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Milan fourmille d’expos, de musées, d’installations temporaires, de spectacles, mais j’ai finalement peu de temps pour voir ce qui m’intéresse… Les vacances seraient une période idéale pour ce faire, mais pendant les vacances je suis rarement là… Du coup, c’est en Lorraine que nous nous sommes mis en quête d’événements culturels et, qui l’eût cru, le temps nous a là aussi manqué pour tout voir… Première étape, Briey, dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, afin de découvrir l’une des cités radieuses dessinées par Le Corbusier…

Alors que lors d’une discussion animée en juillet nous nous lamentions d’avoir omis lors d’un précédent passage d’aller voir la cité radieuse de Marseille, modèle avant-gardiste incompris d’unité d’habitation, nous apprîment qu’il en existait une autre dans notre région d’origine même. Le pari fut donc pris de lui rendre visite… Et c’est ainsi qu’un beau jour d’aût, nous entassames toute la famille en voiture, réjouie à l’insolite idée d’aller « visiter un HLM »…

(le couloir du premier étage, alias la première rue…)

Car à l’époque de sa construction, le batiment n’a de prestigieuse que sa nouveauté. Commandé par l’office HLM local pour loger les familles des ouvriers des industries minières et sidérurgiques, l’architecte Le Corbusier y voit l’aboutissement d’un projet qui mèle vie privée protégée et vie communautaire, mise en commun des ressources et vue sans pareille sur la forêt domaniale alentour…

l’appartement témoin

Mais le projet sera un échec, et tandis que les rivalités politiques freinent son approbation, les crédits HLM trop faibles l’amenuisent sans cesse, rendant inévitable le renoncement aux commerces, à l’école, à l’hotel, aux équipements prévus sur place… La construction de 17 étages, achevée en 1961, ne connaitra qu’un éphémère succès, et rapidement, entre la crise économique, le départ en 1966 des familles des soldats américains de la base militaire proche et la dégradation du bâtiment même, la cité sera désertée, son entrée murée en 1983 et sa démolition envisagée…

Mais les défenseurs de la cité veillent, et en 1987 celle-ci est cédée pour un franc symbolique (oh mon dieu, les francs, ça parait si loin…) à l’hopital Maillot pour y installer son école d’infirmière et quelques logements. Le tout occupera le tiers du batiment, et le reste sera finalement rénové et vendu. Quelques espaces seront conservés au premier étage au profit de l’association « la première rue », qui s’occupe de la valorisation culturelle du projet et pour le compte de laquelle un sympatique briotin fait visiter l’appartement témoin aux sympathisants leCorbusiens

Verdict: on rêve tous d’aller vivre en HLM (enfin presque), à condition, comme à Briey, d’avoir une jolie vue sur la forêt, un bel escalier en bois et des parois coulissantes, des baies vitrées de tout cotés et des ascenseurs comme s’il en pleuvait… C’est étonnant de constater comment un bâtiment, qui dans une grande ville atteindrait un prix fou, peut ailleurs être l’objet de mépris… ou une belle leçon d’humilité pour les architectes dont les rêves ne sont pas toujours à la mesure de ceux qui les habitent… (à moins que ce ne soit le contraire!)

Association La Première Rue 03 82 20 28 55 http://www.lapremiererue.fr/