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Comme je ne suis pas très assidue ici, je me retrouve au moment de l’instant culturel avec une pile de livres haute comme ça à chroniquer, et ça m’épuise rien que d’y penser. Du coup j’attends encore, je repousse le moment de m’y mettre et la liste s’allonge toujours plus… Comment ne pas se retrouver avec un post kilométrique qui ne vous donnera guère envie de lire, si déjà l’article vous semble un roman! Seule solution, essayer de faire court (la bonne blague) (alors que mes phrases déjà sont trop longues, que j’emploie des mots de plus de 12 lettres comme si j’étais payée au caractère et que je m’enflamme vite en alexandrins dès que je dois parler d’un bouquin que j’aime bien!). Bref, je vous aurai prévenus, je vais essayer de faire court, mais rien n’est moins certain.

Mademoiselle, à la folie! – Pascale Lécosse : Ce livre, c’est le roman d’une dérive, d’une dégénérescence qu’on souhaite garder esthétique et discrète, au moins autant que celle qui la porte a eu la vie belle et fantasque. Ça m’a rappelé le roman en attendant Bojangles pour les proches qui jouent le jeu sans ciller, même si ici les portraits à peine esquissés de plusieurs personnages -l’amie discrète, l’amant lointain- rééquilibre la complexité d’une histoire qui parait presque trop vite lue, trop banale, trop inéluctable. Au final, ce qui est fou, n’est ce pas la vie? Ou de passer à coté trop souvent, comme si elle devait durer toujours?

charles bukovski correspondance

Sur l’écriture – Charles Bukowski : Tout ce que j’avais lu de Bukowski, c’était quelques nouvelles et ses contes de la folie ordinaire. Je ne savais de lui que ce que tout le monde en sait: marginal, amateur de femmes et très alcoolisé. J’avais aussi vu l’excellent film Barfly (ici!) au scénario inspiré de sa vie, avec une épatante Faye Dunaway déglinguée et des personnages qui s’embourbent du début à la fin. Rien qui vende du rêve, mais ça sonne rudement vrai. Sorte de Suttree des temps modernes, je ne sais pas si j’aurais aimé lire une biographie de ce poète qui s’est maudit lui-même, mais je me suis réjouie de ce recueil de lettres -à son éditeur, ses amis, des directeurs de revue, journalistes, critiques que tantôt il flatte et maudit. S’il y exalte son personnage de grincheux imbibé, sa marque de fabrique, on y décèle aussi, entre gribouillis, fautes d’orthographe et imprécations sur les aspects commerciaux que peut prendre son métier, un besoin avide d’écrire qui lui rend au centuple son humanité.

virginie despentes roman

Vernon Subutex – Virginie Despentes : Au rayon des lectures improbables, cet opus trouvé chez mes parents et emporté à l’aube d’un voyage en train. Le succès du livre (la présence des tomes 2 et 3 en vitrine du Relay de la gare laissant peu de doutes à ce sujet) n’augurant rien de bon, c’est rien de dire que j’en entamais la lecture avec circonspection (je suis snob vous savez). Et bien, j’avoue tout, j’ai trouvé cette lecture agréable, et même j’aimerais bien connaitre la suite! Non pas que l’histoire m’ait fascinée (à quelques semaines de distance, j’aurais bien du mal à précisément vous la raconter), mais j’en ai aimé l’écriture, le style grisant et enlevé. J’ai bien aimé sa densité, les situations qui s’enchaînent, les personnages sur lesquels on en s’attarde pas, les scènes tantôt insolites, tantôt cliché, du coup tellement vraies, qui dénotent d’un talent d’observation et une solide connaissance des gens.

S’enfuir. Récit d’un otage – Guy Delisle : Une chronique sur France Inter, un passage en librairie un peu trop près du rayon BD quelques mois plus tard, il n’en fallait pas plus pour me décider! Dans cet album, Guy Delisle dessine le quotidien de Christophe André, membre d’une ONG dans le Caucase, enlevé en 1997 et retenu 111 jours en captivité. Un quotidien bercé par la peur, puis la lenteur des jours, et puis le rien, l’oubli, le vide des jours et l’ennui et la faim. C’est incroyable de remplir un livre illustré de plus de 400 pages avec aussi peu de matière: un matelas, une ampoule, un bouillon, un homme attaché. Presque aussi incroyable que de ne pas devenir fou à force de temps qui s’étire, s’étiole et devient flou. Car au delà de l’exercice de style – raconter le temps nu en bichromie de bleu et gris, il s’agit bien d’un récit d’aventure. Avec peu d’action, mais une foule de sensations, et un personnage exploré sous l’intense pression du silence et de soi pour toute compagnie.

