Dans le dernier vrac je vous disais avoir mis en place un petit challenge avec une amie, histoire d’en finir avec cette pile de livres en attente depuis trop longtemps. J’avais sélectionné 7 livres à lire ou terminer, et accepté de renoncer à une bonne partie du temps d’écran que je m’accorde habituellement. Mes critères de sélection: des livres pas trop longs, qui trainent près du lit depuis un moment, que je n’ai jamais fini ou qu’on m’a prêté/offert et dans lequel je n’ai pas encore mis le nez. Voici le bilan de cette expérience!
La harpe d’herbes – Truman Capote : Acheté d’occasion sur Vinted avec un autre lot de livres, ça me paraissait évident de commencer par lui! Ce n’est pas le plus connu des livres de Capote, mais l’un de mes préférés. Comme dans Les domaines hantés, on y retrouve le thème de l’enfance, le sud des Etats-Unis et ces journées de chaleur qui semblent interminables. Ici, après une dispute familiale, le petit Collin s’échappe avec sa fantasque tante soixantenaire et la bonne pour aller vivre, munis d’une simple couverture et d’un panier à provision, dans la cabane d’un arbre voisin. Si leur cachette est vite découverte par les villageois, ils mènent depuis leur perchoir une méritante résistance, et sont bientôt rejoint par d’autres marginaux ayant soif d’idéal. On dirait du Souchon, du Calvino aussi, mais c’est bien du Capote : « Mais le vent, c’est nous. Il recueille et se rappelle toutes nos voix, puis il les reproduit, il les fait parler, raconter, à travers les feuilles et les champs. » <3
De guerre lasse – Françoise Sagan : Il y avait bien longtemps que je n’avais pas ouvert un livre de Françoise Sagan! J’en avais plutôt un bon souvenir, mais c’est peu dire que ce roman-là ne m’a pas convaincue. Un trio amoureux tout en clichés sur fond d’occupation allemande un peu bâclé… On dit que Sagan a écrit certains de ses livres sous pression financière, et celui-ci doit en faire partie! Je suis ravie de l’avoir sortie de ma pile, et il finira probablement dans une boite à livres du quartier !
L’archipel du chien – Philippe Claudel : Dans la famille on est assez fan de cet auteur dont on se refile les bouquins à tour de rôle. Pourtant il y a des exceptions: je n’ai toujours pas lu Le Rapport de Brodeck que ma mère a adoré, et je suis la seule à avoir aimé L’Enquête ! Le roman dont il est question aujourd’hui, ma mère le lisait dans le train la dernière fois qu’elle est venue me voir à Lyon en coup de vent, c’est donc tout naturellement que je l’ai récupéré. Depuis, à chaque visite et presque à chaque coup de fil, elle me demande « ça y est, tu l’as lu? ». Je ne sais pas si c’est cet excès de pression ou un basique sens de la procrastination, mais il se trouve que j’avais toujours autre chose de plus urgent à lire, de plus invitant. Mais grâce au challenge, je vais enfin avoir un avis sur la question!! Et bien, hum, bof. Enfin non, c’est un bon roman, mais loin d’être mon préféré de cet auteur. J’ai trouvé les personnages sans épaisseur (sauf l’inspecteur haut en couleur, divertissant mais complétement improbable) et la trame philosophico-sociologique un peu trop évidente. On dirait une sorte de fable édifiante dont on sent venir chaque étape comme un jalon indispensable à l’émergence d’une morale finale. C’est sans doute d’avoir trop attendue mais voilà, je suis déçue.
Rose Royal / La Retraite du juge Wagner – Nicolas Mathieu : Moi, s’il n’y a pas au moins deux vosgiens dans ma PAL je panique! C’est faux mais sur ce coup-là, heureusement que Mathieu était là pour relever mon enthousiasme régional! C’est aussi un livre que ma mère m’a refilé (elle est très littérature locale voyez-vous) et je ne suis pas sure qu’elle l’ait adoré (mais je ne vais pas retourner le couteau dans la plaie), d’ailleurs elle ne m’en a pas reparlé depuis, mais figurez-vous que j’ai beaucoup, beaucoup aimé ces deux histoires. Je m’étonne d’ailleurs de ne pas en avoir entendu parler. Est-ce le mépris pour le format court, le fait qu’il ne s’agisse pas d’un roman à proprement parler? Moi j’ai trouvé ça épatant. Dans ces deux récits, les personnages sont justes à la fois dans ce qui les rend touchants et très énervants, on les voit enchainer des conneries et on a envie de leur coller des baffes, ils sont sympathiques, maladroits et insupportables, exactement comme des gens dans la vraie vie. Ils s’entichent des mauvaises personnes, font des choix merdiques, et doivent ensuite se dépatouiller (ou pas) (plutôt pas d’ailleurs) avec les conséquences de tout ça. C’est incroyablement bien écrit sans effets de manches, et j’ai adoré ces formats courts ; j’aime lire les livres d’une traite, et là j’ai pu enchainer les deux, c’était doublement merveilleux.
