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Ce mois-ci j’avais un petit défi personnel, me mettre sérieusement à lire en italien… En général ça m’énerve assez vite, vu que je suis à moitié moins rapide que quand je lis du français… En même temps, je suis bien consciente que si je ne m’y mets pas ça ne s’améliorera jamais… Et bien ouf! Il y a deux jours, j’ai enfin terminé Milano è una seconda Parigi (=Milan est une autre Paris) acheté il y a des lustres et jamais ouvert… Un livre qui rassemble les récits de voyageurs britanniques et américains à Milan de 1608 à 1910…

Un livre pas franchement palpitant donc, ce qui aurait été un peu plus motivant sans doute (nan mais deux semaines pour lire un livre, n’importe quoi), mais néanmoins fort intéressant…

On se rend compte que les voyageurs d’alors, tout comme ceux d’aujourd’hui, sont bourrés de préjugés sur la ville avant même de l’avoir vue. Si certains d’eux l’admettent, d’autres soutiennent mordicus des banalités sans fondement, comme le souligne la pétillante Edith Wharton: « Il est difficile de dire si la phrase classique du touriste classique Il n’y a vraiment pas grand chose à voir à Milan contribue plus à rendre ridicule celui qui la prononce, ou à faire honneur à la gloire de l’Italie » ( E viva Edith!). On se rend compte aussi que tous visitent à peu prêt les mêmes choses: le Duomo, les arènes, la biblioteca ambrosiana, l’hopital Maggiore, la place d’armes…

On apprend des tas de choses passionantes, comme par exemple page 15 que la ville s’est appelé Mediolanum (la ville du juste milieu en somme) après l’apparition à Belloveso, roi des celtes, d’une truie recouverte d’un pelage mi-cochon mi-laine…

On nous y signale également un écho remarquable pas très loin de la ville, dans le jardin du Palazzo Simonetta, qui réverbérerait la voix jusqu’à plus de 30 fois… Renseignements pris, la villa construite au XVe siècle aurait successivement fait office de résidence, d’hopital et de fabrique de bougies, aurait été bombardée pendant la 2nde guerre mondiale avant d’être restaurée en 1959 par la ville devenue propriétaire. Aujourd’hui semble-t-il école de musique, son écho n’attire plus les foules mais peut toujours faire l’objet d’une ballade à vélo… (via Stilticone 36 au nord ouest de Milan)

On apprend qu’en 1770 il n’y avait pas déclairage dans les rues, et que chaque voiture et chaque piéton devait se munir d’une lanterne en papier; qu’il y avait des oliviers en ville mais qu’un grand froid les a décimé en 1709 et qu’ils n’ont pas été replantés; et qu’en 1782 sont tombés des grelons gros comme le poing (« suffisamment gros pour tuer des chats », nous assure Thomas Jefferson)…

On en apprend plus aussi sur la fabrication du parmesan, auquel on ajouterait lors de sa préparation un peu de safran pour le colorer, et sur le mascarpone, obtenu en versant un peu de lait fermenté dans de la crême de lait…

George Byron quant à lui s’intéresse plus aux manuscrits de la biblioteca ambrosiana qu’à la gastronomie locale. Il parait qu’y sont conservées les lettres d’amour de Lucrèce Borgia et du cardinal Bembo…

Mais l’une des choses qui m’a le plus amusée, c’est de lire les remarques de chacun au sujet de la cathédrale milanaise… Si certains sont subjugués, certains de contempler là la plus belle église jamais vue, d’autres la détestent, lui repprochant sa débauche de statues, son ampleur, sa prétention… Oscar Wilde en particulier n’est pas tendre avec notre Duomo: « un fiasco imposant et gigantesque »,  » théatrale et monstrueuse », et allant même jusqu’à dire que « tout en elle est vulgaire »!

En même temps, Oscar Wilde m’a tout à fait l’air d’un type jamais content, puisqu’il critique même l’opéra local et l’enthousiasme des spectateurs: « l’enthousiasme délirant des gens n’avait pas de limites. toutes les cinq minutes se déchainait une fureur terrible et des cris « brava » fusaient de tous les côtés du théatre, suivi d’un élan délirant des acteurs pour le compositeur posté sur le côté de la scène, prêt à surgir au moindre signe d’approbation; une créature à l’air faible qui mettait sa main sale sur sa chemise malpropre pour montrer son émotion, se lançait au cou de la première femme en extase venue et envoyait des baisers à la ronde » (le salut façon latin lover, c’est donc une tradition!!!)

En somme, des avis sur la ville de toute sorte et pour tous les goûts, comme j’aimerais en entendre plus souvent de la part de mes contemporains, qui se bornent souvent à quelques lieux communs et quelques considérations éculées sur Milan, comme s’il n’existait qu’une seule manière de la découvrir et de la traverser…

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