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Du temps a passé depuis le dernier vrac! De quoi va-t-on donc parler aujourd’hui? Quels sont ces onglets ouverts qui hantent mon navigateur et ralentissent mon ordi? Des histoires de livres, de mémoire, de sols vénitiens et d’étiquettes de bananes (entre autres)!

Point lecture

Il y a quelques semaines, une amie me faisait part de son envie de s’éloigner un peu des écrans pour dédier plus de temps à la lecture. Evidemment, ça a tout de suite fait écho en moi. De mon coté, le problème n’est pas tant les séries ou les films (je n’en regarde que très peu) mais plutôt du côté des réseaux sociaux. Aussi, pour me débarrasser de cette mauvaise habitude de scroller sur Twitter et Instagram avant de dormir, j’ai décidé de l’accompagner dans son petit challenge du mois de mai. C’est l’occasion de pulvériser (en partie) la pile de livre qui attend à coté du lit et de finir quelques titres commencés il y a longtemps et abandonnés en route. Je n’ai pas de problème avec le fait d’avoir une pile de livres non lus, ça ne génère pas de culpabilité chez moi (ce n’est pas de la paresse, c’est du tsundoku) (même qu’il parait que ça rend plus intelligent et que ça nous aide à mesurer l’immensité des connaissances que nous n’avons pas encore acquises).

Mon problème à moi, c’est plutôt, quand la fameuse pile menace de s’effondrer, de ne plus oser acheter de livres. Du coup j’erre dans les librairies ou sur les salons littéraires, la mine triste, ne m’autorisant qu’un seul achat (et encore, en poche, donc pas une nouveauté). Mon objectif donc, c’est de lire les livres en attente pour pouvoir en acheter d’autres (je n’suis pas folle vous savez!) Dans mon viseur en mai: Françoise Sagan , Truman Capote, Joan Didion, un vieux Grégoire Délacourt commencé il y a deux ans et pas terminé, Nicolas Mathieu (pas celui que tout le monde lit, Rose Royal parce qu’il est plus court!), un vieux Philippe Claudel que ma mère m’a prêté et un roman d’Arnaud Donez que l’éditeur m’a envoyé et dans lequel je n’ai pas encore mis le nez. Ça fait beaucoup? Pas forcément, si je libère 1 à 2 h par jour de temps d’écran!

pile de livres

La plupart des gens, lorsqu’ils parlent de piles de livres, le font au sens figuré, et les ouvrages attendent bien sagement sur des rayonnages. Chez moi, il s’agit bien de piles de livres entassées le long des murs. Ça fait longtemps que je me promets d’y mettre un peu d’ordre, mais j’hésite encore sur la méthode à adopter. Pour l’instant, on est sur un fonctionnement « par strates », et donc chronologique, sauf quand j’en prête un qui se retrouve ensuite, une fois rendu, sur le haut de la pile. J’aimerais les classer par auteur, mais je ne peux pas mélanger les livres de poche et les éditions brochées (pour d’évidentes raisons de stabilité). Forcément, ce qui suit m’a fait mourir de rire sans m’apporter d’éléments de réponse. Si vous avez des suggestions, je suis preneuse!

Qui dit livres dit bibliothèque. Je fuis la mienne depuis l’amende que j’ai dû payer le mois dernier pour retard chronique mais avec mes nouvelles bonnes résolutions, ça ne devrait plus m’arriver (LOL). Forcément, cet article du New York Times envoyé par une amie m’a fasciné: on y apprend que les bibliothèques publiques de New York, ayant mis fin aux frais de retard en octobre 2021, ont vu revenir depuis une vague de livres jamais rendus. Des dizaines de milliers d’ouvrages dont certains empruntés il y a 40 ans, d’autres avec des mots d’excuses et des mercis. Pourquoi? La honte d’avoir conservé trop longtemps les prêts, la crainte d’affronter de regard courroucé du bibliothécaire (je connais bien), et de devoir s’acquitter de frais de retard empêchent les gens, non seulement de rapporter leurs livres en retard, mais aussi de passer la porte de la bibliothèque à tout jamais. Les bibliothèques, qui n’ont pas vocation à gagner de l’argent avec ces frais de pénalité, ont donc trouvé plus judicieux d’encourager la lecture et les lecteurs à franchir leurs portes, plutôt de de conserver ce système de « punition ». (Evidemment, il y a des rageux pour dire que ça encourage la paresse et le non respect des règles de prêt. Mais vous savez ce qu’on en fait des rageux? On les met aux oubliettes avec les frais de retard de la bibliothèque.)

