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Après Sara et Florence, Completement flou rencontre aujourd’hui Cristiana Zamparo, éditrice de talent chez Rayuela edizioni, la maison d’édition au logo de marelle (la fameuse rayuela) pour qui il suffit d’une craie, d’un trottoir et d’un peu d’adresse pour tenter d’approcher le ciel… Cristiana est aussi à l’origine, avec l’écrivain Milton Fernàndez, du premier festival de littérature milanais qui se tient en juin, et a réuni en 2012 plus de 30 maisons d’éditions et une centaine d’écrivains. L’occasion de parler du panorama culturel éditorial milanais, et de revenir sur BookCity Milano, l’autre festival littéraire de la ville qui s’est tenu ce week-end…

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Comment on en arrive, alors qu’on travaille depuis des années dans le secteur de la recherche de marché, à ouvrir sa propre maison d’édition?

La littérature a toujours été une passion. A une époque j’ai même effectué un stage chez Iperborea (spécialisée en littérature nordique), mais le secteur n’offrait pas de grandes perspectives d’avenir, et je me suis finalement tournée vers la recherche de marchés. Plus tard j’ai rencontré l’écrivain uruguayen Milton Fernàndez, qui était déjà édité en Italie, et c’est là que je me suis interrogée à nouveau sur les problématique de l’édition.

En Italie, un auteur doit souvent, pour être publié, ou passer par un éditeur qui va retravailler le texte et le rendre plus vendeur pour espérer intégrer le catalogue de grosses maison d’édition, ou passer par de plus petites réalités éditoriales qui vont, au choix, lui demander de financer la publication, ou éditer les livres à compte d’auteur en l’obligeant à acheter d’avance un certain nombre d’exemplaires.

C’est pour pemettre à des auteurs inconnus de promouvoir leur travail sans avoir à payer qu’est née l’idée d’une maison d’édition dédiée à une littérature de passionnés. Dans le même temps, Milton avait commencé à traduire en italien une série de textes d’auteurs sud-américains d’origine italienne, et c’est ainsi qu’est né en 2010 le premier recueil de Rayuela edizioni,  italiani d’altrove (italiens d’ailleurs).

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Malheureusement, Rayuela edizioni doit aussi faire des choix! Comment trouvez-vous et selectionnez-vous les livres qui viendront grandir votre catalogue?

Il y a, bien sûr, un comité de lecture, mais on fonctionne aussi beaucoup au coup de coeur. On a évidemment publié des livres de Milton, mais il y a aussi des auteurs qui viennent nous trouver lors de salons, festivals… et puis les talents dénichés au hasard de rencontres, comme ça a été le cas pour Laura Sanchioni dont on s’apprète à publier le deuxième roman.

D’un point de vue pragmatique, créer sa maison d’édition indépendante, ce n’est pas un peu jouer à David contre Goliath sur un marché dominé par les gros groupes éditoriaux?

Evidemment, les tarifs pratiqués nous excluent de certains salons, et nous devons créer notre propre réseau de distribution. Il faut savoir que dans la grande distribution, le vendeur encaisse 60% du prix de vente, et ce n’est pas envisageable avec notre tirage actuel.  Il faut rechercher des libraires qui sont de vrais passionnés, et qui font le pari comme nous de faire découvrir des auteurs inconnus mais talentueux. Avec le temps, nous avons réussi à nous créer un réseau de contact, et nous sommes distribués non seulement à Milan mais aussi à Rome ou Naples… L’idée, ce serait de mettre en commun ce réseau avec celui d’autres petits éditeurs, pour améliorer la distribution de tous, on y travaille!

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La solution de l’eBook vous permettrait de réduire vos frais et d’être plus largement diffusés, notamment hors d’Italie, vous y avez songé?

