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Hier, c’était la première journée de printemps organisée par le FAI (Fondo Ambiente italiano), qui permettait de visiter des endroits d’ordinaire fermés au public… j’avais pour ma part opté pour le Complesso Frigiriferi Milanesi de via Piranesi, c’est à dire l’antique fabrique de glaçons de la ville (mon coté happy hour sans doute)… si la visite en soi m’a plu, je dois aussi dire que j’ai découvert un truc que j’évite en général, la visite guidée de groupe, ici obligatoire…

A peine descendu du vélo déjà, ce qui devait être une initiative gratuite devient un racket organisé, à grand renfort de rombière à sac banane assaillant les visiteurs à peine la porte franchie pour réclamer un contributo (je n’ai rien contre l’idée de contribuer, entendons-nous bien, mais pour le coup j’aurais préféré qu’un tarif soit mentionné sur le dépliant). Ensuite, nous voici dirigés vers un guichet où présenter papiers d’identité, signature, matricule etc (question de sécurité, nous assure-t-on) (sécurité de quoi nom de nom?)… puis nous voilà badgés et numérotés… nous, emportés par l’alegresse du troupeau de visiteur, nous trompons d’office de groupe, suivant le groupe D au lieu du groupe E que nous n’aurions jamais du quitter (euh… je suis sensé le reconaître comment?) … bref, panique dans l’organisation, le vigile sue beaucoup, nous voici refoulé de la simili salle de conférence après un appel accusateur (horreur malheur, vous n’êtes pas du groupe D), les autres visiteurs sans doute habitués se regardent d’un air entendu (bouh les intrus, ils ne sont pas des nôtres), nous voilà chassés et montrés du doigt (pas hués mais c’est tout comme)…

A ce stade, mon intérêt pour la visite décuple, je m’attends à la révélation de secrets d’état… Quelques instants plus tard, au milieu du groupe E cette fois, nous voilà autorisés (enfin!) à poser nous aussi nos fesses sur des chaises en plastique bordeaux pour écouter lesdits secrets d’état de la bouche d’un guide pas aphone mais presque) (si)

Alors alors, et ces glaçons? La Palazzo dei Frigoriferi Milanesi, construit en 1899, servait à la conservation des denrées alimentaires arrivant à Milan par train, et à la fabrication de pains de glace à usage commercial ou domestique. Juste à coté, le Palazzo del Ghiaccio, magnifique batiment ressemblant à une sorte de gare art nouveau, construit en 1923, tout en voutes de métal, bois et vitres, abritait une piste de patinage sur glace de 1800m2…  L »invention de systèmes réfrigérants domestiques rendit obsolète les installations de fabrique de glace, et l’endroit devint avec le temps une sorte de stock, tandis que le Palazzo del Ghiaccio accueillait quelques festivals dans les années 50…

De 2002 à 2007, un projet de requalification lui donnait son apparence actuelle, tandis que la société Open Care prenait la gestion des activités… Et maintenant, qu’y fait-on? la patinoire n’est plus en service (et c’est bien dommage), on y organise des défilés quatre fois par an, des fêtes d’entreprises, des présentations de nouveaux produits… (notre guide nous encourage d’ailleurs à utiliser ces services, et précise même que les lampes qui éclairent les lieux sont en vente chez Artemide… Pierre Bellemare es-tu là?) L’autre batiment abrite quand à lui des ateliers de restauration en tout genre, des tapis aux meubles antiques, des oeuvres d’art aux instruments scientifiques anciens… (et où de sympathiques artisans nous enjoignent là-aussi à contribuer par nos généreux dons à leurs activités) (les journées gratuites, ça vous grève un budget)

Trois heures… trois heures à tendre l’oreille pour suivre les indications de notre guide, une jeune fille dont la voix ne porte guère, à être comptés, recomptés, chronométrés par un vigile qui a l’air de prendre tout ça très au sérieux, dirigés (tu ne peux même pas regarder là où tu veux, seulement là où on te dit, et le moindre ralentissement est sanctionné d’un « allons allons, on va prendre du retard sur le D et le F va nous rattraper ») (sacrebleu!) On n’a évidemment pas le droit de faire de photos (des fois qu’on revienne la nuit avec une clé anglaise et un couteau suisse en passant par la fenêtre précédemment photographiée)

Parce qu’enfin, ou plutôt devrais-je dire surtout, nous arrivons au sous-sol du batiment qui abrite, tintintin… des caveaux, raison de tous les mystères évoqués plus haut, c’est à dire 8000m2 de coffres forts blindés et de cellules privées acueillant fortunes, oeuvres d’art, bijoux, fourrures (oui oui, apparemment ça se fait de remiser sa fourrure au coffre… pour la saison estivale sans doute) (dis tu crois qu’en hiver ils y mettent leurs tongs?) Là aussi, on nous vante les mérites des systèmes de sécurité (certains d’entres nous font même mine de s’y entendre et d’être potentiellement interressés) et on nous assure que, même en cas d’incendie, tout est sûr, et qu’afin de ne pas détériorer les biens conservés, ce n’est pas de l’eau que vaporise le système anti-incendie, mais un mélange argon-azote innoffensif semble-t-il pour les toiles de maîtres… (euh, oui, mais pour les gens par contre, l’eau c’est peut-être moins agressif non?…) (arrétez-moi si je me trompe, mais l’azote c’est le truc fumant qui sert à bruler les verrues non?!) (mais ça n’a l’air d’effleurer l’esprit de personne, donc tout va bien)

Et voici comment, après force distribution de prospectus divers et variés nous vantant les mérites de la société, nous sommes chassés dehors comme des malpropres par une petite porte « la sortie c’est par là au revoir et à l’année prochaine »… Nous cessons instantanément de faire partie du groupe E, et nos compagnons de visite, auxquels ma foi on s’était habitué,  s’éloigne du coup de trois pas de coté et s’en vont sans saluer…

…Non mais?!

(vu qu’il est impossible de récupérer du matériel photo, la fantastique image en tête d’article est prise du catalogue Open Care) (des fois que la vue de l’espace ne vous donne envie d’aller remettre en marche les systèmes réfrigérants sans autorisation pour patiner intempestivement) (si si)