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Je viens de terminer un gros projet (et je vous en parlerais plus longuement si je n’étais pas superstitieuse comme un épicier napolitain) et j’essaye de faire un peu de place dans ma tête et ma to-do list. J’ai pris un retard considérable par ici alors attendez-vous à des articles en rafales dans les prochains jours, histoire de faire place nette et de repartir du bon pied. (Un jour, je prendrai le temps de vous expliquer pourquoi je hais les to-do list, cette charge mentale qu’on a tenté de rendre cool à grand renfort de jolis carnets mais qui ne sert qu’à vous faire culpabiliser avant même d’avoir commencé la journée.) (Désolée pour l’introduction à rallonge qui ne va pas arranger la légendaire concision kilométrique de mes instants culturels). Bref, aujourd’hui on va parler rayons gamma, campagne anglaise et apocalypse (plus 2 ou 3 autres choses aussi).

biographie daphne du maurier

Tatiana de Rosnay – Manderley for ever : Récemment, je suis tombée sur un documentaire de la chaîne Arte sur Daphné du Maurier. Certes j’avais vu l’adaptation cinématographique de Rebecca par Hitchcock et j’avais lu un de ses livres quand j’étais étudiante, mais je ne savais pas grand chose de la romancière britannique au nom si français. En visionnant le doc j’ai tout de suite accroché au personnage d’écrivain sauvageonne amoureuse d’une belle maison abandonnée en Cornouailles, et à peine la vidéo terminée je me suis mise en quête de la biographie qu’elle mentionnait, écrite par Tatiana de Rosnay.

Alors certes j’ai quelques réserves sur la construction du livre qui mêle les pérégrinations de l’auteur à la vie de la romancière sur laquelle elle écrit, mais c’est peu dire que je me suis attachée à Daphné du Maurier, et si l’intention de Tatiana de Rosnay était de partager avec les lecteurs son amour pour son héroïne préférée, le pari est incontestablement réussi! Lisez-le si vous aimez les personnages féminins singuliers et entiers, la campagne anglaise, les bateaux et les bouquets, et si vous placez la loyauté que l’on doit à son art au dessus du quand dira-t-on, vous allez sans doute aucun adorer.

roman loulou robert

Loulou Robert – Bianca : La première fois que j’ai entendu parler de Loulou Robert, c’était dans une pub pour un maillot de bain Oysho. S’il nous fallait une preuve que les voies de la culture sont impénétrables, je crois que nous l’avons désormais. Car l’auteur est aussi mannequin, et se réjouissait sur Instagram de ce que la marque ait choisi de la mettre en scène en train d’écrire. Je ne connaissais ni la femme ni ses livres, aussi quand je suis tombée sur son premier roman Bianca dans un magasin de livres d’occasion, j’ai foncé. Et c’est ainsi que j’ai découvert Bianca, une jeune fille internée après une tentative de suicide qui se débat pour retrouver la joie de vivre.

Au final j’ai bien aimé le style concis, la plongée dans les pensées quotidiennes d’une ado perdue (certains aspects m’ont rappelé « On est pas sérieux quand on a 17 ans » de Barbara Samson) et l’importance donnée au corps, aux sensations dans le livre. D’un autre coté, plein de petits détails m’ont déplu, des petites choses caricaturales et des pensées un peu trop simplettes. Mais en même temps, quand on est ado, est-ce qu’on n’est pas un peu ce mélange de grandes découvertes et de révoltes convenues?

neil gaiman de bons presages

Terry Pratchett & Neil Gaiman – De bons présages : Là non plus je ne suis pas arrivée à ce livre par hasard. Je suis sur les réseaux sociaux depuis quelques temps la délicieuse Amanda Palmer, artiste et performer américaine engagée dont chacune des interviews est un savant mélange d’émotions, de grandes vérités et d’humour débridé*. Comme elle y parle beaucoup de son mari Neil Gaiman, auteur de livres pour enfants et de sciences-fiction, j’ai eu la surprise d’exhumer des tréfonds de ma mémoire un charmant roman lu il y a quelques années, L’océan au bout du chemin, que j’avais beaucoup aimé. De fil en aiguille, je me suis mise à suivre aussi Gaiman sur Twitter, et à visionner les vidéos de ses très nombreuses interventions où il mêlé anecdotes désopilantes, conseils d’écriture et souvenirs**.

