Qui va là? Mais c’est l’inspecteur gadget l’instant culturel bien sûr! La seule catégorie du blog qui continue d’être alimentée avec régularité malgré toutes mes promesses et projets! Celle qui me permet d’échapper à un Alzheimer précoce en gardant une trace de mes lectures, mais surtout qui me permet de revenir sur les livres lus à froid pour analyser pourquoi je les ai aimés ou pas… Je me rends compte que souvent, je redécouvre le livre en écrivant ce que j’en ai pensé, comme si j’avais ressenti des trucs sans les formuler et que quelqu’un d’autre m’en parlait (je ne suis pas folle vous savez). Pour cette fois, on parle de Paul Auster (ne dites rien, je sais), Tatiana de Rosnay, David Merveille, Le Clézio and co !
Moon palace – Paul Auster : Vous en avez marre de m’entendre parler d’Auster? Impossible, tant que je ne me suis pas lassée de parcourir avec lui à chaque livre la problématique de la construction de l’identité, vous n’avez pas le droit, de votre coté, de vous ennuyer. Car rien n’est banal ici. Ni cet étudiant fauché qui tente de faire durer ses dernières ressources en lisant la collection de livres léguée par son oncle et en se nourrissant d’œufs (ma vie), ni son expérience de vie au grand air dans Central Park, ni le job qu’ils trouve enfin auprès d’un vieil homme infirme et riche, consistant en grande partie à se faire humilier et à rédiger la future nécrologie du vieillard. Ni ce qui advient après, mais j’en ai déjà trop dit, alors sachez seulement qu’il y est aussi question d’un gros homme à chapeau, de peinture et d’expéditions dans le Far West avec de vrais morceaux de bandits et d’indiens dedans.
Le voisin – Tatiana de Rosnay : Je vous avais parlé de Spirales lu pendant le confinement, et des problèmes que sa lecture m’avait posé malgré une histoire plutôt bien trouvée. Autre livre, même problème ici, avec des personnages tout en stéréotypes, qu’on peut définir en deux adjectifs. Et c’est d’autant plus dommage que l’intrigue est vraiment cool! Imaginez un voisin du dessus qu’on a jamais vu, mais qui trouve un malin plaisir à vous persécuter en faisant du bruit la nuit à heure fixe? Pire encore, imaginez que ce manège ne se répète que quand vous êtes seule et que, le respectable voisin en question faisant l’unanimité dans l’immeuble, personne ne vous croit quand vous essayez d’en parler? Et pire encore, imaginez que vous vous preniez au jeu, vous engageant malgré vous dans une sourde bataille de voisinage à base de vol de clefs, d’intrusion dans la vie privée d’autrui et d’essaimage d’indices à décrypter?
Diego et Frida – Le Clézio : Trouvé dans la bibliothèque de mon beau-frère, je n’imaginais pas que ce récit de l’histoire de Frida Kahlo et Diego Rivera me porterait autant! Car il n’est pas tant question ici d’une biographie de l’un ou l’autre des deux artistes mexicains, mais bien de leur relation et de la façon dont elle a influencé leurs vies et travaux respectifs. De la façon dont la vie de Frida s’est articulée autour de son mari auquel elle voue une sorte de culte qui dépasse le simple sentiment amoureux, et de la manière dont elle a été le guide et le socle de sa vie à lui, malgré les trahisons et les séparations. On y parle donc d’amour, mais d’art et d’engagement politique aussi, de la fidélité à des idéaux qui transfigure une oeuvre et – puisque le mot ogre est souvent utilisé – de la façon dont se nourrissent les artistes de ce qui les entourent, sublimant – et dévorant souvent – à peu près tout sur leur passage.
Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates – Mary Ann Shaffer et Annie Barrows : Ce roman avait fait fureur lors de sa sortie en 2011, mais c’est avec la plus grande méfiance que je m’en suis approchée, vaguement rebutée par le titre à rallonge et la mention de double auteurs (on en a déjà parlé, ça perturbe ma concentration d’essayer d’imaginer le processus derrière l’histoire). Et pourtant quelle jolie lecture! Alors certes c’est assez « gentil » (je suis moins cynique que la dernière fois, vous avez vu?) mais quelle joie de renouer avec un roman épistolaire! Qui plus est rédigé de façon un peu ronflante comme j’aime, avec drague par câble et disputes par lettres interposées! C’est à la fois léger, charmant, avec pourtant des événements tragiques en toile de fond ; la vie des habitants de l’île de Guernesey sous l’occupation allemande et juste après. Je l’ai presque lu d’une traite, et je vous le recommande sans hésiter, il se lit rapidement et le sourire aux lèvres!
Monsieur Hulot à la plage – David Merveille : C’est la maman du Mec qui m’a rapporté cet album, connaissant ma passion pour le grand homme à l’imperméable et au chapeau. Je vous ai déjà parlé de ma difficulté à apprécier tout ce qui est « à la manière » de Jacques Tati, car même je trouve ça à la fois très chouette de se replonger dans son univers, je ne peux m’empêcher d’y voir comme une trahison (vous avez vu, mon sens de la mesure s’aiguise de jour en jour). Alors bien sûr que j’ai pris plaisir à feuilleter cet ouvrage, plein de clins d’œil à toutes les pages, à retrouver cette silhouette un brin dégingandée, cette indéboulonnable pipe, ce nez au ciel, les rappels aux Vacances de monsieur Hulot, aux personnages de Mon oncle, et ce passage du temps si particulier qui traverse l’oeuvre du grand mime. Mais un plaisir un peu coupable, comme si, devenu un archétype, un cliché facile à pasticher, monsieur Hulot perdait un peu de sa force de caractère et de son identité (et ça, je ne le permettrai ja-mais).
Sur ce, je vous laisse, sachez juste que j’ai aussi lu Modèle vivant de Joann Sfar qui, malgré de très bons passages, notamment sur l’art et le travail de groupe, m’a beaucoup énervée. Dans le genre ouin-ouin dépassé par les luttes féministes, l’auteur se pose là, cherchant à relever les incohérences et les maladresses (bien sûr qu’il y en a, et pourquoi pas?) d’une volonté de liberté pourtant légitime. A force d’observer, il oublie peut-être un peu d’écouter, et c’est fort dommage selon moi. J’ai aussi commencé 4321 de Paul Auster, mais je vous en parlerai une autre fois car je sens que l’indigestion vous guette déjà. J’ai mis un peu de temps à m’y mettre, effarouchée par le volume de 1 000 pages. Voyez-vous, j’ai la mauvaise habitude de lire dans mon lit, et de tenir mon livre de la main gauche entre le pouce et l’auriculaire, faisant porter tout le poids sur l’articulation métacarpo-phalangienne du petit doigt (j’avoue, j’ai cherché le nom sur Wikipédia*). Bref, l’arthrose et la tendinite me guettent déjà, mais on en parle la prochaine fois! Et vous, de votre coté, vous lisez quoi?
*au passage, je me suis farci tout un pavé sur l’influence de l’écartement entre les doigts sur la dextérité à plaquer des accords au piano, c’est fou comme le temps file quand on apprend en s’amusant (lol).