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Après avoir lu avec beaucoup de plaisir « une gourmandise », premier roman de Muriel Barbery, je m’étais tout naturellement mise en quête du second… et quelle ne fut pas ma déception… si la trame de l’histoire se tient, que l’auteur tout comme dans son premier roman clame une passion que je partage pour la langue française, et utilise un vocabulaire parfois curieux qui n’est pas pour me déplaire, la magie n’opère pas du tout comme dans l’autre livre, dont la simplicité du discours, mélé à une reflexion plus profonde, m’avait séduit…Je passe sur les digressions japonisantes un peu trop appuyées à mon goût (on a compris que l’auteur se passionne pour le Japon, il n’est donc pas nécessaire de nous faire une tartine sur chacun des attraits que revêt selon elle ce pays… le saké, le thé, les mangas, le poisson cru mariné et meme les portes coulissantes, rien ne nous est épargné… (et pourtant, je précise que je suis moi meme intriguée et admirative de bien des aspects de la culture traditionnelle japonaise…)
Au final, j’ai l’impression que ce livre a des défauts de premier roman, que le premier n’avait pas… dont un qui m’horripile, citer des marques… (a-t-on vraiment besoin de savoir que la concierge utilise un Bic orange?)
Mais surtout, j’ai l’impression que le snobisme tant décrié par les personnages principaux est ici remplacé par un autre snobisme, celui des gens appréciant le raffinement d’une certaine littérature, d’une certaine musique, d’une certaine cuisine (japonaise bien sur…)
Du coup je trouvais les personnages d' »une gourmandise » plus attachant que ceux de ce roman sur lesquels on veut nous apppitoyer (paradoxalement, car le personnage principal n’avait pourtant pas grand chose de sympathique…) mais on y trouvait plus d’humanité et de tolérance, et des personnages plus nuancés…

Car soigner des plantes vertes n’est pas plus vain que de tailler des bonzaïs, manger du jambon pas moins noble que déguster des sushis, qui ne goute pas l’opéra n’est selon moi pas nécessairement un ignare, et boire du thé entre voisins n’est pas un rite moins stéréotypé que celui de boire un café en lisant son journal le matin…

Aussi, pour un livre se moquant des préjugés et stéréotypes sociaux, on conviendra que tout ceci n’invite pas à la nuance dans le traitement du caractère des personnages… (le seul personnage échappant selon moi à la caricature est la femme de ménage, sympatique employée qui sait faire pardonner ses fautes de langage par la confection de fines patisseries et qui, bien que fort aimable, se laisse parfois aller à quelques mesquineries…) et incite à d’autres préjugés, plus fins certes, mais néanmoins convenu…

J’apprends au passage que le sucre roux est « un truc de gauche » (si quelqu’un sait pourquoi, je suis toute ouie…) et me demande bien où est passée cette légéreté dans l’écriture qui m’avait tant surpris et tant plu… et que l’on retrouve dans les annotations du blog de l’auteur… à quand un troisième roman qui, peut-etre débarrassé de toutes ses références parasites à toutes les choses que Muriel Barbery affectionne, retrouvant la simplicité et l’humilité du premier, sera plus épuré, plus essentiel, plus fin et délicat… à la japonaise?