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Les amis, je m’efforce de maintenir un certain rythme de lecture, mais j’avoue que la tentation de passer la soirée devant Fawlty Tower est souvent plus forte que ma volonté… (et comme on m’a prété l’intégrale, ce n’est pas prêt de s’arranger) . Ceci dit, je parviens parfois à maîtriser mes pulsions, d’où ce billet à teneur culturelle garantie…

On commence avec Autoportrait à l’étranger de Jean-Philippe Toussaint, un petit recueil de textes, sortes d’instantannés voyages, pépites anecdotiques qui rapportent sans raconter, qui saisissent sans décrire et dépeignent sans en faire des couches… Ce sont des récits en voyage plutôt que des récits de voyage, et j’aime comme l’auteur s’y montre, à la fois plein d’indulgence (« Moi, longiligne, aristocratique (très prince de Savoie, m’étais-je laissé dire), avec de longues et fines mains de pointeur pondéré« ) et d’auto-dérision (« Vous savez, je ne vous avais pas imaginé comme ça à la lecture de vos livres, […], je vous imaginais plus petit, plus intelligent et plus [blanc]« ). A lire selon moi dans une gare, à l’abri de la pluie un jour de grêve pour, à défaut de voir du pays, suivre des yeux une moto au Vietnam, assister à une dispute entre l’auteur et une charcutière allemande, ou encore à un tournoi local de pétanque

On continue avec La comtesse de Ricotta de Milena Agus, une incursion dans la vie de trois comtesses appauvries et légérement désaxées qui peinent à mener une vie normale dans leur belle demeure décrépie de Cagliari… Je crois avoir un problème avec cet auteur, sa façon d’éluder, de rester en surface, de ne décrire que quelques détails en laissant l’ensemble dans une sorte de flou… Là où d’autres crient au génie, je sors de ces lectures horriblement frustrée, que le récit ne soit pas plus long comme de peiner à évoquer les personnages ou les choses avec plus de précision. Un peu comme un tableau qu’on ne verrait que de très loin ou de très près, sans jamais être à la bonne distance pour faire une mise au point, le roman nous abandonne sans nous laisser grand chose, si ce n’est une fort agréable impression au moment de la lecture…

J’ai lu aussi avec grand plaisir le livre Photo gourmande de la blogueuse culinaire Mouni Abdelli, reçu il y a quelque temps déjà. Un guide de la photographie culinaire bourré d’astuces et de conseils pratiques qui donnent envie de snober à jamais la fonction automatique de son appareil et de se lancer dans de passionantes expérimentations à base de boites en papier calque et de parapluies d’intérieur… Même si je crois ne pas pouvoir me résoudre à ce genre de pratiques, que j’aime trop les instantannés qui saisissent le plaisir de manger, et qu’une jour gonflée de pain, une assiette vide ou un doigt qui saisit une goutte de sauce débordant du plat évoque plus pour moi la gourmandise que la photo bien cadrée d’un plat joliment tourné aux haricots séléctionnés, je ne désespère pas de mettre en pratique les conseils de Mouni pour améliorer la qualité de mes images!

On enchaîne avec Pedro Pàramo de Juan Rulfo, auteur mexicain dont l’éloge par Gabriel Garcìa Marquez en 4e de couverture m’avait fait aussitôt me saisir… Au final mon avis est plutôt mitigé, l’écriture est certes belle et l’on sent, au travers des voix des divers personnages, qu’ils soient morts ou vivant, le profond attachement de l’auteur au Mexique, terre à la fois propice aux rêves et rude aux hommes; mais je n’ai pas réussi à entrer plus avant dans le récit de ce fils qui part à la recherche de son père, qui se trouve être en réalité le père de pas mal de monde, dont il est aussi une sorte de seigneur et bourreau… Je l’ai refermé avec une plus grande envie de partir pour l’Amérique du Sud que de lire un autre livre de l’auteur (si ce n’est dans un transport quelconque en route pour le Mexique, bien entendu)…

Et on finit avec La carte et le territoire de Michel Houellebecq… qui l’eut cru? Pour ma défense, on m’a prété ce livre, et rien que le faciès de l’auteur en couverture, volontairement disgracieux, suffit à me hérisser le poil… Ajoutez à celà un brin de pédanterie, une dose d’autocongratulation, de feinte autodérision, et de dédain envers tout et n’importe quoi, vous obtenez le livre pourtant pas mal écrit d’un auteur qui se voudrait génie énervant et ne réussit qu’à être pas trop mauvais, et un livre qui ne suscite pas grand chose, si ce n’est un haussement d’épaule devant tant de snobisme vain… (pas si vain, hein, récompensé d’un Goncourt tout de même…)

Et vous, que lisez-vous? Des prix Goncourt, des romans de gare, de l’eau de rose ou des sagas noires? (Conseillez-moi, des voyages en train m’attendent, je vais avoir besoin de lecture!)