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Revoici l’instant culturel! De rendez-vous mensuel il est devenu fluctuant, je ne m’impose rien, c’est chez moi ici et je n’ai pas toujours le temps! J’aime bien ce moment de faire de petits bilans, de revenir sur des choses que j’ai aimé (de comprendre parfois pourquoi je les ai aimé, sur le coup c’est souvent moins évident), de faire une belle pile de tout ça puis de la ranger (longtemps j’ai été adepte des rangements compliqués, par auteur/ couleur/ ordre alphabétique, maintenant je mets tout en vrac, les visiteurs n’y voient qu’un mur de tranches blanches dans lequel, tour de passe-passe dont j’ignore moi-même le secret, je parviens toujours en un instant à tout retrouver*!) Comme toujours cette fois il y a de tout, des nouveautés, des classiques et des incontournables, des trucs français, italiens, américains, je vous laisse piocher!

marguerite duras

J’ai déjà dit ici je crois mon amour pour les récits de Marguerite Duras. Les moins connus souvent, la douleur qui avait scellé ma passion pour l’auteur quand j’étais étudiante et, là encore, le vice-consul, petit texte l’air de rien autour de personnages torurés, à la la fois évanescents et si vrais… Le vice-consul, c’est ce diplomate fraîchement arrivé à Calcutta et vers lequel se tournent tous les regards: auréolé d’une faute commise ailleurs et dont on sait peu de choses, il attend que son sort y soit décidé… Les autres, c’est cette femme vaguement infidèle qui reçoit en grande pompe et dont les frasques cachent une grande fragilité, ce sont ces hommes qui la courtisent, souffrent de la chaleur, et celui-ci, l’un d’eux, qui écrit au sujet d’une autre femme, chassée de la plaine de Tonlé-Sap et arrivée là, à la fois déesse et paria, qui chante près du grand parc parfois. Ce livre, où rien ne se passe ou si peu, dit toute la langueur du dépaysement, de l’étouffement qui parfois vous prend et des liens invisibles tissés entre les gens, aussi mélangés soient-ils, aussi différents.

patti smith biographie

Vous le savez, j’étais à Paris il y a peu de temps et je ne suis pas allée voir l’expo consacrée à Robert Mapplethorpe. Je m’en mors les doigts à présent que j’ai lu, dans le train du retour, l’épatant Just Kids de Patti Smith. Loin d’être une biographie de « stars », ce livre est une promesse faite à un malade, mais aussi un cadeau fait à tout lecteur qui aspire à vivre ses rêves. Patti y raconte, sans gloriole mais non plus sans fausse modestie, ses balbutiements de jeunesse, ses aspirations artistiques encore confuses mais grandies par la promiscuité avec d’autres artistes plus sûrs de leur fait ou plus accomplis, et son parcours décisif aux côtés de Robert Mapplethorpe, à la fois ambitieux et vaguement maudit. C’est une histoire d’amour que nous raconte Patti, mais surtout une déclaration d’amour à la vie, cette vie de bohème difficile mais choisie, de soupe à la salade et de bidouilles à deux, d’ambition, non pour soi, mais pour ce en quoi on croit.

roman ilaria gremizzi

Je ne sais plus trop pourquoi j’ai acheté Les nigauds de l’oubli et autres saloperies d’Ilaria Gremizzi. je crois que c’est à cause de cette phrase, mise en exergue sur la couverture: « La morue écrite pue un peu moins que la vraie […] C’est l’avantage de la littérature sur la cuisine ». Du coup, je ne sais pas trop à quoi je m’attendais, mais je sais qu’au tout début j’ai été un peu déçue. Les romans qui nous transportent dans la tête d’un personnage, nous parlent avec sa voix, ses maladresses intimes et ses mots barbares, appartiennent en général à deux catégories: les très bons livres (comme La vie devant soi du grand Gary) ou les très mauvais. Ici, on ne sait tout d’abord pas trop. On se retrouve à l’étroit avec cette fille, 13 ans, un peu nigaude quoiqu’attachante, à partager des exercices pour obtenir une démarche pseudo-chaloupée, à se vanter d’une brandade qui fait les mains qui puent et à appeler une voyante en cachette pour savoir de quoi demain sera fait… et elle ne fait pas trop rêver, cette vie. Et puis surgissent des petits rien, une collection d’espadrilles qu’on n’ose pas jeter, une connivence paternelle au sujet de sorties pour aller guetter les OVNI, des histoires de coiffeur pas assez visagiste, un truand surgi de nul part qui s’incruste dans la cuisine… et d’un coup on ne la trouve plus ennuyeuse, cette petite vie, on y prend goût, on y rit, et on se prend à donner l’accolade, et aussi quelques bourrades, à cette héroine à quatre sous qui nous raconte tout, non pas pour s’en souvenir mais, au contraire, pour enfin oublier et avoir la paix.

william shaw

Mon père est fan des Beatles, et il aime bien les romans policiers aussi. Du coup je sais déjà où finira Du sang sur Abbey Road de William Shaw, si tant est que je veuille bien le lui laisser… Tout dans ce livre est réussi, criant de vérité: l’ambiance des sixties, le milieu des groupies, le déroulement des enquêtes, les groupuscules politico-raciaux… A vrai dire, je n’ai aucune idée de ce que sont ces trucs en réalité, mais justement, j’ai suivi l’intrigue sans l’ombre d’un doute, tout est crédible, tout sonne vrai, on s’y croirait! Shaw est avant tout journaliste, et vraissemblablement très observateur: les détails ne trompent pas, des remarques sexistes envers la dactylo au décor esquissé d’une chambre de vieux garçon, des sous-entendus qui planent lors des interrogatoires au serveur du snack nocturne où se rend l’inspecteur insomniaque, rien ne cloche, et on finit par croire que, vraiment, on est sur la piste d’un meurtier, que, vraiment, de notre capacité à ne pas fermer les yeux avant la dernière page dépend la probabilité pour Cathal Breen de le rattrapper et de sauver son otage…

maigret simenon

Et pour finir, qui c’est qu’on n’a pas vu ici depuis un bon moment? Simenon! C’est dûr à croire, il m’arrive encore de tomber, de temps à autres, sur un Maigret qui ne soit pas déjà dans ma collection! Dans le cas présent, j’ai fait coup double avec Maigret et son mort et Maigret et l’indicateur réunis dans une même édition! Encore une fois, quel bonheur de retrouver l’ambiance des bistrots parisiens, des filatures, des interrogatoires qui durent toute la nuit, des planques, des loges des concierges et des filles de la nuit, le tout dans une odeur du plat du jour et de tabac à pipe! Dans le premier, Maigret enquête dans les bistrots et les garnis; et dans le second, c’est dans un grand restaurant et en inspectant des intérieurs cossus que le commissaire démasque les coupables…

That’s all folks! A venir, un roman pas du tout de saison sur la neige (qui sait, c’est peut-être de sa faute si je me suis enrhumée), du rock n’roll, une histoire de chat et bien d’autres choses encore… Sinon, une question qui pourrait m’aider: vous avez des trucs à me conseiller en matière de BD?

*Tenez je vous montre:

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