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Il y avait bien longtemps que je n’avais pas lu de polar… il faut dire que ce n’est pas vraiment mon type de lectures favori, même s’il m’est déjà arrivé d’avoir d’excellentes surprises… Pourquoi alors, me direz-vous, avoir choisi ce livre? (si vous vous attendez à une histoire courte, vous êtes mal barrés)

Tout d’abord, revenons quelques années en arrière… il existait à l’époque à Milan une librairie française, judicieusement nommée l’Ile de France… qui avait le mérite de présenter sur ses rayonnages, outre les immanquables classiques et les dernières parutions à la mode, un certains nombre d’ouvrage aussi divers que variés en langue française, et pas seulement d’auteurs français comme c’est souvent le cas dans les rayons français des distributeurs de type Fnac… avec même parfois d’étonnantes trouvailles, comme ce précis de fauconnerie débusqué un jour, sans doute commandé par un passionné n’étant jamais venu chercher son butin… La librairie a malheureusement fermé ses portes et, depuis, les trouvailles du genre sont rares, ailleurs que chez les bouquinistes du moins… Quelle ne fut donc pas ma stupefaction (si si, carrément) quand j’appris que le stock de ladite librairie avait été récupéré par un géant milanais, la librairie Hoepli! Et que, sous les rayonnages du rayon libri in lingua francese se cachaient d’autres volumes plus désirables que ceux étalés au grand jour! Le livre dont il est question aujourd’hui est, bien entendu, tiré de ces rayonnages inférieurs…

Deuxième raison de mon choix (ah oui, vus que vous êtes encore là, j’en profite): l’histoire se passe à Turin… Or, moi et Turin, c’est une histoire compliquée… j’adore Turin, l’idée d’aller à Turin du moins… mais en réalité, à chaque fois que j’ai tenté de m’y aventurer, la magie n’a pas opéré… La première fois, il faisait un froid terrible et c’était un dimanche, donc tout était fermé… en plus on était fauchés alors on a mangé dans la rue en regardant nos petits doigts congelés bleuir autour du sandwich… et quand, pensant s’offrir un réconfort bien mérité dans un joli café, on a mis plus d’une heure à nous servir des tartes au chocolat même pas bonnes, j’avoue avoir senti germer l’idée de fuir cette ville à jamais…
La deuxième tentative ne fut pas plus glorieuse… un froid terrible encore, de la pluie en prime et, cerise sur le gateau, une grêve des trains qui nous a fait perdre 3h… ajoutez à celà des renseignements fantaisistes des autochtones qui nous ont perdus dans notre quête du ballùn, le marché aux puces local… Depuis, on a beau me garantir qu’il y fait beau souvent (mouais) et que le musée du cinéma y est fantastique, j’avoue rester sceptique…

Voilà donc pourquoi (enfin), j’ai début décembre fait l’acquisition de cet ouvrage prometteur, écrit par les turinois Fruttero et Lucentini qui allaient, je l’esperais du moins, me faire découvrir Turin sous un angle plus favorable… La ville y est ici décrite comme double… avec d’un coté, des petits bourgeois férus d’art attachés à de vieux principes d’éducation, formant une caste qui se soutient globalement et se méprise souvent en privé; de l’autre, des trafics souterrains, des spéculations et des histoires scabreuses, auxquels les bourgeois sus-cités se trouvent parfois, de près ou de loin, à leur corps défandant ou de leur plein gré, mélés… Avec en clef de voute l’ombre du géant Fiat, l’austérité grise des rues, les préjugés contre les méridionaux honnis et une certaine douceur de vivre effleurée lors d’escapades gastronomiques dans les collines alentours…
Voilà pour le décor… l’histoire elle, se développe autour d’un meurtre et de dialogues savoureux entre gens cyniques et bien élevés qui n’échappent pourtant pas toujours à une certaine mesquinerie, dépeinte avec une précision acérée… Et comme dans tout bon roman policier, on finit par soupçonner tout le monde, des suspects évidents aux personnages les plus secondaires… avant d’être ébaubi, tout de bon, après 470 pages, en découvrant la clé de l’énigme…
Un très bon livre en somme qui, s’il ne m’a pas franchement réconciliée avec Turin, m’aura peut-être donné envie de me replonger prochainement dans une nouvelle enquête…