un certain m piekielny

Un certain M.Piekielny – François-Henri Désérable : Ceux qui me connaissent le savent, il ne faut pas me laisser entrer dans les librairies. J’y vais trop peu souvent, je m’y perds, tout m’y fait envie. Passée saluer un ami qui dédicaçait des livres jeunesse, je n’ai pas pu m’empêcher de laisser mon regard traîner sur les jaquettes, de lire quelques résumés, quelques post-it laissés là par une libraire bien intentionnée. Et je n’ai pas pu me résoudre à partir sans emporter cette pépite qui reprend le personnage de M.Piekielny, un ancien voisin que Romain Gary se plaisait à évoquer dans sa biographie et dans la vie. L’auteur part ici sur les traces de cet homme à la fois célèbre et inconnu, et se heurte aux méandres de l’Histoire et de la mémoire. Je ne peux pas en dire plus sans en dire trop, mais j’ai aimé ce livre avant même de l’avoir commencé (je ne suis pas folle vous savez), et toujours plus au fil des pages. Ça me semble inouï de réussir au passage à aimer encore plus Gary qu’avant, et de redécouvrir (comment ai-je pu l’oublier?!) que Mina était le prénom de sa maman).

La porte des enfers – Laurent Gaudé : J’ai acheté ce livre il y a trèèès longtemps (genre il y a 4, 5 ou 6 ans) mais je ne l’avais pas encore ouvert, pressentant qu’il valait mieux avoir un moral de fer au moment de l’ouvrir. Car ce livre est l’histoire d’un deuil, le deuil d’un enfant qui laisse une famille brisée. Mais c’est aussi l’histoire d’une vengeance. Celle de cet enfant en dépit des possibles, celle de ses parents qui se déchirent et réclament justice. Pour finir, c’est l’histoire de tous ceux qui ont perdu un être cher et qui veulent croire. Croire que dans la loterie de la vie il y a un sens, et croire que toutes nos actions, nos hommages, le souvenir, la prière et les pleurs, ont une raison d’être et nous rendent, à défaut du disparu aimé, la paix. Et c’est très très beau, à défaut d’être gai.

amélie nothomb roman jeunesse

Antéchrista – Amélie Nothomb : Trouvé dans une boite à partage lyonnaise, ce livre m’a ramenée au temps du lycée, quand mon voisin de table ne jurait que par cet auteur et m’en parlait à longueur de journée. Ça m’a ramenée aux temps du collège aussi, des divisions entre populaires et souffre-douleurs, entre coqueluche du jour et dindon de la semaine. Qu’elle est cruelle l’adolescence, cette période où chacun expérimente les limites, teste de nouvelles expériences et son pouvoir sur les autres… Ce petit livre somme toute bien mince et bourré de personnages très limités aura au moins eu le mérite de décrire avec justesse ces engouements d’un jour et ces petites détresses du quotidien qui semblent tout un monde…

la pluie d'été marguerite duras

La pluie d’été – Marguerite Duras : Ce livre était dans ma bibliothèque, du coté des déjà-lus, et pourtant il ne me disait rien. L’ayant ouvert pour m’en assurer, j’ai finis par m’asseoir là et par le lire en entier (vis ma vie de freelance qui procrastine un jeudi). Comme souvent avec Duras on a tout d’abord du mal à saisir. Que fait-on là, en banlieue parisienne, dans cette famille d’immigrés où les nombreux enfants grandissent comme ils peuvent, sans ordre établi ni école ? Et quel sens chercher dans le personnage d’Ernesto, le fils surdoué poussé trop vite et qui, d’extatique, est vite blasé du monde? Il y a tout ce qui n’est pas dit, le passé, l’inceste, les âges et les prénoms, et le reste, ce qui est dit par bribes, sans ordre ni raisons. De la mère-enfant ou du fils déjà adulte, qui saisit le mieux la réalité? Les petits avec leur mince vision du monde semblent parfois mieux englober le réel, et la prise de conscience n’en est que plus cruelle. C’est le regard porté sur ce passage, de l’enfance à la conscience, de l’impalpable au formulé, qui fait toute la beauté de ce livre.

