Ça fait un moment que je ne suis plus passée par ici (le boulot, la procrastination, la vie, tout ça). Du coup la liste des livres dont j’ai envie de vous parler s’est furieusement allongée! Je les ai donc divisé en deux catégories, les lectures vagabondes parfaites pour s’évader pendant les vacances ou tenter de snober le concept de fin de l’été, et mes coups de cœur toutes catégories à ajouter sur votre liste de rentrée (ne mentez pas, on fait tous ça, des listes à n’en plus finir de bonnes résolutions façon ma vie en mieux). Ici donc, voici les livres de voyage qui m’ont inspirée cet été, entre Italie, Nouvelle-Guinée et même Japon. Vu que je n’ai pratiquement pas bougé de Lyon, autant vous dire que cet exotisme de papier m’a fait un bien fou!
On part d’abord en Nouvelle-Guinée avec Le destin funeste de Michael Rockefeller de Carl Hoffman, sur la piste du fils de l’illustre gouverneur de New York Nelson Rockefeller, mystérieusement disparu en 1961 lors d’une expédition à la recherche d’œuvres tribales chez les Asmat, ethnie aux traditions cannibales encore vives. Une histoire vraie frappante et une enquête palpitante sur fond de choc des cultures: on oscille entre réjouissance de ce que le descendant d’une famille milliardaire puisse n’être qu’un morceau de viande dans d’autres contrées, immersion dans un temps où l’art tribal a cessé d’être considéré comme un simple trophée de voyage, et ahurissement devant la résignation des autorités face à un mystère trop vite étouffé… Parce que pour comprendre l’affaire, il fallait avant tout s’y plonger, et appréhender la culture Asmat sans retenue ni préjugés. Un mystère que l’auteur, longtemps après, a peut-être réussi à élucider…
De but en blanc, nous arrivons au Japon avec Pourquoi Tokyo d’Agathe Parmentier. Un récit plaisant et joli où l’auteur française se confronte à la culture japonaise, entre clichés, étonnement et dépaysement. Sous forme d’épisodes, elle déploie ses aventures (à l’étranger, tout est toujours une aventure) tantot comiques, tantot curieuses, et s’offre sans réserves à l’inconnu, qu’il prenne la forme d’un plat inédit, d’un dentiste, d’un typhon ou d’un amateur de bière sur Tinder. Je crois que, quand on vit ailleurs, les gens attendent de nous des avis définitifs sur le pays d’adoption; ils exigent une analyse, des conclusions, et j’ai aimé ici l’abandon, la franchise d’un amour assumé pour le Japon malgré une incompréhension globale. Parce qu’Agathe aime le Japon malgré le raisin chimique, les toilettes japonaises, l’interdiction de danser dans les bars, les retombées possibles de la catastrophe de Fukushima et les chats kawai, et parce que, « Aussi séduisants soient-ils, colporter des clichés ne servira pas à la compréhension du pays ». Je ne remercierai enfin jamais assez l’auteur pour ces mots qui pourraient être les miens au sujet de Milan, et probablement ceux de tous ceux qui se sont déraciné un jour de leur propre gré: « Parce que l’exotisme rend tout plus intense, la ville m’a sortie de ma léthargie ».
Et zou, on repart pour l’Italie avec Le piéton de Rome de Dominique Fernandez (ce qui est bien avec les lectures vagabondes, c’est que l’itinéraire n’a pas besoin d’être logique). Lors de mon très bref et unique séjour à Rome, je m’étais refusée à entrer dans les églises et les musées, à ouvrir un guide ou à réserver des visites. Je voulais me perdre et flâner, humer la ville sans préjugés. Mais j’avoue que le lecture de ce livre m’a amèrement fait regretter de ne pas avoir été plus studieuse dans mon approche! Au travers d’un récit brodé de souvenirs personnels, l’auteur nous promène de chapelle en fontaine, de monument en jardin, et c’est un bonheur que de le suivre d’anecdotes historiques en suppositions, de portraits antiques ou contemporain en on-dits moins certains. Si l’habitude des bibliothèques ne m’interdisait d’annoter les livres, j’aurais volontiers souligné tous les noms, les lieux et les itinéraires auxquels je me fais la promesse de rendre visite lors d’un prochain voyage!
Encore plus loin dans le vagabondage, dans mon expérience touristico-littéraire estivale, il y a eu Le phare, voyage immobile de Paolo Rumiz. Il faut dire que quand j’étais plus jeune, je me voyais bien gardien de phare, aussi le récit de cette retraite de l’auteur sur une île au large d’un pays dont il tait le nom n’a pu que flatter le cœur de l’aventurière en carton que je suis en réalité. Là il ne se passe rien mais il y a tout: la solitude, l’introspection, la contemplation des éléments, le plaisir qu’on trouve dans les choses simples comme la cuisine… Et puis les moments qui font flipper, la nuit, l’isolement, la tempête, les « présences », les esprits qui « semblent vouloir arracher les châssis pour chercher refuge dans la tour »… (à lire pour le délice de frissonner sous la couette en imaginant le vent qui mugit dans l’escalier en colimaçon!) Et puis la folie qui guette, cette idée que « le gardien de phare entretient une relation privilégiée avec l’ailleurs », « comme s’il voyait des choses que les autres ne verront jamais » (vas-y cette nuit on dort la lumière allumée) (une aventurière en carton je vous dis).