Pour finir, je ne sais plus si j’en ai déjà parlé ici mais c’est de saison donc qu’importe. J’ai depuis longtemps dans mes favoris cet article (en italien) qui explique quels sont les meilleurs livres pour écraser les moustiques. Sacrilège? Certes, mais toute personne ayant une pile de livres à coté de son lit et vivant dans une contrée où pullulent ces insectes maudits sait que rien n’est plus instinctif, en pleine nuit et au premier bourdonnement, que de se saisir du premier objet contondant venu pour consteller ses murs de sang. L’article classe les livres par taille, épaisseur (point trop n’en faut), type de papier utilisé pour la couverture (d’expérience, le papier glacé est plus facile à nettoyer), couverture souple ou rigide (légèrement souple c’est mieux). L’auteur de l’article, chasseur de moustiques aguerri, conseille particulièrement les livres dotés d’un revers intérieur qui améliore l’aérodynamisme, et recommande deux ouvrages en particulier (Entre eux de Richard Ford et Les Tribulations d’Arthur Mineur d’Andrew Sean Greer, prix Pulitzer au demeurant) avec lesquels il a obtenu son plus impressionnant taux de réussite. Une autre bonne raison d’avoir un vaste choix littéraire à portée de main!

Point écriture

Je ne sais pas si vous avez déjà tenu un journal intime. Moi oui, il y a fort longtemps, et il traine toujours dans un coin de mon bureau. A vrai dire j’aimerais bien m’en débarrasser et je ne pense pas le relire un jour, mais je me vois mal le mettre simplement dans la benne à papier. L’autre jour, on parlait avec une amie de tout le bazar qui nous accompagne au quotidien, et on se demandait ce que ça deviendrait quand on ne serait plus là. Ces carnets, ces brouillons, ces coupures de journaux et ces photos accumulés, finiront ils à la déchetterie, sur une brocante? Quelqu’un y trouvera t-il une quelconque valeur, un quelconque intérêt?

moleskine weekly planner

L’appartement voisin du mien est longtemps resté inoccupé. Une vieille dame y était décédée et ses lointains héritiers ont tout laissé en l’état pendant des années (y compris une fenêtre ouverte qui m’a couté cher en chauffage mitoyen). Ils sont bien venus récupérer quelques objets et meubles de valeur mais quand ils ont fini par vendre, l’appartement était encore plein, et ils ont laissé le soin aux nouveaux proprios de vider les lieux. Un jour, j’ai croisé la nouvelle propriétaire dans le local à poubelles (ma vie est dingue). Elle m’a demandé si par hasard je n’avais pas besoin de vaisselle, car elle était en train de faire des cartons à donner ou jeter. Elle m’a dit aussi que ça lui faisait drôle de jeter les souvenirs de cette dame. Ses papiers, des photos, du courrier. Alors elle m’a dit qu’en vidant les placards, elle lui parlait. Pour s’excuser et sans doute un peu par superstition aussi, elle lui expliquait ce qu’elle faisait là, pourquoi elle fouillait dans ses affaires, qu’elle ne pouvait pas tout garder. En réalité, elle n’avait rien à se reprocher. Les choses sont ainsi, nous disparaissons tous et les choses qui nous sont chères, qu’on a transbahuté toute notre vie, pour lesquelles on a acheté des armoires ou payé des déménageurs, n’ont souvent aucune valeur pour les autres. Pour la génération qui suit à la rigueur, la suivante encore, mais après?