La Grande à bouche molle – Philippe Jaenada : Découvrir un nouvel auteur qu’on aime bien, surtout quand il est prolifique, quel bonheur! On regarde sa bibliographie avec gourmandise, on anticipe avec joie ce retard à combler, et les futures sorties dont on va se régaler. Pour Jaenada, j’ai réussi à entrainer M. avec moi en lui offrant ce roman, et on se réjouit à deux de lire tous les autres et de pouvoir en parler. Ce livre, c’est un Jaenada façon « période autofiction », avant qu’il ne se mette à écrire sur des faits divers. Et si c’est déjà un polar, puisqu’il y a des gangsters et un Beretta, c’est surtout une balade avec Jaenada. Il est en filature, et on file donc à ses cotés, tout petit sur le siège passager ou sur le tabouret d’à coté au comptoir du café. On profite de ses observations, de ses considérations sur les gens, le whisky, les voitures de location, les ascenseurs et les coiffeurs. Il nous raconte un peu sa vie, le boulot, le quotidien avec son Anne-Catherine adorée, les courses de chevaux, la pièce de théâtre au catéchisme qui l’a traumatisé, et les gangsters et le Beretta paraissent soudain secondaires, sans intérêt. Ce qui aurait dû être les à-côtés de l’intrigue devient le motif principal. C’est brillant, c’est gai, vivement tous ses autres romans!
Les muses parlent – Truman Capote : Vous avez vraiment cru que je me contenterais d’un Capote pour ce challenge? Mouahaha, depuis quand j’ai le sens de la mesure? Ici il s’agit d’un reportage-fleuve. Pour le compte du New Yorker, Truman Capote accompagne en Russie la troupe qui va y jouer Porgy and Bess de Gershwin en pleine guerre froide. Une initiative politico-culturelle dont chacun attend beaucoup, les ambassadeurs comme les acteurs de la troupe. Le choc des cultures, tout à la fois pressenti, redouté et attendu, donne à l’auteur de multiples anecdotes à relater, assorties de cancans (Capote est un délicieux mais insupportable concierge) qui n’épargnent personne, ni les officiels russes, ni ces dames…
J’ai aussi lu Le Vieux Tapis de George Sand d’Arnaud Donez qui m’a laissée perplexe (j’ai bien aimé le concept polyphonique et le fait de mêler plusieurs époques, mais il y a vraiment plein de trucs qui me dérangent dans le roman, entre autres des personnages creux, le fait de revisiter le passé avec des concepts d’aujourd’hui, et des éléments clefs (genre une meuf découpée en morceaux) vite délaissés aux profits de considérations mineures). J’ai eu bien du mal à le terminer!
Enfin j’ai lu Pour l’autodéfense féministe de Mathilde Blézat mais c’était tellement bien (comme en attestent les moult post-it collés dans la marge au fil de la lecture) que ça mérite un billet dédié. Je l’avais emprunté à la bibliothèque mais je l’ai trouvé tellement riche que je vais surement l’acheter pour le relire et l’offrir. On en reparle donc très vite!
À l’heure où je termine cet instant culturel il reste quelques jours avant la fin du mois de juin et comme je vais prendre le train, j’espère bien ajouter 2 ouvrages à cette liste. J’emmène en effet dans mon sac Connexion de Kae Tempest et Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick. Un essai sur la créativité et un peu de science fiction, voilà un programme qui me plait! Challenge validé!
Plus de billets depuis juin… che peccato! spero che tutto vada bene e che sia il segno di altri progetti in corso. Auguri di buon autunno!