C’est la saison des haricots verts ! Hier en équeutant mes premiers fayots, j’ai repensé à tous ces étés de mon enfance à faire ce même geste. Je refusais de les cueillir à cause des araignées embusquées entre les lignes, mais je voulais bien en équeuter autant qu’on voulait. Tous les 3 jours, on recommençait. Équeuter, laver, blanchir, ranger par fagot dans les bocaux… Sorte de mythe de Sisyphe au potager dont on s’acquittait assis sur les marches devant la maison ou, plus tard, sur la table de jardin en bois.
Aujourd’hui je n’en équeute plus que quelques poignées en rentrant du marché, mais à chaque fois je repense à mes parents arqués vers les plants pour traquer les verdeurs dodues cachées sous les feuilles, aux premiers haricots équeutés avec mes nièces il y a quelques années, et à ce bocal, vestige d’un autre temps, offert il y a quelques années par mon père aujourd’hui disparu, que j’ai remisé (caché?) bien haut dans le placard de la cuisine, derrière les moules à gâteaux.
Est-il encore consommable? Quand je tombe dessus sans l’avoir voulu, me revient à chaque fois en tête ce passage du livre La route de Cormac McCarthy, où le père rince dans l’eau du ruisseau une conserve de haricot trouvée dans une cave, la humant pour tenter d’y détecter une odeur suspecte. Le passage a-t-il été conservé dans le film? Il y a quelques jours, Cormac lui aussi est parti, sans savoir que, de fil en aiguille, les haricots verts me font aussi penser à lui.