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Je vous racontais lundi ma visite des coulisses du Printemps de Lyon dans le cadre des journées du patrimoine… Pour contrebalancer le glamour (tout relatif) de la chose, j’avais opté dans l’après-midi pour une visite pour le moins incongrue organisée par l’Office du tourisme, celle des parcs auto, autrement dit les parkings souterrains, de la ville. N’ayant pas de voiture, je n’aurai sans doute jamais eu l’occasion de m’y rendre et, si ma curiosité vous parait bizarre* (ce que je peux concevoir), il se trouve que c’était une bonne idée, tant le sous-sol lyonnais renferme de secrets…

Quand je vous dis parc auto, il y a des chances pour que vous pensiez sous-sol obscurs, bruits de portière et d’eau qui s’infiltre, odeurs d’essence et effluves de pipi. Et bien sachez qu’à Lyon, non! Grâce à un projet né dans les années 90 unissant les différents acteurs du développement urbains (mairie, urbanistes, entreprises, artistes et architectes), les parkings souterrains aménagés depuis sont modernes, bien illuminés, et renferment des pièces de collection dignes des plus beaux musées. Et si la visite organisée ne nous a permis d’en visiter que trois, ils sont au nombre de douze** et je sais déjà comment occuper quelques dimanches d’automne pluvieux! Tous différents, les projets font appel à chaque fois à de nouveaux créatifs et offrent à chaque lieu une personnalité forte qui intrigue, rappelle ou questionne, loin de la passivité attendue dans ce type d’espace où, en mode automate, on se contente d’ordinaire de se garer, de chercher ses clefs et de prendre un ticket.

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Le parc Saint-Georges, un panorama historico-aquatique à 360°

Situé dans le vieux Lyon, le parking Saint-Georges a été investi en 2005 par Marin Kasimir, artiste photographe munichois passionné par la représentation de la ville. Des photographies représentatives du quartier revêtent ainsi différents supports, murs ou plafonds, mais loin de donner une image statique, figée, elles brouillent les pistes et mêlent dedans et dehors, sous-sol, surface et vues aquatiques par le biais de clichés panoramiques continus, obtenus à l’aide d’une caméra rotative. Et si dans le hall en levant les yeux il nous semble être à l’intérieur de l’église Saint-Georges attenante, le garage à motos nous entraine dans l’histoire des lieux, entre chantiers et fouilles du vieux-Lyon, découverte de vestiges*** aux abords de la Saône, paysages sous-marins et rencontre avec les poissons.

Un brouillage spatio-temporel accentué dans le grand escalier qui mène aux 7 étages inférieurs, où une fresque photographique de 18m de haut accompagne le visiteur dans les pentes de Fourvière… Monte-t-on, descend-on? Parcours-t-on la montée du Gourguillon ou descend-on dans les entrailles de la terre? Le caisson lumineux qui accueille l’image et les bouts de ciel de l’œuvre accentuent l’erreur en illuminant le sous-sol comme une fenêtre vers l’extérieur… C’est troublant, déroutant, et les 7 étages se dévalent sans effort, tout distrait que l’on est par cette fausse représentation du dehors! Parc Saint-Georges – Place Benoît Crépu – 69005 Lyon

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Le parc Célestins, un trésor caché au cœur du mouvement

Quand je pense que même des gens qui garent leur voiture tous les jours dans ce parking n’ont peut-être jamais vu ce qui s’y cache, je trouve ça dingue. Le lieu n’a en apparence rien de particulier et la seule chose qui indique qu’un mystère s’y trouve, c’est un périscope situé en surface et dans lequel on ne voit rien de plus que quelques lumières qui bougent… Car l’œuvre est dans le cœur de l’architecture, dans le gouffre circulaire autour duquel s’enroule les rampes des véhicules en quête d’une place. Cette colonne, ce vulgaire « trou » qui n’existe qu’en négatif de ce qui l’entoure, l’artiste Daniel Buren a choisi d’en faire un monument dérobé, un puits de sens caché.

