quand je suis tombée sur Tulipe, son deuxième roman, j’ai été ravie… un nouveau Gary dont, en sus, je n’avais jamais entendu parler… et puis, un peu déçue par le style… et puis, de nouveau enthousiaste… un véritable je t’aime moi non plus, et ce à chaque page… il parait qu’il en a ensuite fait une pièce de théatre… et effectivement cette forme se prèterait sans doute mieux au texte…et pourtant, que de bonnes raisons de l’aimer, ce conte de 173 pages… déjà, il est dédié « à Léon Blum, respectueusement »… ensuite, en exergue, du Kafka (note à ceux qui écrivent: en cas de doute sur votre talent, mettez du Kafka en exergue, il y aura au moins quelqu’un qui vous lira, moi)… et puis, De Gaulle himself l’a félicité d’avoir su capter dans ce livre « l’idéalisme et le cynisme, l’apostolat et la fumisterie, la douleur et le ricanement ». respect.

Un livre sur l’idéalisme, une satire de l’idéalisme, une pseudo-satire de l’idéalisme même… L’histoire de Tulipe, ancien deporté vivant dans un taudis à Harlem, qui entame une grêve de la faim en guise de protestation et devient vite un meneur de foules, un prophète cynique et vain…
Je pense qu’il me faudra le relire avant de pouvoir vous en dire plus… je vous laisse patienter avec quelques extraits:

« Tulipe se coucha sur le dos, joignit les mains sous sa nuque, regarda le plafond: l’humidité dessinait sur le plâtre des îles et des continents, tout un univers enchevetré et sombre. «Comme si celui-ci ne suffisait pas.» Il regarda avec hostilité une tache particulièrement étendue et sale. «Celle-là doit prétendre à l’hégémonie du plafond. Elle sent qu’elle a une mission spirituelle à remplir…»

« -Je boirais bien encore un verre d’eau, oncle Nat.
-Voilà, patron, voilà. Ce ne sont pas les verres d’eau qui manquent. »


« «Amis, dit Tulipe, je vous remercie de l’accueil que vous m’avez fait et qui s’adresse, je le sais, au-delà de moi, à ma patrie européenne. Nous avons besoin d’uranium, d’outillage industriel et agricole et d’un crédit moral et financier d’une durée indeterminée. Nous offrons en échange les poèmes de Pétrarque, les oeuvres complètes de Shakespeare et l’entrée libre de tous les musées de France et d’Italie. Nous vous demandons aussi le secret de l’énergie nucléaire et nous sommes prets à vous donner en échange le plan complet de la cathédrale de Chartres.»

« Voulez-vous changer, par la force, la structure politique et les institutions de ce pays?
-Non, je suis jeune, je suis prêt à attendre que ça croule tout seul. »

Et je vous invite à aller regarder cette vidéo, sans rapport avec le livre, mais dans laquelle on voit apparaitre subrepticement l’immense Gary sans sourire, en plus d’autres gens dont il m’arrive de parler ici…