Tout le monde le sait, les voyages en train sont toujours profitables à la lecture… Des heures devant soi, le roulis qui vous berce, un chauffage réglé sur 32 degrés et l’envie d’ignorer royalement les conversations des autres voyageurs qui, comme pour la première fois, commentent tout ce qu’ils voient…
Je n’avais jamais lu* de livres de l’écrivain/journaliste/parolier/cinéaste Philippe Labro, bien que sa bibliographie soit imposante et variée, et que le titre de son roman Les gens m’ait plus d’une fois fait de l’oeil à l’étal des libraires… Du coup, le découvrir par le biais d’un récit autobiographique, un début à Paris, qui plus est le 3e et datant de 1994, pourrait paraître étrange, et je ne dois ce choix qu’à la rencontre fortuite de l’ouvrage chez un bouquiniste ayant cassé ses prix. Bien m’en a pris. Car ce récit de ses premières années dans l’univers du journalisme, de l’effervescence des salles de rédactions aux planques à manger des jambon-beurre sous les porches, est un petit bijou de concision et de tendresse, appliquée à une époque de renouveau culturel et à un âge où tout semble possible, à peine ombragé par la perspective du départ pour l’Algérie, qui semble loin alors, et presque tentatrice pour l’homme tenant plus que tout à saisir l’essence de la vie. De rencontres en premiers succès, de désillusions en philo de bistrot, on y voit se construire un regard, une personnalité. Et si il m’a semblé parfois déceler une certaine complaisance dans ce portrait de jeune homme orgueilleux mais frais, on ne peut dénier à l’auteur d’avoir suivi le conseil sur l’écriture que lui avait donné lors de l’une de ses premières interviews Blaise Cendrars: « Restez près de la vie ».
Et puisque c’est le jour des insolites premières, parlons plutôt de Fred Vargas, dont malgré des conseils enthousiastes et répétés, je n’avais encore rien lu, et que j’ai choisi d’aborder, non pas par l’un de ses tant vantés romans policiers, mais par un essai intitulé Petit traité de toutes vérités sur l’existence. Pour être honnète, j’ai rarement lu quelque chose d’aussi soporifique que ce livret qui, se voulant impertinent et vaguement comique, ne m’a apporté de bienfait que l’assurance de m’endormir d’un trait. Sensé éclairer avec ironie le lecteur sur le sens de la vie, il m’a vaguement rappelé ce film des Monthy Python, the meaning of life, tellement prétentieux et creux que je ne suis même pas sûre de l’avoir terminé. Je ne suis ici cliente ni du comique de répétition, ni des logorrhées autocentrées dont Vargas abuse à des fins plus qu’embuées. Si je devais toutefois trouver un bon point au livre, ce serait celui de faire clairement sentir l’amusement de l’auteur au moment de l’écriture, et une facilité pour cet exercice qui marque l’habitude et une grande maitrise des mots. Allez savoir si cela suffira à susciter chez moi l’envie de découvrir les fameux romans policiers tirés de la même plume, pour d’autres raisons que la nécessité de dormir d’un sommeil d’enclume…
Je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais j’ai longtemps habité à coté d’un canal… Le bruit des vannes des écluses, des mariniers pris dans les glaces jurant à propos de leur retard de chargement et le mouvement des hydromètres (qu’on appelait « bêtes d’eau ») à la surface du clapotis me sont pour le moins familiers… J’ai même été éclusière pendant deux étés, fière comme Artaban avec mon talkie walkie et mon pouvoir sur les écluses et ponts levants… Tout ça pour vous dire que quand, alors que je croyais avoir épuisé la liste des aventures du commissaire Maigret, je suis tombée sur L’écluse n°1 de Simenon, mon coeur a fait boum et moi un bond (si). Forcément, cette histoire de mariniers, de chargement de charbon et de vie solitaire près de l’eau (genre je suis un vieux loup de mer), ça avait comme un gout de madeleine de Proust, avec en plus deux pendus et deux noyés, et un commissaire plus bourru mais débonnaire que jamais…
Voilà pour cette revue des lectures du train… Dans la foulée j’ai enchaîné sur un autre Maigret (quand y’en a plus y’en a encore…) et il y a déjà un auteur brésilien qui attend son tour… J’espère le lire dans un parc au soleil plutôt que près du radiateur ou au coin du four…
*en fait, c’est faux, puisqu’en fouinant dans mes propres archives (!), je vois que j’ai déjà parlé des cornichons au chocolat, livre soi-disant co-écrit par le journaliste et une fille de 13 ans, et qu’il admettra plus tard avoir écrit seul…
J’aime bien Labro, et Simenon, un peu moins Vargas, mais on me dit souvent que ça mérite une seconde chance… Mais ce que tu en dis ne me donne pas envie de redonner cette chance ^^
Pour les Maigret c’est fou comme Simenon sait poser une ambiance et à chaque lecture je me vois déambuler dans les rues, les cafés, avec le ciel gris, la pluie, ou les voisins curieux.. Bref j’adore !
@ohoceane: les romans de Simenon sont encore mieux que la série des Maigret, plus forts, plus remuants, mais je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose chez le commissaire qui me plait! Sans doute cette atmosphère si particulière, brumeuse et mystérieuse, et toujours ce crachin et ces cafés où l’on rentre s’abriter, un peu comme dans mon nord-est natal quoi…
Je pense que le livre de Labro me plairait mais ma PAL déborde déjà tellement…
Tu vas finir par me faire craquer avec tes Siménon et tes Maigret 😉 Pour Vargas, je résiste encore et ton billet ne fait que renforcer mon sentiment.