D’une esthétique inspirée en partie du puits de San Patrizio à Orvieto en Italie, il dégage quelque chose d’incroyable; je crois qu’en le découvrant on a tous fait « Oh » et « Ah », même les indécrottables qui ont râlé pendant toute la la visite (je vous rassure, ils s’y sont remis juste après). Ces formes géométriques, pures et parfaitement illuminées, enfouies dans la structure comme un vestige sacré autour duquel on aurait construit des rampes et peint des lignes jaunes sans y penser. Il faut pour s’en approcher sortir de son véhicule et légèrement se pencher, et rester un moment pour apprécier le tournis que le miroir pivotant au fond finit par créer (c’est lui qu’on voit se refléter depuis le périscope en haut). Une sorte de vis sans fin pour un puits sans fond, et d’avoir déniché une pépite, l’impression****. Parc Célestins – 11 place des Célestins – 69002 Lyon

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Parking souterrain de Perrache, des fougères au détour du béton…

La dernière étape de notre visite en a épaté plus d’un, même si j’avoue qu’après Buren, plus rien ne me paraissait si fou. Le quartier de Perrache a un statut spécial à Lyon: construit sur la zone de confluence entre la Saône et le Rhône, plusieurs fois repoussée et coupée par la voie ferrée et l’autoroute qui délimitent un triangle isolé, il a longtemps « servi » à mettre de coté toutes les activités « honteuses » de la ville: abattoirs, prisons, prostituées… Depuis quelques années la zone a redoré son blason avec des aménagements tout neufs, des écoles et un super musée, mais le quartier de la gare conserve sa mauvaise réputation. Autant vous dire alors qu’il n’est pas étonnant que le parking souterrain ait un gardien, qu’il faille sonner pour entrer et qu’on ne soit surpris un moment en tombant sous terre nez à nez avec un mur végétal disproportionné.

Cette cascade de verdure, c’est l’œuvre de Patrick Blanc, botaniste à la main verte (les cheveux aussi, d’après ce qu’on m’a dit) qui en 2010 a conçu ces 260 m² végétalisés dans les hélices du parking. Tout en tenant compte de la température et de la lumière qui diminuent au fur et à mesure que l’on s’enfonce sur 22m vers le huitième niveau souterrain, les plantes ont été choisies pour leur variété, parfois leur volontaire incongruité dans ces lieux inhospitaliers, mais aussi leur capacité à absorber dioxyde de carbone et gaz d’échappement. Si j’avoue préférer les jardins de plein pieds aux délires verticaux, je reconnais ici toute leur utilité: apporter dans ce rectiligne pavé de béton un peu de délire aléatoire et de verte déraison. Parking Gare Perrache / La Confluence – Rue Smith – 69002 Lyon

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Épatant, non? Je me demande combien de lyonnais pressés ou de conducteurs de passage ont eu le temps et la curiosité d’observer ces lieux, et j’ai grand hâte de découvrir les autres parkings! J’ai pris soin de ne pas faire de recherches et d’en noter simplement la liste pour conserver à chaque fois le petit effet de surprise! Ça vous a plu? Sachez que si cette visite vous tente, vous pouvez la demander à l’office de tourisme, notre guide qui déplore le peu d’intérêt pour le sujet se ferait une joie d’accueillir de nouveaux groupes!

*J’en profite au passage pour remercier le Mec qui est quand même la seule personne au monde capable, quand je lui dis « Tiens au fait j’ai booké des places samedi pour visiter des parkings souterrains », me réponds « Super ça doit être trop bien! »

**En réalité ils seront bientôt 15, quand les parcs Lyautey, Tony Garnier et celui de l’aéroport Lyon-Saint Exupery seront terminés!

***Les fouilles effectuées durant les travaux ont prolongé le chantier de presque 2 ans, mais permis de ramener à la lumière pas moins de 16 bateaux de 12 à 30 mètres et d’époques différentes, pris dans la gangue de boue des bords de Saône. Restaurés, certains ont pris place dans des musées de la ville, et l’un d’eux datant du XXVIIe siècle et baptisé la « Couzonnaire » a même rejoint un autre parking, celui de la Fosse aux ours où il trône sous une vitrine en verre et qu’il vous faut, pour le voir, demander qu’on vous l’éclaire!

****Si toi aussi tu aimes les alexandrins tape dans tes mains!