Le grand talent de l’Italie, et peut-être son problème aussi, c’est qu’elle n’en finit pas de remâcher ses mythes et clichés, de revisiter ses classiques, de s’autocongratuler… Une belle leçon de fierté et de relecture du passé, mais parfois aussi un frein à la volonté d’avancer… Il y a des jours où j’en ai marre d’entendre parler de Vespa et de panettone, de voir la moka, les silhouettes du Colisée, du tram ou du Duomo remachées à toutes les sauces… Aussi, j’aime quand de petites choses refont surface, un peu moins évidentes, des pépites de culture italienne tout autant, mais plus subtiles, moins tape-à-l’oeil, plus quotidiennes aussi, comme la jolie tradition dont on va parler aujourd’hui…
Je sais qu’on a parlé dernièrement aussi en France du concept italien de caffè sospeso (café en suspens, une habitude qui consiste à laisser quelques pièces en plus au moment de payer son café au bar, de façon à ce qu’un indigent puisse bénéficier plus tard dans la journée du café pré-payé et laissé « en suspens »), parce que certains bars français se sont mis à en faire autant. En réalité, ça ne se fait plus guère ici (du moins à Milan), probablement en raison de l’augmentation du prix du café (lors du passage à l’euro, mais aussi par la suite puisqu’il est passé de 65 centimes à un euro en seulement quelques années) (Je sais, par rapport à la France, ça reste très bon marché!). Si l’habitude d’offrir des cafés aux amis à tout va est restée, façon de jouer les grands princes à moindres frais, les gens ont sans doute perdu le réflexe de laisser la monnaie!
Illy, la marque emblématique de café, a repris l’idée cette année à l’occasion du Fuorisalone avec l’installation d’Alistair McClymont, une goutte de café minuscule en suspension dans l’air (et donc, en suspens, sospesa). Une oeuvre originalement imaginée par l’artiste avec une goutte d’eau de pluie (la dimension sociale en moins, mais un spectre poétique décuplé). Récupération commerciale ou nouveau sens donné à une même idée? N’y a t-il pas dans le concept d’un café éternellement en suspens, comme une promesse dans l’air, un ami inconnu qui vous attend, quelque chose de tout aussi séduisant?
C’est à voir au musée de la Triennale de Milan, ainsi qu’un parcours sur les arômes du café, jusqu’au 27 avril! (Viale Emilio Alemagna, 6)
*Pssst, z’avez vu, completementflou a sa chaîne Youtube! (mais ne vous affolez pas hein, y’a encore rien dessus!)
N’y aurait-il pas aussi un peu d’obsession du scontrino et d’argent laissé sans trace écrite ? Même pour laisser un ou deux misérables euros de pourboire après un bon repas bien servi il faut quasiment se battre…
Tu écris : « offrir cafe à tout va aux amis « jouer les grands princes à moindre frais » je préfère çà, Flou à des gens qui te tirent la tronche à cause de 50 cts de dettes oubliées pour café! et à ceux qui JAMAIS ne te payeront le moindre café! ni verre de limonade; gest gratuit, comme çà pour la beauté du geste
@marie: c’est vrai, mais je trouve qu’ici pour ça les commerçants sont plutot sympas: hier encore la boulangère m’a refilé 2 baci di dama en douce, et je garde un souvenir émerveillé du maraicher qui un jour m’a offert, alors que je n’étais pas cliente, un cédrat au marché… (en revanche c’est vrai qu’ils n’aiment pas l’infidélité, si un bistrotier te voit rentrer dans le café d’en face, tu peux toujours attendre qu’il soit sympathique le jour d’après!) 🙂 et si tu parles des amis, ceux qui ralent pour la monnaie ne mérite sans doute pas d’etre appelés ainsi!