Et alors que je me demandais lequel de ses livres attaquer en premier, la méga promo de Good Omens, la mini série produite par Amazon tirée de son roman De bons présages, a commencé. Un roman écrit il y a bien longtemps avec Terry Pratchett, célébrissime auteur de sciences fiction aujourd’hui décédé, et qu’on trouve à la bibliothèque de Lyon, pour d’inexplicables raisons, au rayon ados. Je me suis donc mise en quête dudit livre, et l’ai emmené dans le train pour Milan avec moi en avril. Le pitch, c’est l’arrivée de l’apocalypse dans la petite ville anglaise de Tadfield, prétexte à un ambitieux programme visant à distinguer le bien du mal, sans succès hélas, ou plutôt devrais-je dire, pour le plus grand plaisir du wagon de deuxième classe que j’ai sans vergogne secoué de mon rire. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais ça faisait un moment que je n’avais pas tant ri en lisant. Je ne sais pas quand on pourra voir la série quelque part (je veux dire, sans passer par un service de streaming qui rend fou), mais bienheureux les ados qui trouvent de telles pépites à la biblio !

lena dunham girls

Lena Dunham – Not that kind of girl : Sans vouloir spoiler (mais quand même un peu), la bio de Daphné du Maurier s’achève quand l’autrice octogénaire, désormais veuve et sans inspiration, sombre dans la déprime et se laisse mourir de faim. Allez vous endormir après un final pareil, quand vous refermez le livre à une heure du matin au fond de votre lit. Du coup, j’ai empoigné le premier livre de la pile qui oscillait près de la cheminée, et c’est comme ça que j’ai lu L’antiguide à l’usage des filles d’aujourd’hui écrit par Lena Dunham, la créatrice de la série Girls. Je dois dire que c’est une série que j’ai beaucoup aimée, même si des tas de trucs m’ont scandalisée ou fait enrager. Les dialogues étaient souvent géniaux et la bande-son a longtemps été ma playlist pour travailler. Je vous invite d’ailleurs à lire cet article paru en 2017 sur Slate qui dit mieux que moi le bien qu’on est en droit de penser de la fameuse Lena et de son alter-ego dans la série, Hannah.

Je n’attendais rien de précis de la lecture de ce livre autobiographique (si ce n’est de me changer les idées après la fin tragique de Daphné du Maurier), mais je me doutais qu’on y retrouverait comme dans la série de l’auto-dérision, de l’humour débridé et des passages gênants à l’excès. Bingo! C’est tout à fait ça, on aime le franc-parler et la décomplexion, on s’énerve quand Lena en fait un peu trop, il y a des passages vraiment chouettes mais on finit parfois par être fatigué quand la logorrhée n’a pour seul but que de choquer. (N’empêche, pari tenu, en arrivant au bout j’avais oublié cette pauvre Daphné).

bd féministe diglee ovidie

Mais je m’étale, je m’étale, et je n’ai encore même pas évoqué les deux BD ni le film dont je m’étais pourtant promis de parler. Alors en méga résumé, lisez Riche, pourquoi pas toi? de Marion Montaigne pour comprendre pourquoi les riches sont riches et pas vous, études des sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot à l’appui; et lisez Libres d’Ovidie et Diglee pour vous « affranchir des diktats esthétiques et sexuels » de notre époque, mais surtout pour aller vers plus de bienveillance envers vous (les filles) et les autres (filles ou pas).

Enfin, je ne peux pas vous quitter sans faire une parenthèse sur Paul Newman. On sait tous que c’était un acteur badass, qu’il vendait des sauces vinaigrettes et qu’il portait un décapsuleur autour du cou (ah vous ne saviez pas?), on sait moins qu’il était aussi réalisateur et qu’on lui doit De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, fabuleuse fable cruelle avec Joanne Woodward en mère fantasque et toxique qui tente de maintenir à flot une maisonnée qui comprend ses deux filles, un lapin et d’épisodiques vieilles personnes occupant la chambre d’ami où ils viennent finir leur vie. Le Mec a détesté, il a trouvé ça glauque et déprimant. D’ailleurs il n’a pas tort même si de mon coté j’ai aussi trouvé ça beau. Joanne Woodward est incroyable en mère braillarde qui prend toute la place avec ses éclats et ses désillusions, et les autres personnages illustrent à merveille l’expérience scientifique de la cadette Matilda qui donne son titre au film : exposées aux radiations, certaines plantes meurent, mais d’autres développent des mutations magnifiques.

Promis je vous laisse filer, mais je reviens vite, notamment pour vous parler de Meg Wolitzer et de Thoreau (gros programme donc, à base d’amitiés contrariées et de vie dans la foret). Et puisque je lis beaucoup en ce moment, je vous laisse me parler en commentaire de vos découvertes, ça me donnera des pistes pour concocter ma valise d’été!

*Pour ceux/celles que ça intéresse, je vous mets ici quelques liens pour découvrir le personnage. Sa conférence TED au sujet de sa campagne de crowdfunding qui a récolté 1,2 millions de dollards en 2012 ; et son interview par Tim Ferris (lui est assez nul mais elle est géniale)

**Ici aussi je vous mets le lien vers une interview que j’ai beaucoup aimée (encore chez Tim Ferris qui a toujours le charisme d’une moule, mais Gaiman relève le niveau haut la main, je pourrais l’écouter pendant des heures !)