Tu ne vas pas t’y mettre aussi, il y a assez de mon fils (Matteo, 12 ans) pour me répéter que c’est le futur de l’édition! Pour moi, rien ne remplacera jamais le livre, sa texture, son poids dans la main… Quand on pense au soin apporté à l’élaboration de nos couvertures, au choix du papier, je ne peux pas croire que les lecteurs s’en passent. L’autre jour, avec d’autres éditeurs lors d’un salon, on regardait d’un oeil navré le stand d’un confrère qui s’est lancé dans l’aventure des eBooks: sur sa table, une série de cartes postales sensées figurer la « couverture » des livres, j’avoue que ça m’a laissée perplexe…

Milton Fernandez et toi êtes à l’oigine du festival de littérature lancé en juin dernier. Une façon d’apporter plus de visibilité à votre maison d’édition j’imagine, mais aussi de créer ce fameux réseau de petits éditeurs dont tu me parlais tout à l’heure?

Exactement, et ça a été un vrai succès. Beaucoup d’éditeurs et d’auteurs ont répondu présent, et des partenaires innatendus se sont mobilisé. Il faut dire qu’à Milan, le seul événement lié à la littérature était alors la Milesiana qui se tient chaque année en juillet. Organisée par Bompiani avec de gros budgets et le soutien de la mairie, elle se tenait sur une tout autre échelle, dont les « petits » se sentaient exclus. Nous avons monté notre festival sans aucun soutien, ni public ni privé, en en appelant à la bonne volonté de chacun. Affolée de voir que nous étions en passe de réussir et par la peur de ne pas en être, la ville s’est réveillée sur le tard et nous a offert une salle de la mairie pour la conférence de presse, et son patronnage symbolique… Mr Boeri, l’adjoint à la culture, nous avait alors publiquement promis son soutien pour l’édition suivante, sauf qu’entre temps, BookCity Milano est né…

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Tu veux dire que cette nouvelle manifestation, en dépit de toute logique, concurrence votre festival?

Je ne veux pas entrer dans un discours politique, mais j’avoue qu’on a été très surpris quand on a appris la création de BookCity Milano, qui plus est annoncé comme « le premier festival de littérature milanais »… Milton a d’ailleurs interpellé publiquement Mr Boeri à ce sujet. Là, comme par hasard, il y a un gros budget, donc évidemment, de hauts lieux de la ville sont concernés, et il y a la possibilité de faire venir de grands auteurs… Tu n’imagines pas ce que demandent les écrivains célèbres pour se déplacer pour un tel événement, et j’imagine tout ce qu’on aurait pu faire avec un budget pareil… Même si, évidemment, nos buts sont différents, et un auteur renommé n’a pas forcément plus de choses à raconter d’un écrivain fraichement publié…

Parlons-en justement, et revons un peu! Tu inviterais qui, au festival de litterature prochain, si tu avais le choix?

Sans hésiter, le poète argentin Juan Gelman, dont les editions Rayuela ont eu la chance de publier un livre en italien… Et aussi, Fred Vargas et Massimo Carlotto que j’admire beaucoup. Mais je le répète, même si cela nous ferait gagner en visibilité, je préfère nettement donner à des auteurs moins connus l’occasion de s’exprimer et de rencontrer le public…

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Des adresses littérario-milanaises à nous recommander?

Des librairies, encore et toujours!  Linea d’ombra (Via San Calocero, 29), la librairie Largo Mahler (Via Conchetta, 2), Il mio libro (Via Sannio 18),
la libreria popolare de via Tadino (via Tadino 18), la librairie Azalai (Via dei Fabbri, 24) …
Et pour les événements et présentations littéraires, l’Ostello bello, le café-librairie bistrot del tempo ritrovato (via Foppa 4) , il Vinodromo (via Salasco 21) qui s’est pendant le festival découvert une vocation pour les soirées littéraires, et ouvrira d’ici peu une salle à l’étage pour consulter des livres , et enfin le Henry’s café (viale Col di Lana 4), plutot connu pour ses soirées bière-foot mais qui a accueilli milano in bionda, événement durant lequel 24 auteurs de policiers sont venus raconter leur livre le temps d’une bière… Depuis, les événements littéraires s’y succèdent!

Prochain festival de la littérature a Milan, du 5 au 9 juin 2013! (photos Luca Volpi pour festivaletteraturamilano, Cristiana Zamparo, Flou)