Je ne sais pas ce qui se passe mais en ce moment, je suis boulimique de lecture. Et si ça n’a pas grand chose à voir avec ma fréquentation assidue du lavomatic, j’aime me dire que ça m’éclaircit les idées aussi sûrement que le bicarbonate lave plus blanc que blanc.
Je crois en avoir déjà parlé ici à la faveur d’une chronique sur En avant, route d’Alix de Saint-André, faire le chemin vers Compostelle est un vieux rêve. Un vieux rêve de marcheuse infatigable, curieuse de rencontres et de vie au grand air… mais comme j’ai une nette tendance à faire des ampoules aux pieds et que l’idée de dormir avec les punaises me chagrine un peu, pour l’instant, je me contente de cheminer par la pensée au gré des récits d’amis déjà partis ou de lectures voyageuses qui, autant qu’elles font reculer le mystère, documentent mon envie. Aussi recevoir le livre de la photographe franco-chilienne Céline Anaya Gautier, partie pour 1200 km à pied avec Santiago, son fils de 7 ans, a été comme un cadeau dans mon été sans vacances! J’ai aimé sa façon si simple de relater le cours des journées, de ne pas insister sur l’évident exploit en train de se tisser, de s’attarder sur l’essentiel, le ressenti et les humeurs qui sont le vrai défi du marcheur. J’ai trouvé courageux sa volonté de s’attarder sur ce passage de son fils au statut de petit homme en essayant d’amoindrir son propre parcours intérieur, comme si on pouvait juste être accompagnateur! Au final, Céline raconte et se raconte, au travers un imaginaire fécond et de vastes angoisses, et dessine le portrait prometteur d’un garçon à qui confiance et écoute donne des ailes et l’envie de se dépasser… Moi qui ai si peur à force de lectures de ne jamais tenter l’aventure, ça a été rassurant de lire que, même après l’avoir effectué de nombreuses fois, le chemin garde son mystère… Dis maman, c’est encore loin Compostelle – Céline Anaya Gautier
Jessica Treadway est prof d’écriture à Boston et c’est peu dire que j’aimerais suivre ses cours! Moi qui ne suis pas forcément amatrice de thrillers psychologiques, j’ai dévoré son premier roman! Mardi par exemple, j’avais la gueule de bois un petit coup de pompe et je me suis posée un instant sur un coin du lit avec le livre; et bien 3 minutes (ou presque) plus tard, j’avais lu 200 pages et je n’avais qu’une hâte, bâcler mon boulot de l’aprèm pour m’y remettre! C’est une sorte de huis clos bien flippant sur fond de drame jamais élucidé: trois ans après l’agression nocturne qui a couté la vie à son mari et l’a laissée défigurée, Hanna décide de tenter de se souvenir des évènements pour pouvoir témoigner au procès en appel du meurtrier présumé. Mais personne ne semble croire en son amnésie, ni vraiment souhaiter qu’elle ne se souvienne des faits. Au fil des pages je crois avoir soupçonné tout le monde, famille, vieux amis, prétendant et fils des voisins compris… tout plutôt qu’admettre la monstrueuse évidence qui se dessine, que suivre le fil qui unit les acteurs de l’histoire et a longtemps noué leurs mains dans un immobilisme commun. Un roman terrible et terriblement bien écrit sur les relations familiales et le fourvoiement! D’un mauvais oeil – Jessica Treadway
En France je retrouve le plaisir de flâner aux devantures des librairies et de m’enticher de livres juste pour leur titre ou leur couverture et, avant même d’être entrée et d’avoir lu la quatrième de couv’, de savoir déjà le livre à moi, comme s’il m’attendait là. C’est comme ça que j’ai flashé sur ce petit opus de Quim Monzó devant la librairie des pentes à Lyon, pour son titre énigmatique commençant par des points de suspension et son graphisme un peu rétro à base de couleurs primaires délavées. Bien m’en a pris, les petits récits sous le papier bordeaux m’ont ravie! Un peu étranges, souvent grinçants et un peu à l’étroit dans ce format de nouvelles –déjà fini? la suite! pas forcément tout saisi– on tourne chaque dernière page avec un mélange d’étonnement et d’envie, sur une impression vague plus que sur la clôture d’une aventure. A défaut d’une suite ou d’un bis, on se plonge dans la suivante, chaque fois avec délice! …Olivetti, Moulinex, Chaffoteaux et Maury – Quim Monzó
Je ne rédigeais pas encore ces chroniques culturelles à l’époque où j’ai lu la conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, mais réjouissez-vous en! Ça aurait probablement donné un billet exalté mais incompréhensible tant j’ai aimé ce roman et les aventures de son personnage de vieux garçon paranoïaque et génial sur fond de guenille faite pull, de hot dogs, d’arnaques syndicales et d’insultes épistolaires. Quand j’ai su que son auteur, qui s’est suicidé devant le refus des éditeurs de le publier pour obtenir un an plus tard le prix Pulitzer à titre posthume, avait laissé dans ses tiroirs un autre roman, j’ai jubilé d’enthousiasme anticipé sans pour autant me mettre en quête de l’ouvrage, sachant que, tôt ou tard, il m’apparaitrait… ce qui arriva chez un bouquiniste lyonnais quelques semaines à peine après mon arrivée. La bible de néon, c’est non seulement un titre génial faisant référence à l’enseigne d’une église baptiste près de l’Airline Highway et l’explication du titre mystérieux de mon album préféré d’Arcade Fire, mais aussi le récit dur et sensible d’une enfance dans l’Amérique puritaine au temps de la grande guerre dans la région rurale du Mississippi. C’est rude, dépeint avec une justesse hallucinante si on pense que l’auteur avait une quinzaine d’années quand les bases de ce livre ont été posées, et superbe de satire sociale maitrisée. Et c’est à lire absolument, bien que nettement moins hilarant que la conjuration des imbéciles qui, dans son délire parfaitement orchestré, n’en est pas moins efficace, pas moins aiguisé. La bible de néon – John Kennedy Toole
Mais à votre tour de me dire, y’a quoi sur votre table de chevet ou dans votre besace de rentrée? Envoyez-moi du rêve, des romans de nuits blanches, des récits de voyage ou d’apprentissage, vos livres cultes ou même des titres à coucher dehors pour me distraire pendant que le linge essore!
J’adore les instants culturel-omatic et celui-ci m’attire davantage, car je suis fan de lecture. J’y ai pioché des titres que j’aimerais beaucoup découvrir.