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Avec les livres, on a parfois de ces séries chanceuses où ils sont tous meilleurs les uns que les autres, et quand on pense avoir trouvé son favori de la saison, le suivant vient nous détromper en étant, non pas meilleur, mais autre, et tout aussi réjouissant… Cette « fournée » (il fait trop chaud pour pâtisser, je compense en fournées de lecture) avait pour but premier de me distraire de ma lecture de Suttree de Cormac McCarthy (le livre le plus glauque du monde) (ceux qui ont lu La route me comprennent…) (glauque mais beau hein, tout de même) Finalement, je les ai lus les uns après les autres, et Cormac a du attendre la fin de la pile pour reprendre du service…

C’est parti pour Les imperfectionnistes de Tom Rachman! Dans les bureaux de la rédaction d’un journal international à Rome, les vies et les anecdotes s’entrecroisent… Du correcteur fou qui dresse des listes des coquilles du journal et rédige au passage une bible de la bienséance rédactionnelle, à la DRH amoureuse d’un employé licencié de frais, en passant par une lectrice névrosée et des pigistes en goguette en quête d’un sujet à l’étranger, personne n’est épargné par les petits événements de la vie; et si tout le monde semble zinzin, c’est en fait que tous, dans leur médiocrité comme dans leur perfectionnisme, sont dépeint avec une grande acuité teintée de bienveillance: une journaliste en économie est-elle forcément un être solide et rationnel? Le directeur d’un journal suit-il nécessairement l’actualité? Tenir une rubrique nécrologique rend-il insensible? Comme dans la vie, les personnages ne sont pas seulement définis par leurs fonctions, mais aussi par leurs dérives,  leurs aspirations et surtout par le jeu d’interaction qui les lie sans qu’ils en aient eux-même conscience…

On passe à mon chouchou, Le Japon n’existe pas d’Alberto Torres-Blandina, un grand bonheur! C’est l’histoire d’un Mec (ouais, je vous la fait à la Coluche, c’est l’été hein) qui balaye dans un aéroport et raconte des histoires aux voyageurs en attente d’embarquer… Toujours à tailler la bavette, ses récits s’enrichissent des anecdotes des passagers même et du personnel de l’aéroport, hôtesse, serveuse, personnel d’entretien… Le tout finit dans un entrelacs de ragots, histoires fabuleuses et personnages abracadabrans dont on ignore s’ils doivent plus à une volonté de surenchère ou à la fantaisie du conteur lui-même… A lire en attendant l’avion (mais sans s’éventer avec) (vous saurez pourquoi dès le chapitre 2) (enfin si, vous pouvez, mais c’est à vous de voir…)

On enchaîne avec Marilyn, Elvis, le prince William et moi de Lucy-Anne Holmes (qui a le titre le plus merdique de l’année) (le titre original (Un)like a virgin, s’il n’était pas de meilleur goût, avait le merite d’être plus simple) A première vue un roman de plage, typique de la gonzesse d’à coté qui s’asperge de monoï toutes les 1/2h et prend d’étonnantes poses pour s’assurer un bronzage parfait même sous les bras (si). Ca parle d’une fille paumée, de relations familiales, d’amuuur et de chansons tristes… (à première vue, pas un futur Pulitzer donc). Sauf que ça a le mérite d’être bien écrit (pas relevé une seule expression toute faite insupportable, chapeau!), de tisser une intrigue originale dont on ne devine jamais tout à fait la suite, et surtout d’être délicieusement drôle! (et moi, un livre qui me fait vraiment rire, il a déjà un point d’avance) (Cormac, nous voilà mal barrés). Il ne vous reste plus qu’à assortir l’ignoble couverture à votre serviette de plage, et vous voilà parés pour l’été!

Et puis j’ai finalement terminé Suttree de Cormac McCarthy… ça m’a pris des semaines, mais après tout, lui a bien mis vingt ans à l’écrire… Surnommé en cours de lecture « le livre le plus glauque du monde » en raison de l’omniprésence de vermine, flaques de vomi et diverses effluves d’égouts, il ne m’en a pas moins accompagné avec ravissement, avec son vocabulaire riche et foisonnant, dans l’intimité du fameux Suttree, pêcheur alcoolo fraichement sorti de prison qui traîne sa misère et sa mélancolie au bord de la rivière Tennessee, entre beuveries, coups fumeux et bande de copains bancals… On y croise des chercheurs de perles de moules, un indien mangeur de tortues, un chévrier prédicateur, un géant pourfendu ou encore un dépeceur de cabines téléphoniques, autant de visages en marge de la société qui vivent de bribes, de miettes, des relents d’une ville à la fois nourricière et cruelle… Suttree, tragique et brillant, se fait le symbole de la misère populaire dans le sud américain des années 50, tour à tour minable et loyal face aux aléas de la vie, et comme tout un chacun, à la fois monstrueux et illuminé, lache et sublime… A lire absolument!

Et vous, que lisez-vous?  Vous en avez souvent, des séries chanceuses comme ça? Vous avez d’autres McCarthy à me conseiller (à part la route, déjà lu)? Ca vous épate, mes effets « promos de supermarché » sur les photos? ^^