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Lors du dernier instant culturel de l’année dernière, après une ereintante lecture célinienne, j’avouais ma volonté de lire des trucs courts, percutants, variés et de préférence divertissants. Je crois ne m’être pas trop mal débrouillée, entre chroniques radio retranscrites, essai et romans brefs et drôlatiques; voyez plutôt…

chroniques radio michel polacco serres

J’ai attaqué avec Petites chroniques du dimanche (5), qui rassemble les chroniques radio sous forme d’entretiens de Michel Serres et Michel Polacco. Des chroniques anecdotiques et brillantes sur des concepts ou des nouvelles sur lesquelles on prend trop peu souvent le temps de s’ arrêter et de réfléchir vraiment. La douleur, les religions mais aussi Tintin et Asterix sont passés au crible de l’esprit aiguisé du philosophe scientifique et littéraire (s’interroger sur une notion, c’est aussi s’interroger sur les mots qui la définissent). Là, en quelques mots simples mais bien choisis, beaucoup de choses semblent subitement plus limpides. Pas forcément plus logiques, mais démystifiées, prêtes à être analysées plus avant. A lire pour briller d’arguments de choix en société, mais surtout en se promettant d’essayer de voir plus souvent plus loin que le bout de son nez!

roman grégoire delacourt

J’ai enchainé avec deux romans de Gregoire Delacourt, L’écrivain de la famille* et La liste des mes envies, littéralement adoré le premier et quasi péri d’ennui à la lecture du second. Il m’a semblé dur à croire qu’un écrivain capable d’une telle force en si peu de mots, d’un tel impact dans le choix des termes et d’une telle pudeur dans l’exercice de se raconter ait pu s’embourber ainsi dans cette historiette vaguement niaise de femme trahie après avoir gagné au loto… On dit que pour écrire bien, il faut souvent écrire sur ce qu’on connait le lieux; sans doute l’inspiration autobiographique sied-elle mieux à certains auteurs qu’un pitch rocambolesque guère crédible… (il me semble cependant que ce livre a rencontré un grand succès, peut-être est-ce moi qui n’ai pas su m’identifier assez à l’héroine-victime, ni à m’émouvoir d’un happy end un peu facile à mon goût…)

roman grégoire delacourt

*du coup, je parle trop peu du premier! Lisez-le, c’est un petit bijou de dureté et de tendresse contenus, ça raconte une famille en 20 mots mieux qu’une saga en 3 tomes, c’est gai, triste et jamais convenu, et c’est probablement l’un des meilleurs livres de cet instant culturel de rentrée!

truite à la slave

Je cherchais quelque chose de plus léger, et je me suis souvenu d’un auteur à la verve comico-barjot: j’ai dégotté Truite à la slave d’Andrei Kourkov, un très court récit à lire en une soirée. On y parle de bouffe, c’est mystérieux et un peu loufoque alors que le sujet est grave, on y retrouve malgré la briéveté l’absurdité propre aux romans de Kourkov (qui a écrit son 1er roman quand il était gardien de prison, sans doute par souci d’évasion), et l’on cherche dans le menu la réponse à nos interrogations… pas un chef d’oeuvre, mais un récit piquant qui a bien répondu à mon cahier des charges des vacances!

tony hogan m'a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman

Quand j’ai reçu Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman de Kerry Hudson, je me suis dis « chic! ça va être marrant ». Et pourtant rien n’est plus amer que ce récit d’une enfance brinquebalée de taudis en foyers, dans une « famille » bricolée où l’on jure, boit et s’écorche comme si de rien n’était. Un parcours violent et cruel qui, vu au travers des yeux d’une enfant, revêt tout de même des allures de paradis imaginaire, où un carton devient une maison, des frites surgelées un repas de fête et une poignée de billets l’occasion héroique bien qu’hypothétique de tout sauver. C’est remarquable, aigre-doux et ça pourrait même être un rien déprimant, n’était-ce le talent de conteuse de l’auteur à relever son héroine, rire aux lèvres, contre vents et marées.

courir avec des ciseaux roman

Et puisqu’on parle de famille barrée, je passe immédiatement à Courir avec des ciseaux d’Augusten Burroughs, autre lecture au titre prometteur de la fin de l’année. Augusten a grandi entre un père alcoolique et une mère foldingue (du genre à se faire des épaulettes en serviettes hygiéniques et à manger les bougies). Il rêve de costumes à paillettes et, au choix, de devenir une star des cosmétiques capillaires ou de jouer un médecin dans un téléfilm. Quand le psy de sa mère devient son tuteur légal après une tentative de suicide feinte pour ne pas retourner à l’école, le monde d’Augusten bascule. Le semblant de normalité que pouvait encore revêtir sa vie finit de voler en éclat dans cette maison-bateau ivre qui rassemble les enfants du docteur mais aussi des patients et des paumés de passage, qui tous sont invités à évoluer sans entraves, mangeant des croquettes ou interrogeant dieu sur la météo du lendemain en ouvrant la bible au hasard… Insolite et divertissant!

journal françoise sagan

Autre lecture express, le joli texte intitulé Toxique de Françoise Sagan. J’aime cette auteur -il parlait que je parle un peu comme elle, et je ne crois pas que ce soit un compliment! J’aimerais mieux rappeler, ne serait-ce que vaguement, sa silhouette ou son talent! Ce récit court et touchant, c’est son journal tenu lors de sa première cure de désintoxication, après qu’un traitement reçu à la suite d’un grave accident l’ait rendue dépendante à la morphine. Elle y retrace ses impressions, y mesure ses progrès et s’y interroge sur l’idée de dépendance, à l’alcool, à l’écriture, aux autres. J’aime ce qu’elle y dit de son corps, « bronzé, plat qui [la] réconforte obscurément: « ne t’inquiète pas, je suis là pour les plages, les autres corps, les vêtements de soie », comme si elle ne faisait qu’habiter ce vaisseaux étranger qui la rassure et la rudoie, elle s’observe et prend note sans réserves…

Voilà pour aujourd’hui! En réalité, j’ai pas mal d’autres lectures en cours dont je voudrais vous parler, mais ça viendra, je dois d’abord un peu les digérer… Et vous, vous avez profité des vacances pour lire? Reçu des livres à Noël, fini des pavés oubliés, fait du tri sur vos étagères? Si vous avez des conseils à me donner, n’hésitez pas, partagez!