Sélectionner une page

J’ai perdu le compte des instants culturels, à force de publier en vrac. Plutôt que de tenter de rétablir un ordre quelconque, assumons ce flou numérique et concentrons-nous sur le fait marquant de ces dernières semaines: j’ai découvert Harry Potter. Après quelques nuits blanches et pas mal de pauses entre deux boulots éclusés (attention je n’ai pas dit bâclé), je suis venue à bout des 7 tomes et ai convaincu plusieurs personnes de mon entourage de se lancer dans la lecture des aventures du magicien au front zébré (bon, j’avoue, j’ai aussi acheté un t-shirt à son effigie et lorgné sur la bièraubeurre dans une confiserie). Pour palier le manque une fois le dernier tome refermé (ouinnn), j’ai lu à peu près tout ce qui me tombait sous la main, des polars, des BD et même un essai sur le sentiment de justice (ouais). Je vous montre?

livre gilles clément

Des jardins et des hommes, ouvrage collectif de Gilles Clément, Michael Lonsdale, Jean-Marie Pelt et Patrick Scheyder: Ça fait deux ans maintenant que je suis adhérente du jardin partagé de mon quartier, et de récentes polémiques à ce sujet m’ont amené à me poser pas mal de question sur le rôle de ce type de tiers-lieux. De simple bouffée de verdure où étancher une hypothétique soif de retour à la nature, j’en suis venue à les considérer autrement, comme des lieux possibles d’expression et d’engagement. Ce livre nous livre de multiples visions et façons d’envisager le jardin, par le prisme du botaniste, du paysagiste, de l’artiste et du visiteur qui, chacun, y voient un terrain de jeu et d’expérimentation pour le végétal et l’humain. Passionnant et parfait pour une lecture cet été sous la glycine ou à l’ombre du cerisier!

ragnar jonasson

Mörk de Ragnar Jonasson: Vous vous souvenez peut-être de Snjór, ce polar islandais qui m’avait fait frissonner cet hiver dans le cadre parfait de mon appart mal chauffé? Malgré une météo moins concordante cette fois-ci, j’ai néanmoins été ravie de replonger dans la neige de Siglufjördur, ancien village de pêcheurs isolé entre fjord et montagnes, et dans l’ambiance pesante tissée par le manque de lumière et le confinement des habitants. Lorsque le policier Ari Thór apprend que son supérieur l’inspecteur Herjólfur s’est fait tirer dessus alors qu’il enquêtait de nuit près d’une maison abandonnée, on retrouve immédiatement le même sentiment que dans le volume précédent: est-il possible que le coupable se cache dans cette communauté où tout le monde se connait? De quels ragots, de quelles rivalités locales faut-il se méfier pour voir l’enquête avancer? Et quels secrets cachent le maire, son adjointe, l’ex-petite amie de l’homme jadis retrouvé mort dans la maison abandonnée? Un roman parfait pour se rafraîchir au cœur de l’été!

contes de noël folio

Joyeux Noël et Au pied du sapin (recueil de contes et histoires à lire au pied du sapin): Puisqu’on parle de lectures à contre-temps, il est grand temps que j’aborde le sujet de ces petits recueils qu’on m’a offert à Noël. Un peu incongrus maintenant qu’on dépasse les 30 degrés, mais rien ne vous empêche de noter tout ça sur un petit papier pour quand le crachin froid reviendra (j’espère pas avant novembre, ça va de soi). Ces histoires sont parfaites pour se mettre dans l’ambiance avant Noël, par petites touches, au gré des contes de Dostoïevski, de Giono, des improbables récits de Fitzgerald, Sylvain Tesson et Apollinaire… Autant de visions, autant d’occasion de plonger dans l’esprit de Noël, (presque) autant de jours dans le calendrier de l’avent; de quoi se délecter chaque soir avec un petit chocolat et savourer l’avant-Noël comme il se doit.

