Question lecture, l’hiver est souvent une bonne période. Les voyages en train pour rentrer en France favorisent la concentration, dès la frontière passée je m’arrète dans tous les Relay, chez les buralistes, libraires et dans les supermarchés afin de faire de nouvelles provisions, il fait froid et c’est l’occasion de passer des vacances au chaud, un bon roman entre les mains… Du coup, la période d’avant Noël consiste surtout à faire de la place pour les futurs nouveaux, en finissant les trainards d’à coté du lit…
Il y a des livres qui sont comme des parenthèses. Qui, sans vous poursuivre longtemps, constituent au moment de la lecture un univers parallèle où se réfugier avec délices; petits mondes à part, à la fois banals et complétement différents, qui permettent de vivre plus intensément le moment. Petit art de la fuite d’Enrico Remmert est de ceux là. On y voyage avec délices au travers d’une Italie plus pressentie que vraiment décrite, road trip entre amis qui, entre bons mots et moments critiques, sont tous un peu en fuite, de problèmes professionnels, existentiels ou d’histoires d’amour qui périclitent… Et cette parenthèse, volontairement hors du temps et qu’ils prolongent volontairement, va les amener à en apprendre plus sur eux-même qu’un quotidien répété indéfiniment. D’autant que l’histoire, derrière l’humour et les bluettes, conduit parfois à des éblouissements, comme cette scène magique de violoncelle dans les montagnes de sel recouvertes de neige, où les coeurs s’émeuvent et les destins se scellent…
En revanche, les Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar m’ont déçue… Si j’aime d’ordinaire cet auteur à la folie, les textes réunis ici consistent plus en exercices de style sur des thèmes orientaux, inspirés de contes, légendes ou récits, qu’en de réelles créations inspirées. Entre tentatives de pastiches de type japonisant et textes se voulant édifiant, je me suis sentie un peu perdue… A conseiller aux amateurs de légendes ou de 1001 nuits plutot qu’à ceux de la grande Marguerite!
Ensuite, ça vous dirait de parler fusées, moteurs et stratégies juridico-commerciales avec La fusée de Shitamachi d’Ikeido Jun? A priori, moi aussi, ça m’avait laissée songeuse, mais il y a dans ce récit des déboires d’une PME japonaise face aux géants de l’aérospatiale plus d’humanité qui’il n’y parait, et on se surprend à se passionner pour la foule de détails intéressants sur la hiérarchie japonaise, les mécanismes de financement des entreprises et les enjeux internationaux qui résident dans une rayure dans une valve de moteur à hydrogène… Sans parler des impayables scènes où les employés se rebellent lors d’un audit, et crachent leur mépris et leur talent d’orateurs à la face de leurs interlocuteurs… Une pépite de 470 pages qui se lit dans un souffle, dans l’attente que justice soit faite, et qu’une fusée gagne le ciel…
J’aime bien les récits de vie qui réunissent la banalité et l’extraordinaire unicité du destin de chacun, et qui ne prend d’unicité sémantique qu’au travers du récit justement, qui agence, regroupe et développe rétrospectivement. Alors que la vie, quand on la vit, on est dedans, sans y lire les liens de causalité ou pouvoir généraliser, comme le fait à rebours la narratrice de Portrait sépia, d’Isabel Allende, dont le titre cloture d’ailleurs le roman. Des événements de la vie d’Aurora, jeune chino-américano-chilienne, elle tire le portrait d’un époque, une fin de XIXe siècle sur fond de guerre du Pacifique, entre religion omniprésente et prémices du féminisme, culture viticole et secrets de famille… Un ode à la littérature aussi, et au pouvoir des mots qui exorcise et guérit…
Sur ce, alors que je me suis levée à 6h pour finir le dernier roman de cet instant culturel afin de vous le livrer tout chaud à 9h, je m’en vais remplir mon sac à dos de lectures pour les vacances… Au programme, une biographie de boxeur (si), L’argonaute de Milton Fernandez, un polar de Raymond Chandler, un recueil de littérature gourmande, Indignez-vous de Stéphane Hessel et un guide pour supporter les personnes à personnalités difficiles (amis de l’euphémisme bonjour!) Je vous souhaite un joyeux mardi!
Merci, je manquais d’idée de lecture pour les longues soirées d’hiver sous la couette ou au creux du canapé. Je suis tentée par « Petit art de la fuite » d’Enrico Remmert. Bonnes vacances 😉
J’ai déjà plusieurs fois croisé le Isabel Allende sans oser le prendre… La prochaine fois, il finira dans mon sac!
@marion: je ne connaissais pas l’auteur et j’ai à présent bien envie d’en lire plus!
Merci pour ces conseils de lecture.
C’est vrai que les voyages sont de superbes occasions pour se plonger dans un bouquin. Je regrette de ne pas avoir voyager depuis presque 2 ans…
@Lilith: dire que les gens cherchent à gagner du temps et prennent l’avion pour rentabiliser la durée du voyage… je suis perfois ravie de passer une journée en train à lire, calée dans mon fauteuil…