C’est bien après cette lecture, alors que je cherchais d’autre titres de l’écrivain voyageur italien (par ailleurs journaliste du genre envoyé spécial dans des zones de conflits), que j’ai découvert qu’il avait beaucoup voyagé à pied, en bateau et en vélo, parcouru des tas de villes abandonnées et effectué un tour d’Italie en train. Et je réalise que s’il y a un type qui a déjà réalisé tous mes rêves vagabonds, je n’ai plus qu’à rester blottie au chaud et à voyager par procuration en attendant le retour du printemps!
Et puisqu’on parle de vieux rêves, parlons plutôt de L’ivresse de la marche d’Émeric Fisset. Repéré en 2010 dans la vitrine de la librairie Mollat à Bordeaux, je l’ai finalement retrouvé à la bibliothèque de Lyon (j’ai bonne mémoire et de la suite dans les idées) pour lire exactement ce que je pensais y trouver. Ce « petit manifeste en faveur du voyage » dit tout: le goût pour l’observation, le temps perdu qui ne l’est évidemment pas, la saine fatigue et le hasard des rencontres (et aussi, personne n’est parfait, un certain dédain pour les vrais voyageurs en carton qui prennent le taxi et l’avion). Mais surtout, et je crois que c’est là qu’on reconnait les grands voyageurs qui ne se mesurent pas en miles mais en nombre de semelles usées, l’idée que le voyage peut être partout, au bout du monde comme dans la landes au bout du jardin, de l’autre coté inconnu d’une simple barrière comme au delà des frontières. A lire pour se booster avant un périple à pied ou pour voir du pays sans craindre les ampoules!
Du coup, c’est à la fois mue par la curiosité et un peu dédaigneuse que j’ai ouvert Touriste professionnel, l’anti-guide de voyage de Vincent Noyoux. Ecrit par un auteur de guides qui dégomme à la fois le glamour de sa tâche et son aura d’aventurier, ce livre sous forme de confessions (comment tester un restaurant sans s’y attabler, comment tester un hôtel sans y dormir, comment tout voir en un temps record) a de quoi désabuser les aspirants baroudeurs de la profession! On n’y découvre pourtant rien que de très naturel, la lassitude d’être loin, la pression des délais à tenir et du budget à respecter, un certain mépris pour les backpackers, les tentations, les imprécisions et les infos carrément pas fiables pourtant imprimées comme prêt-à-penser de tant de voyageurs confiants qui s’imaginent que l’auteur est un spécialiste et un amoureux de la destination… Ça m’a vaguement confortée dans mon refus de lire des guides de voyage (en même temps, c’est facile à dire, je voyage essentiellement depuis mon lit!) et rappelé que l’auteur desdits guide n’est jamais qu’un type qui fait de son mieux pour fournir des infos valables (un peu comme moi quand on me commande des contenus sur la conduite d’une moto sur neige ou l’isolation des façades).
Sur ces bonnes paroles s’achève cet instant culturel un tantinet longuet mais qui, je l’espère, vous aura consolés de votre rentrée et fait voyager tous frais payés. Je vous reviens vite avec des articles milanais et, histoire de rattraper mon retard, d’autres lectures hautement recommandées pour se distraire et laisser passer l’hiver… (Tu la sens, la résignation de celle qui vient de remiser son maillot de bain non-utilisé-cette-année dans les cartons de la belle saison?)
Sur les guides de voyages, j’aime bien en prendre pour avoir des adresses et ne pas « oublier » des machins à voir absolument. C’est un peu drôle de voir les lignes éditos.
Le Lonely Planet aime bien donner son avis par exemple, certains auteurs n’hésitent pas à mettre en commentaire sur un lieu « c’est nul ça ne vaut pas le coup » > le truc que je déteste. Peut-être que je vais adorer moi !
En revanche le Routard est plus minimaliste d’apparence, j’aime bien, mais si on lit bien entre les lignes, il donne aussi les bons plans qu’il ne faut pas dire tout haut. Et c’est plutôt drôle.
Meuf t’as le temps de lire, la vie ça va quand même. ;p
@Syphaïwong Bay: on parle de mes lectures depuis juin quand même! Et puis je suis incapable de dormir sans avoir lu 1/2h au moins, du coup c’est mon rituel du soir!
Cet article tombe à point nommé, je vais à Rome très bientôt et le livre de Dominique Fernandez me tente beaucoup ! Merci pour tes suggestions, contente de te lire à nouveau 🙂
@Mnêmosunê: La chaaance! Cet autre article pourrait t’intéresser alors: http://completementflou.com/que-lirevoir-avant-daller-a-rome/ 😉
Bonjour,
Eh bien moi j’ai quitté Lyon cet été pour aller, notamment, à Milan – et je me suis beaucoup servi de votre blog pour repérer les choses intéressantes à voir/faire. Et comme cette semaine milanaise fut absolument merveilleuse, je vous dis : un GRAND MERCI…!
@Géraldine: <3