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J’ai un aveu à faire, je n’aime pas trop la fête des lumières à Lyon.* Et comme je promettais depuis des semaines à une amie Suisse d’aller la voir à Lausanne, l’excuse a été parfaite pour mettre les voiles et changer d’air quelques jours. J’aime bien ces petits trips de 2-3 jours, c’est juste assez pour respirer l’énergie d’un lieu et en repartir reboosté avec l’envie d’y retourner !

La météo nous prédisait du temps pourri, on a choisi de ne pas en tenir compte et on a eu raison, l’ensoleillement était parfait pour déambuler malgré le froid et on a même mangé une soupe en terrasse et un peu bronzé (dans la mesure de mes possibilités, comprenez que je suis passée du teint de bidet à la nuance coquille d’œuf-craie)

lausanne lumières

lausanne en hiver

On voulait voir le Mudac (musée de design et d’arts appliqués contemporains) et aussi la Collection de l’art brut donc on a dû zapper le musée olympique et d’autres trucs si on ne voulait pas passer la journée enfermés, mais le timing était parfait. Au Mudac on s’est focalisés sur deux expos, Histoires à modeler sur l’utilisation de la pâte à modeler dans les domaines de l’art, de l’animation et du design et The Bauhaus #itsalldesign, très complète, sur les designers et les missions du mouvement allemand.

Dans l’expo sur la pâte à modeler, j’ai découvert avec bonheur le travail de David Daniels, l’inventeur de la technique Strata Cut où le mouvement s’opère à partir d’un bloc de plastiline dont chaque « tranche » devient une image. Je suis aussi restée particulièrement scotchée sur deux vidéos d’animation : « 7 More Minutes » d’Izabela Plucinska et « La Traviata » de Guionne Leroy que j’ai visionnée une bonne douzaine de fois depuis (vous connaissez mon amour pour cet opéra de Verdi, les religieuses et les crèmes glacées qui dansent ne pouvaient qu’ajouter au charme du chœur des Zingarelle.)

strata cut

exposition histoires à modeler mudac lausanne

Côté Bauhaus, l’expo était très riche, avec beaucoup d’objets, de documents et vidéos pour contextualiser et expliquer l’objectif de cette école de la modernité fondée en 1919 à Weimar. Sensé former des designers et artistes non seulement à la conception et à la technique, mais aussi à la réflexion permettant d’ancrer leurs créations dans leur temps, le Bauhaus partait du principe que les designers doivent contribuer à façonner et améliorer la société dans laquelle ils vivent. Loin de se limiter à la période d’après-guerre, l’exposition démontre à quel point cette problématique est aujourd’hui encore au cœur de la réflexion de nombreux créateurs, notamment par le biais du design social ou du design thinking : le designer doit être animé non seulement d’une volonté créatrice, mais aussi d’une mission plus globale.

exposition bauhaus mudac lausanne

expo bauhaus lausanne mudac

Photos: Daniela Droz & Tonatiuh Ambrosetti

Le lendemain on a visité la collection de l’art brut, et je dois dire que ça a été une vraie révélation. C’est surtout le Mec qui voulait y aller, je ne connaissais pas trop le sujet et j’étais à la base moyennement inspirée, mais quelle claque les amis ! Si vous en avez l’occasion, allez-y, prenez un guide audio ou papier et préparez-vous à oublier le temps, chaque œuvre, chaque artiste cache une histoire singulière et des destins incroyables.

collection art brut lausanne

Pour commencer, l’art brut, c’est quoi ? Définie en 1945 par Jean Dubuffet, l’expression désigne les productions artistiques de personnes autodidactes, étrangères aux milieux artistiques, en dehors de toute idée de courant, d’influence, de public ou de notion de postérité. Il s’agit globalement de l’œuvre de marginaux, de fous ou de personnes isolées par la misère, la maladie, une histoire ou des conditions de vie difficiles. Ils n’ont pas la prétention d’être des artistes, l’acte de création est pour eux viscéral et relève d’une nécessité impérieuse, qui fait souvent suite à un traumatisme personnel : deuil, exil, guerre… D’où une galerie de personnages aux destins poignants, et la difficulté pour Dubuffet et ses successeurs de réunir leurs productions, la plupart du temps inconnues, mésestimées ou dispersées.

collection art brut lausanne

Ce qui m’a frappé chez beaucoup d’artistes de la collection, c’est le développement tardif de la pulsion créatrice. Comment peut-on à 50 ou 60 ans, sans avoir jamais touché un crayon ni visité un musée, se mettre à produire des dessins ou des sculptures d’une telle force, comment expliquer les choix exclusifs (tel format, tel médium et rien d’autre), comment concevoir une telle adéquation entre vie intérieure et pratique artistique, sans que rien ne l’ai laissé pressentir auparavant ?*** Ainsi de Alfred Neumayr qui commence à peindre à 47 ans après un burn-out, ou de Madge Gill, qui se met à dessiner et broder à la mort de son deuxième enfant ? Il y a beaucoup à regarder et à lire dans ce musée, et rares sont les expos qui m’ont fait autant réfléchir, je vous conseille donc d’y courir à la première occasion ! La collection compte aujourd’hui plus de 60 000 œuvres et il y a fort à parier que chaque visite réserve son lot de surprises.

Photos : Marino Trotta (vue extérieure) – Caroline Smyrliadis (vue intérieure)

lausanne suisse

buffet de la gare lausanne

tourisme lausanne

Vous l’aurez compris, je suis très enthousiaste à l’issue de cette escapade. Je vous laisse avec quelques adresses que j’ai appréciées au passage, si vous en avez d’autres je suis évidemment preneuse et je noterai tout ça précieusement en prévision de ma prochaine visite !

P’tit bar – rue Louis Curtat 6 : Pour de supers soupes maison et une focaccia au top.

The coffee project – Rue du Grand-Pont 4 (il y en a un autre Rue Marterey 1-3) : Pour un très bon café de spécialité à prix raisonnable. L’endroit est tout petit mais c’est parfait pour un espresso rapide ou un cappuccino à emporter !

Tibits – Place de la Gare 11 : C’est l’ancien buffet de la gare tout juste rénové et c’est tooop ! Tout y est végétarien, et frais, et bon, et les ingrédients et allergènes sont super bien indiqués (pratique pour ma copine vegan et mon régime gluten-free). Pour moi qui adore les gares, et surtout les gares suisses (la clarté des indications, la perfection du mobilier, les horloges de la Mondaine…), c’est un super spot pour bien manger quand on voyage.

*Pour faire court, je ne trouve pas ça du tout magique et ça met les gens dans une hystérie (vite sous-louer mon appart/vite faire la meilleure photo Instagram/vite vendre des crêpes sous ma fenêtre) qui a peu à voir avec l’esprit de Noel que j’aime bien voir surgir à cette période de l’année. Quand je suis arrivée à Lyon en 2015, la fête avait été annulée (par principe de précaution et hommage aux victimes des attentats du 13 novembre) et avait laissé la place à des milliers de luminions aux fenêtres des maisons, comme le voulait la tradition avant que ne s’impose le délire lumino-technique qu’on connait aujourd’hui, et j’avais trouvé ça bien plus chouette que ce que les éditions suivantes. (Je suis tellement vieux jeu, je sais)**

**Ironie du sort, j’ignorais qu’à Lausanne se déroulait au même moment le festival Lausanne Lumières #fail

***Pour tous ceux qui, lorsqu’ils tiennent un crayon, peinent comme moi à produire un rendu qui reflète un tant soit peu ce qu’ils avaient en tête, c’est assez rageant.