Sélectionner une page

«J’écris avec un crayon. Un vieux bout de crayon, trouvé dans une vieille boite, par hasard. Je l’ai taillé et sur le peu de papier blanc qui me reste ce soir, j’écris» …C’est décidé, j’aime Dino Buzzati… (t’inquiètes pas le Mec, Dino est mort en 1972)
J’aime parce qu’au delà des romans construits (le fantastique « Bàrnabo des montagnes »), des dizaines de nouvelles fantastiques et non (meme si avec Buzzati tout est toujours fantastique ou si, malheureusement, dans un pessimisme exacerbé, tout n’est que bassement terre à terre), le talent de Buzzati s’exprime dans la moindre bribe d’histoire, dans la moindre anecdote relatée… « nous sommes au regret de… » rassemble des histoires, des récits, des reflexions quotidiennes, à la manière d’un journal sans cesse alimenté par ce foisonnement qu’est le monde et les gens dedans, alimenté aussi par les angoisses de l’auteur meme, la solitude, l’injustice, la fuite du temps et la vanité des hommes… où l’on sent que l’écriture n’est pas qu’un exercice, c’est aussi un exorcisme…

«Ecris, je t’en prie. Deux lignes seulement, au moins cela, meme si ton esprit est bouleversé et si tes nerfs ne tiennent plus. Mais chaque jour. En serrant les dents, peut-etre des idioties dépourvues de sens, mais écris. L’écriture est une de nos illusions les plus ridicules et pathétiques. Nous croyons faire une chose importante lorsque nous traçons des lignes noires qui sur le papier blanc se contorsionnent. De toute façon, c’est là ton métier, que tu n’as pas choisi toi-meme, qui t’a été attribué par le sort, c’est la seule èporte par laquelle, éventuellement, tu pourras t’échapper. Ecris, écris. A la fin, parmi des tonnes de papier à jeter, une ligne pourra etre sauvée. (Peut-etre.)»

Et puis, cet auteur si sérieux sait aussi etre drole (meme si on dirait pas trop sur la photo…), comme lorsqu’il fait la liste « des choses que je hais« , mettant dans le meme sac (avec une délectation et une mauvaise fois évidente):

les personnes sérieuses, les chaussettes, les poils chez les femmes, les fausses blondes, les gens qui ne boivent pas, les chansons napolitaines, les chaussures bicolores, le titre de dottore (normalement donné à toute personne qui obtient l’équivalent d’une licence. en fait, attribué sans discernement), les berets basques, l’odeur de friture des foires de quartier, le braiement de l’ane, l’orgue et la cornemuse, les blagues, ceux qui sont plus doués que moi…

et j’en passe… lisez-le, ça vous fera le plus grand bien…