erri de luca

La parole contraire de Erri de Luca suivi de Du sentiment de justice et du devoir de désobéir (conversation entre José Bové et Erri de Luca): J’ai déjà parlé ici de quelques livres d’Erri de Luca, en revanche je n’ai pas dit un mot d’une affaire qui a défrayé la chronique en Italie ces dernières années, mais dont on n’a en France que trop peu parlé. L’écrivain, pour avoir soutenu les opposants au projet de liaison TGV entre Lyon et Turin (les « No TAV ») et déclaré en 2013 à la presse : « les sabotages sont nécessaires pour faire comprendre que ce TGV est une œuvre nuisible et inutile », s’était vu accusé d’incitation au sabotage et menacé de 8 mois de prison ferme. S’il a finalement été relaxé, ce procès a donné lieu à de longues (et passionnantes) polémiques sur la censure, la liberté d’expression et la place des intellectuels dans la société actuelle. Car comme Erri De Luca l’a répété avant les délibérations de la Cour, il « accepte volontiers une condamnation pénale, mais pas une réduction de vocabulaire ». Et là tient tout l’intérêt du petit livre dont je souhaitais vous parler aujourd’hui, dans lequel l’écrivain oppose la justice (en tant qu’institution, qu’ensemble de règles) et le sentiment de justice (la légitimité, qui peut jaillir à l’encontre des lois). Il est alors à la fois question de vocabulaire, du choix des mots, de l’influence que peut avoir un écrivain sur ses lecteurs et de son rôle de porte-parole. Car si écrire, c’est s’exposer, le respect des lois peut parfois s’effacer devant le devoir moral, le « devoir de désobéir », concept défendu et partagé dans la deuxième partie du livre dans une (pas si) improbable conversation Skype avec José Bové, agriculteur activiste, et Gilles Luneau, journaliste et écrivain. Engagé et passionnant!

roman la halle

La Halle de Julien Syrac: Je commence à m’étaler un peu trop mais je ne peux pas faire l’impasse sur ce court roman percutant lu dans le train (mon repaire favori pour lire)(d’où l’inutilité relative du TGV prônée plus haut). Ce livre m’a fait l’effet d’une claque. Sous ses airs descriptifs, ses allures de récit du quotidien d’un vendeur de saucisson au marché couvert, le passage en revue des typologies de marchands, de patrons, de clients, on découvre un microcosme passionnant et pas si lisse qu’il n’y parait. Car dans la comédie de la Halle, il n’y a pas grand chose de vrai. Pas grand chose d’italien dans l’accent des garçons de café, pas grand chose de fermier dans le saucisson et pas grand chose de réel dans la bonhomie du boucher avec les habitués. Si chacun joue la comédie, en attendant la paie, un sourire de la librairie ou un changement qui ne viendra jamais, l’équilibre est fragile et peut à tout moment basculer. Lorsque le bruit court que la galerie d’art du premier, occupée par l’un des derniers artistes mythiques du quartier, va fermer pour accueillir un supermarché végé, c’est tout un écosystème de valeurs, d’habitudes et d’inimitiés qui menace de s’écrouler… Un excellent premier roman à lire au café du marché!

joyce carol oates

Valet de pique de Joyce Carol Oates: La question du pseudonyme est un thème cher au cœur des écrivains. Permet-il de se cacher, d’échapper à soi-même ou laisse t-il s’exprimer un alter-ego enfoui? Quel partie cachée de lui-même laisse échapper Andrew J.Rush, écrivain de romans policiers à succès, lorsqu’il publie de sanglants romans sous le nom du Valet de pique? Piqué à son propre jeu et excité par l’idée de tenir ses proches dans l’ignorance, il prend gout à la clandestinité jusqu’à basculer dans la paranoïa, soupçonne sa femme d’adultère, accuse sa fille de fouiner, entretient le mystère dans une pièce secrète de sa confortable maison et se laisse même aller à voler pour gonfler sa bibliothèque cachée… Jusqu’où peut nous pousser le gout du secret? De qui Andrew cherche t-il à se cacher? Sa famille, la presse, son passé? Cet autre version de lui, plus perverse, plus noire, n’est-il pas un dérivatif à la folie qui parfois l’envahit?

C’est tout pour aujourd’hui! Oui, encore une fois, c’est varié et un peu n’importe quoi, et oui, tout ça, c’est sans compter les 7 tomes de Harry Potter dont je ne peux vous parler sans spoiler (pour les chanceux qui ne l’auraient pas encore lu). Pour ma défense, je crois n’avoir vu aucun film pendant ces 2 derniers mois (trop de temps derrière l’ordi, ça passe l’envie). Ça n’empêche pas les valises sous les yeux (merci Harry) et les mines de chouette au réveil (vous pouvez m’appeler Hedwige), ça démultiplie plutôt que ça n’empêche l’insomnie, mais il n’y a rien que j’aime tant que la perspective de lire un bon livre d’une traite (à la barbe du Mec qui râle et de mes parents avec qui j’ai longtemps rusé pour lire sous la couette). Je vous parle des BD un autre jour? J’ai plein de boulot, et il va bien falloir que je m’y mette!