Dans mon for intérieur, j’espère quand même que tout n’a pas fini à la benne et que la nouvelle propriétaire a gardé un petit truc, une photo, une saucière, n’importe quoi, en souvenir de cette dame-là. De Ginette, la grand-mère de M., nous avons conservé deux choses : le dictionnaire tout rafistolé qui trônait depuis toujours sur la table de son salon, et une boîte Ricoré remplie de boutons qu’elle récupérait sur les chemises usées de tous les membres de la famille, dans l’hypothèse où, un jour, il faudrait en remplacer un. (Du coup j’ai de quoi rafistoler 300 générations de chemises, si vous perdez un bouton vous savez où me trouver)

Mais j’en viens au fait. Les journaux intimes ne sont pas des papiers comme les autres. Ils renferment des souvenirs, des émotions intimes, ils sont le témoin précieux d’une époque, la mémoire d’une vie. C’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’il existe un musée qui les collecte, les expose et en tienne le précieux inventaire. En Toscane, à Pieve Santo Stefano, Il Piccolo museo del diario (le petit musée du journal intime) présente ainsi plus de 7000 histoires conservées auparavant par l’Archivio Diaristico Nazionale (l’archive nationale des journaux intimes) fondée par le journaliste et écrivain Saverio Tutino. Pourquoi à Pieve Santo Stefano en particulier? Chassés par les nazis en 1944, les habitants ont retrouvé après la guerre leur village détruit, rasé. En perdant leurs maisons, ils ont aussi perdu l’ensemble de leurs biens et une grande partie de leur mémoire, individuelle et collective. Depuis, l’idée de conserver le souvenir des vies quotidiennes des petites gens s’est enracinée. Au delà de l’Histoire, les aventures humaines comptent aussi et méritent d’être préservées, surtout quand quelqu’un s’est donné la peine de les mettre sur papier. Au musée de Pieve Santo Stefano, journaux et lettres sont mis en scène dans un parcours interactif qui permettent d’explorer la vie d’inconnus. Les autres histoires, non exposées, sont réunies dans la salle des archives appellée Il fruscio degli altri (le murmure des autres) où des tiroirs renferment secrets et souvenirs divers sur fond de chuchotements. Si l’idée vous plait, vous pouvez réserver une visite au musée et même lui envoyer votre propre journal intime.

musée du journal intime
musée journaux intimes toscane
photos Luigi Burroni

Depuis, on m’a également signalé le projet de la Brooklyn Art Library à New York: le sketchbook Project. La bibliothèque conserve la plus grande collection au monde de carnets d’artistes. Plus de 50 000 carnets au total, réunis depuis 15 ans et renfermant dessins, histoires, collages, pages brodées etc. On s’éloigne ici de l’idée de journal intime, mais l’idée est tout aussi intéressante. Chacun peut proposer son carnet, et donc une vision personnelle, et la transmettre aux visiteurs, contemporains et futurs, du musée. L’idée derrière le projet n’est pas seulement d’inspirer les autres, mais d’exposer et de transmettre quelque chose d’intime qui s’insère dans un projet collectif pour devenir un témoignage d’une époque.

brooklyn art library

Evidemment j’adore ce projet, et j’ai mis la bibliothèque sur la liste des choses à faire absolument si je passe un jour par New-York. Et évidemment, mes recherches m’ont amenée à découvrir d’autres projets similaires comme le Great Diary Project lancé en 2007 à Londres et aujourd’hui hébergé au Bishopgate Institute qui préserve 15000 journaux intimes, avec une prédilection pour les journaux anciens ou dont personne ne veut plus, afin de les sauver de la benne et de l’oubli. Dans un genre légèrement différent, la New York Public Library avait invité les gens, pendant la crise Covid, à partager leurs Pandemic Diaries (journaux de pandémie) sous forme audio ou vidéo.

Et en France? Nous avons l’APA, L’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique à Ambérieu-en-Bugey près de Lyon, qui collecte les collecte et valorise les documents autobiographiques (journaux intimes, correspondance) qui lui sont confiés. Il y a aussi l’Association Micro-Archives créée en 2017 qui récupère et valorise les archives personnelles et familiales des « invisibles »: correspondance et journaux intimes mais aussi documents officiels, diplômes, factures… Tout ce qui permet de retracer un parcours individuel ou familial. Cet article commence à être très long (et on n’en est qu’à le 2e section) mais j’ai quand même envie de vous parler aussi de La Conserverie, Fond iconographique et Conservatoire National de l’Album de Famille qui archive comme son nom l’indique les photos de famille. On peut consulter ces dernières en adhérant à l’association (adieu challenge de lecture!) et même les utiliser (« hors publicité et campagnes électorales » est-il précisé). Les locaux se trouvent à Metz et, obviously, ils sont sur ma liste des trucs à visiter cet été!