livre zéro déchet

Zéro déchet – Béa Johnson : Chic chic, depuis le temps que je rumine, j’ai enfin l’occasion de donner mon point de vue sur ce livre! Je sais qu’il a connu un grand succès (tant mieux pour le zéro déchet) mais certains points de sa lecture m’ont vraiment choquée (et j’ai bourré le livre de post-it vengeurs). Si j’adhère à tout ce qui touche à la réduction des déchets, des intérieurs encombrés et des besoins superflus, si j’applique déjà de nombreux préceptes chers à ce livre et que j’ai beaucoup aimé l’approche de l’auteur, ni radicale ni culpabilisante, il y a tout de même un truc qui cloche dans le ton et certains conseils. A dire vrai, madâââme, si elle fait parfois preuve d’autodérision (je lui accorde volontiers qu’avouer le coup de la bague de fiançailles remplacée par une plus grosse pour faire un plus grand effet, il fallait oser!), oublie parfois que nous ne vivons pas tous avec des moyens financiers illimités… L’épilation au laser « cela vaut le coup: vous gagnerez du temps et de l’argent », la recette du Khôl « si vous n’osez pas le maquillage permanent », l’opération de la myopie parce que les lentilles et les lunettes, ça pollue et autres: « faites appel à des services [comme] un pressing qui réutilise des housses en tissu, une femme de ménage qui nettoie au vinaigre »… Je continue ou elle vous gonfle déjà, cette papesse de l’écolo-life en version haut de gamme? Vous en voulez encore? « Quelques poupées ou quelques voitures suffisent à amuser respectivement filles et garçons » (au secours), « Un cadeau qui fait toujours plaisir […], c’est l’argent. » (c’est énorme), « Pensez aussi à offrir un don de charité au nom de votre bénéficiaire »… Je m’arrête là, je pense que vous avez saisi l’idée! A lire donc, mais avec pas mal de recul ou au 10.000ème degré.

stephen king mémoires d'un métier

J’ai aussi relu Ecriture: mémoires d’un métier de Stephen King, et toujours avec le même plaisir, 10 ans après la première lecture. Si je me souvenais très bien de pas mal de passages (ceux concernant ses années de formation notamment), mais ça ne m’a pas dérangé du tout. Je crois que ce type pourrait écrire n’importe quoi, ça me passionnerait également. Allez savoir pourquoi, beaucoup de mes goûts ont changé avec le temps, mais ma passion pour les histoires et les dialogues retranscris par King est intacte. J’ai récemment refilé le virus au Mec, et le voir se passionner m’a donné envie d’en lire un nouveau aussi. J’ai profité d’une course chez Monop (lire des romans de gare a finalement un intérêt majeur, on les trouve même au supermarché!) pour mettre la main sur Mister Mercedes, je vous raconterai!

romans

Et pour finir, voici ceux qui me sont tombés des mains ou au contraire dont j’ai trouvé la lecture pénible et, chose rarissime (je laisse en général sa chance à l’histoire jusqu’au dernier chapitre), ne me suis même pas donné la peine de finir…

Suite(s) impériale(s) – Bret Easton Ellis : De la violence, des viols et des meurtres super gores, une histoire qui se traîne et des personnages sans relief… Trouvé dans une gift box, presque fini et abandonné à la énième scène de violence… aucun intérêt!

Mon lapin bleu. L’innocente du village – Yvonne Salaùn : Amis insomniaques, ce livre est pour vouuus! Pourtant je vous jure que j’ai lutté chaque soir, page après page, pour garder le fil de ce livre, que je l’ai même terminé, bravant la torpeur et l’ennui… mais non. Je crois que même dans un agenda de lycéenne griffonné par ses copines le dernier jour de l’année, on ne trouve pas autant de mots convenus, de citations éculées et de banalités mises bout à bout, sans que ça porte un message ou développe une idée. Le personnage soit, est sympathique, mais le livre est loin d’être à la hauteur des idées qu’il prétend défendre…

Le club des pendus – Tony Parsons : Vous savez comme j’aime cet auteur, je vous en ai parlé là, et là aussi, et de la façon dont il challenge mon enthousiasme en entrecoupant ses passionnantes enquêtes de détails gores dont je me serais bien passée! (je suis une chochotte, c’est vrai) Pour ce nouvel opus, je ne suis pas encore parvenue à terminer la scène d’ouverture, particulièrement pénible, mais je ne désespère pas… On en reparle la prochaine fois!

Voilà voilà, j’espère que j’ai réussi à rester synthétique (la bonne blague), mais si vous êtes encore là, c’est bon signe (ou alors vous avez pitié) (c’est bien aimable à vous) (mais mon tracker analytics prend en compte le haut et non le pied de page) (hé hé). Quoiqu’il en soit, vous pourriez faire bien pire que de lire un des romans de cette liste, et bien pire encore que de les glisser sous le sapin; quitte à sacrifier à la tradition de la surconsommation au moment des fêtes, offrez des livres!