quand j’étais plus jeune (écoutez mamie flou qui vous parle), je croyais que les féministes, c’était un peu comme des nanas qui refuseraient de s’épiler pour ne pas se soumettre à la dictature masculine, et qui voudraient pas qu’un mec leur paye à boire en discothèque… en gros… disons que je voyais pas l’interêt, du coup…
C’est si rare maintenant quand une femme a du tempérament, que quand une femme en a, on dit que c’est de l’hystérie. (Jules Barbey d’Aurevilly, extrait des Pensées détachées)
et puis j’ai découvert l’Italie… qui dans certains domaines, et celui-là en particulier, a à peu près un demi-siècle de retard… où les gens donnent leur avis sur toi à ton mec comme si tu n’étais pas là, en évaluant tes qualitès et défauts d’un oeil connaisseur, où quand c’est toi qui demande l’addition le serveur regarde ton mec/pote d’un air navré, où les mecs se vantent de leurs maitresses au bistrot comme d’une bonne blague, où dans un magasin type Darty c’est toi qu’on regarde quand il s’agit de fer à repasser, ton mec quand il s’agit d’un ordi (même si moi je ne repasse JA-MAIS et par contre, l’ordi, c’était pour moi), où la femme doit nécessairement écouter attentivement les conseils de sa belle-mère, où les mecs se permettent en pleine conversation des « zitta ignorante » (plus ou moins « la ferme idiote ») à leur copine devant toi comme si c’était normal, où dans une voiture c’est nécessairement l’homme qui conduit, et quand il s’agit d’argent ou de décisions importantes toujours l’homme qui parle, où les soirées chez des gens se finissent souvent par « les mecs au salon qui boivent en se racontant des bonnes blagues, les filles dans la cuisine qui parlent chiffons en évaluant les mérites comparés des détergents ménagers » (ce qui me fait immanquablement demander, quand l’une d’elle tente de m’entrainer « mais pourquoi pourquoi, moi-aussi je veux aller boire du brandy dans le fumoir »)
alors, évidemment, je passe pour une timbrée… ou plutot pour « una ragazza tosta » (une fille pas commode quoi, qui porte la culotte!)…heureusement, ils se disent que c’est parce que je suis française (on a la réputation d’etre libérées, même que des fois les gens me demandent si c’est vrai qu’en France on s’embrasse tous sur la bouche…) (mais bien sur)
Du coup évidemment, je mesure les avancées faites dans le domaine de la condition féminine… du coup, évidemment, moi aussi je suis devenue féministe… (du coup je m’épile plus… nan je déconne)
On se souvient d’une atmosphère parce que des jeunes filles y ont souri.
(Marcel Proust, extrait de La Prisonnière)
Et en ce moment, ces idées occupent mon esprit pour plusieurs raisons… des histoires de femmes déjà, qui me sont racontées, comme celle racontée par un ami, celle de sa grand mère élevée par ses grands-parents et dont la véritable mère (mère célibataire évidemment) avait été envoyée seule à Londres pour « expier » chez des parents éloignés, après une humiliation publique à l’église du village…
Et puis aussi, la lecture de ce livre, « l’art de la joie » de Gollarda Sapienza, un pavé de plus de 800 pages certes, mais un pavé passionnant, retraçant le destin de Modesta, femme née en 1900 dans un village de Sicile, qui toute sa vie s’opposera à la notion de convenance, et ce dans tous les domaines… de son rapport à l’amour à l’éducation de ses enfants, dans son rapport à l’argent, au pouvoir, au corps; de la ferme de ses parents au domaine des Brandiforti, du couvent à la prison politique, un portrait de femme exaltée, passionnée, parfois égoiste et meme criminelle, qui n’en reste pas moins un modèle de poursuite du bonheur, de soif de liberté et d’épanouissement…
Je suis ravie que le livre ait été si long, d’avoir pu partager la vie de ses personnages pour plus d’une soirée… Modesta m’a ainsi accompagné à la plage samedi dernier (et m’a meme appris à faire la planche, je n’avais jamais réussi avant!) et toute cette semaine un peu partout… à conseiller à tous, et surtout aux filles, évidemment!
Et pour ceux et celles pour qui le féminisme se résume à qui tient la porte à qui? ou à qui fait la vaisselle?, allez donc faire un tour là, sur la droite de l’écran se trouvent répertoriés les « concepts centraux et thèmes de lutte » du féminisme, autre chose que des questions ménagères…