Point nature

Je ne sais même plus comment, au hasard de mes pérégrinations sur internet, je suis tombée sur le projet Flower Messenger Bikes. Imaginée par l’artiste botanique Azuma Makoto pour l’inauguration de la Maison du Japon à São Paulo au Brésil (le même que celui qui a lancé des bouquets dans l’espace!), cette performance allie tout ce que j’aime : des vélos, des fleurs, de l’art pour tous et des gens heureux pour rien, pour avoir croisé une horde de vélos fleuris dans la rue et rapporté chez eux quelques brindilles. L’opération a depuis été répétée à Londres (mais sans les vélos, avec des messagers piétons).

flower messenger bikes

Je ne pense pas être la seule à avoir passé mon enfance à remplir mes poches de cailloux. Les tout-lisses tout-doux, ceux qui ont des veines contrastées ou une forme marrante, les brillants, les colorés… C’est une manie que j’ai gardé longtemps, et je me souviens de M. à nos débuts, découvrant avec surprise au retour d’une balade près d’anciennes carrières pourquoi notre sac à dos était si lourd, la poche avant lestée de débris calcaires! Souvenez-vous, je suis un copain des bois, et si j’ai depuis abandonné cette pesante habitude, je récolte aujourd’hui en chemin des boutures et des graines qui peuvent devenir à la longue tout aussi envahissantes! Forcément, ce projet japonais découvert via le blog de Present & correct a attiré mon attention : une ceinture porte-galets! Un objet dingo mais indispensable (LOL) aux amateurs de ricochets ! Et qui m’a rappelé cet autre objet, tout aussi invraisemblable et inutilement luxueux : le presse papier / porte-galet de la collection Hermès (avec une sangle en crocodile s’il vous plait). Vous savez quoi? Je crois que je vais continuer à déformer mes poches sans culpabiliser !

porte galet

Des trucs cool

Je ne sais pas si quelqu’un se souvient de cette publication Instagram dans laquelle je ronchonnais contre les sacs à sapin qui gâchent le paysage citadin pendant le mois de janvier. À cette occasion j’avais créé le hashtag #lesesthetescitadins, et tout en ironisant sur la vacuité de la chose, je dois bien admettre que le sujet m’importait vraiment. C’est important, l’esthétique, voyez-vous, et les choses qu’on croise sur son chemin tous les matins influent plus qu’on ne le croit sur notre humeur, notre perception du monde, notre ressenti du quotidien. En privé, j’avais d’ailleurs reçu des messages enflammés montrant que beaucoup de gens prenaient aussi la chose très au sérieux. Alors voici pour vous, esthètes citadins, deux pépites venues d’Instagram pour réjouir vos mirettes et vos cœurs sensibles à la joliesse: le compte Pavimenti veneziani qui collecte comme son nom l’indique des photos de sols vénitiens, et le compte Lettering da Torino qui recense les plus jolies typos croisées dans les rues de Turin. En voilà du soigné, du joli (et après on se demande pourquoi j’ai tant aimé vivre en Italie!)

pavimenti veneziani lettering da torino

Il faut lire ce formidable article sur la force des rêves éveillés! En gros, l’autrice Nathalie Sejean nous dit que, si les italiens ont réussi à créer Venise à partir d’un marécage, avec des technologies et une espérance de vie limitées (ça se passe au VIe siècle), nous aussi on a le droit de rêver!

Vous connaissez ma passion pour les échanges épistolaires, et vous vous souvenez peut-être de ma collection d’étiquettes de bananes? Quelqu’un croisé sur internet a eu la richissime idée d’allier les deux en utilisant lesdites étiquettes en guise de timbres factices. Et jusqu’ici, la poste n’y a vu que du feu et les divers envois sont bien parvenus à destination, ni majorés ni perdus. Je suis quasi jalouse de ne jamais avoir essayé! (Alors oui c’est illégal mais vu la qualité du service postal – lettres qui arrivent 3 semaines après, voire jamais – on a bien le droit de jouer!)

Je crois que j’ai déjà abusé de votre temps donc je vais conclure : bonne journée tout le monde et à bientôt pour un nouveau vrac à rallonges! N’hésitez pas à me laisser un mot pour me dire ce que vous avez fait de votre journal d’ado, des photos de vos aïeux ou de votre collection de cailloux!