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Me revoilà pour le vide-poche quasi-hebdomadaire! Vous voici dans l’antichambre de mon cerveau, là où je me déleste des choses qui quoique passionnantes, peuvent parfois m’accaparer et empêcher ma tête de bien fonctionner! Du coup je pose ça là en attendant un ménage de printemps qui ne viendra sans doute pas, en espérant que ce petit monticule serve à d’autres qu’à moi!

Point lecture

Je voulais vous parler depuis un moment de ce petit zine acheté en août au bord de la route (je romance un peu, j’ai contacté l’autrice sur Twitter, mais on s’est retrouvées au bord de la route, c’est un fait) : Lyon spleen, un anti-guide touristique de la ville de Lyon imaginé par Raphaëlle Poyet. Ceux qui me suivent depuis un moment savent qu’à Lyon comme avant à Milan, je ne m’attache pas tant à partager des adresses sympas au sens touristique du terme (sans dédain aucun puisque, vous le savez, je me considère moi-même comme une touriste de la vie à temps plein), mais plutôt des endroits improbables où j’aime bien traîner mes souliers, qui souvent ne plaisent qu’à moi et, parfois, à quelque internaute inconnu qui me remercie d’un mail réjoui. Du coup, je ne pouvais qu’adhérer au concept de Lyon Spleen et à sa « liste d’endroits où déployer son spleen en toute sécurité, sans craindre de se retrouver dans l’arrière-plan d’une photo Instagram ».

antiguide lyon spleen

S’y côtoient le béton sublime des tours Moncey dont je vous avais parlé ici, le quartier de Perrache que j’aime tant surplomber depuis le jardin partagé perché sur le toit de la gare, une station-service fluviale et encore d’autres lieux à l’esthétisme douteux où, avec le bon état d’esprit et au moment propice, la vanité de l’existence ne pourra que vous frapper de plein fouet. C’est bien écrit, à la fois spontané et bien documenté comme j’aime, et ça finit en hommage à Perec et à la ville – n’importe quelle ville pourvu qu’on s’y sente nulle part et chez soi à la fois. Un parti-pris audacieux et un brin loufoque qui, en cette période où l’on fuit les lieux surpeuplés et l’enthousiasme débordant des touristes qui postillonnent en trois langues et où la tentation de s’enfermer pour l’hiver est grande, m’a redonné envie de baguenauder sans but précis.

Point écriture

Je vous disais dans le dernier vrac que je m’étais inscrite à nouveau au challenge NaNoWriMo. En vrai, l’idée d’une édition sans rencontres réelles me déprimait un peu (je passe déjà ma vie à écrire seule derrière mon ordi, et je m’interrogeais sur l’idée de rajouter 2h quotidienne sans le fun de la communauté). Mais après avoir recontacté une participante rencontrée l’année dernière, qui elle-même connaît trois personnes qui etc. nous voici un petit groupe motivé. On va tenter les sessions d’écriture en visio et les messages de motiv’ pour tenir bon malgré ce fuckin’ Covid!

nanowrimo 2020

Des trucs cools

Dans le genre promenade urbaine à but inavouable, avez-vous jamais entendu parler des « Thomasson« ? Conceptualisés par l’artiste japonais Genpei Akasegawa dans les années 80, ce sont des éléments d’architectures à l’inutilité incontestable, reliques d’une construction ou d’une fonction aujourd’hui disparue. Dans l’œil du promeneur ou de l’esthète à l’esprit tordu (présente!), ils font figure d’œuvre d’art sans artiste, purs produits du paysage urbain et de son évolution.

Exemples typiques, l’escalier qui ne mène nulle part ou le pilastre qui ne soutient plus rien sont devenus dans les années 80 sont la houlette d’Akasegawa les protagonistes d’une chasse au trésor à l’indiscutable vacuité. Les étudiants de l’artiste se sont en effet pris de passion pour ces Thomasson (du nom de Gary Thomasson, joueur de baseball américain ayant signé à prix d’or avec l’équipe japonaise des Giants de Yomiuri et ayant passé une bonne partie de son temps dans l’équipe à mal jouer, puis sur le banc des joueurs) et se sont mis à les traquer dans le monde entier. Le jeu ne consiste pas seulement à les trouver, mais à les identifier formellement.

thomasson hyperart

Photo: Yosukesan

Un vrai Thomasson doit par exemple être un minimum entretenu (par qui, pourquoi?!) malgré son inutilité évidente, et entrer dans l’une des catégories définies par Genpei Akasegawa. En bref, la quête du Thomasson est ce genre d’activité chronophage, incompréhensible pour le commun des mortels, plus compliquée qu’il n’y parait mais réjouissante dont je me délecte volontiers! Si le sujet vous intéresse, un livre (rare aujourd’hui) rassemble le fruit du travail de Genpei et de ses complices, et vous pouvez vous balader sur Instagram sur le hashtag #Thomasson et son équivalent japonais #トマソン, pour ma part je suis particulièrement fan de ce spécimen de « tunnel vers nulle part« !

hyperart thomasson

Photo: Traveller

Un autre truc que je voulais évoquer ici, c’est ce super projet Kilòmetro Zero initié par Sanna Völker pendant le confinement n°1, et qui conserve tout son sens pour ce confinement n°2 (vous suivez?). Basée à Barcelone, la designer suédoise a eu l’idée de défier d’autres créatifs autour du thème du confinement, en leur proposant de réaliser des objets traduisant leur expérience de la quarantaine en utilisant uniquement des ressources disponibles dans un rayon d’un kilomètre.

Evidemment, comme pour Pane&Acqua je passe une partie de ma vie à produire des visuels avec les trucs qui trainent dans la poubelle et mes tiroirs, ça me parle. Mais en plus, au-delà du concept accrocheur, les objets réalisés sont ultra beaux et cool, et ça fait réfléchir aux possibilités à coté desquelles on passe d’habitude dans l’abondance et le choix.

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Photo: David Leon Fiene

Entre le Turbina Studio qui a découvert un atelier de potier à 40 m, Marta Ayala Herrera qui a sympathisé avec un menuisier de son quartier, Júlia Esqué qui a travaillé les chutes de métal d’un voisin forgeron… Non seulement c’est chouette, mais en plus les produits finis ne sont pas des « bidules » ou des bricoles DIY mais de vrais objets durables! Pour les voir tous, c’est ici.

cayce zavaglia artiste broderie envers

Pour finir, pour ce deuxième confinement j’ai décidé de me remettre à broder plus souvent. C’est probablement une des activités qui me détend le plus (même si à la longue ma nuque désapprouve un peu). Va savoir pourquoi par associations d’idées je me suis mise à repenser à un truc vu il y a mille ans sur internet, les tableaux d’une artiste américaine qui brode des portraits géants très réalistes.

J’ai mis un peu de temps à la retrouver, il s’agit de Cayce Zavaglia et son travail est juste dingue. Mais surtout, il faut voir ces tableaux retournés! C’est complètement dingo et sublime, et ça en dit tellement long sur l’envers des choses, ce que les personnes cachent sous leurs minois et leurs franges, et c’est encore plus vrai en ce moment où, derrière les masques, se cache souvent un embrouillamini de peurs, de doutes et de rancœurs.

envers broderie artiste cayce zavaglia

That’s all folks pour aujourd’hui! Prenez soin de vous, sortez masqués et n’oubliez pas de rêver!