Cette manie de faire provision de livres, entassés par piles comme en prévision d’une tempête, les éditions d’occasion venant s’ajouter aux romans prétés et aux ouvrages envoyés par les éditeurs… Cette façon de n’en avoir jamais assez, pour chaque occasion, en fonction de chaque humeur, de chaque situation… Et cette sourde angoisse quand la pile s’amenuise, ce sentiment de fin et cette envie de pleurnicher « j’ai plus rien à lire » comme un « j’ai plus rien à me mettre » de fille à mi-saison…
Après la lecture de l’épatant Petit déjeuner chez Tiffany, je m’étais promis de lire d’autres récits de Truman Capote. Et c’est ainsi que j’ai plongé avec ravissement dans Musique pour caméléons, successions d’histoires plus ou moins réjouissantes (et souvent plutot moins que plus), allant de l’anecdote insignifiante relatée avec brio au récit policier le plus haletant… Le tout raconté dans une économie de mots et un saisissement de l’instant sans pareil, qui fait douter parfois de la véracité des faits, pourtant rapportés sous le sceau de la vérité… De quoi avoir envie de découvrir l’auteur encore plus avant!
Il y a des livres qu’on ne parvient pas à commencer et qu’on finit par abandonner… pour les retrouver quelque temps plus tard et n’en faire qu’une bouchée! C’est le cas de La dernière enquete du chevalier Dupin de Fabrice Bourland, dont je ne m’explique pas encore qu’il ait pu de prime abord ne pas me passionner dès les premières pages. Un enquête tout en jeu de miroirs, entre personnages doubles, copie du héros d’Allan Poe, quête mystique et reflets photographiques, où personnages et lecteur finissent (presque) par se perdre dans les méandres de la psyché humaine…
Et comme toujours, que serait l’instant culturel sans Simenon? A tel point que, le premier, Strip-tease (une vague histoire de rivalités amoureuses sur fond de cabaret), m’ayant déçu, je me suis mise en devoir d’en dénicher illico un autre, bien meilleur au demeurant. Le suspet m’a ainsi tenu en haleine durant une soirée, bien que l’intrigue ne soit pas policière, ni même qu’elle ait l’arrière-goût habituel. Simplement l’histoire d’une trahison, de façons diamétralement opposées de servir un même idéal, et le refus chez tous d’admettre d’être du meme accabit que les autres… C’est à la fois confu et blême, navrant et saisissant, un genre d’histoire de l’humanité vu par le petit bout de la lorgnette…
Je crains en revanche d’etre passée complétement à coté du ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, qui est pourtant un auteur que j’aime bien. L’histoire d’une femme qu’un événement de jeunesse, ou une fragilité prééxistante, fait sombrer dans une folie douce. A la faveur d’une rencontre, les souvenirs affluent et une nouvelle histoire se superpose à l’ancienne, semant les personnages dans un jeu de reflets. Une histoire qui se veut touchante mais qui n’a pas réussi à m’émouvoir… à relire dans de meilleures dispositions peut-être…
Que dire de L’extermination des tyrans de Vladimir Nabokov? Il y aurait tant à développer sur chacun des textes qui composent le recueil… De l’exaltante nouvelle qui l’ouvre et lui donne son titre, où un puissant anonyme ne tire son influence que de l’importance que lui confèrent ceux qui le craignent, au récit « recrutement », où une homme devient sans le savoir la matière d’un personnage de roman sous le regard de l’écrivain qui l’observe, du destin tragique de souliers blancs au « jeu de hasard » qui unit à leur insu les passagers d’un train… tant de richesse dans ces textes si courts, tant de vérité dans les crises d’angoisse du narrateur de « terreur », des trésors que ne recèlent que les oeuvres autobiographiques, ou les fictions d’auteurs d’exception…
Une transition rêvée pour vous parler de Loin du monde de Sébastien Ayreault. J’ai aimé en recevoir un exemplaire dit d’épreuves, à la couverture sans illustration et juste orné de la mention de date de parution. Car c’est un peu ça ce livre, une ouverture, le récit d’un début dont on ignore la suite. Le début d’une vie d’enfant, qui comme tout les débuts se construit sur des découvertes et des déceptions, des choix avortés et des espérances blessées. Un texte en demi teintes où les émerveillements se mèlent à une sordide banalité, et dont la banalité même en fait les prémices d’un destin singulier. C’est écrit si juste, ce désarroi de l’enfance qui sait parfois se faire triste, insignifiante et touchante, le début de la vie quoi…
Excusez les photos pas très nettes, mais dehors c’est tout flou, bruine et brume sont au rendez-vous… Sur la photo en une, vous pouvez voir d’autres compagnons de chambrée, et je peine en ce moment à achever une biographie des frères Giacometti et un ouvrage sur les web-télés… Dites, vous faites aussi des piles de culture à coté de votre lit?
Ma critique de « Loin du monde » de Sébastien Ayreault : http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.fr/2012/11/loin-du-monde-de-sebastien-ayreault-au.html
Je n’ai pas lu les autres livres dont tu parles mais j’aime beaucoup Nabokov et Truman Capote.
@Marianne Desroziers: je n’avais jamais lu Nabokov mais c’est une très belle découverte, et j’ai hate d’en lire d’autres!
Que du bon dans ta liste, même si je ne connais pas tout ! Il me faut découvrir ce chevalier Dupin !
Ah, les piles! Ce syndrôme du « je n’ai rien à lire » dès qu’elles commencent à baisser!
Je suis soulagée de partager cette névrose 😉 (vingt-cinq livres sur ma table de chevet… ahem)
@Violette: hum… la pile la plus proche du lit compte 3 livres, ceux qui ne peuvent pas attendre… une pile un chouia plus lointaine (1 mètre à peu près) en contient une douzaine… quand à la pile « qui attend les vacances ou un long trajet en train », elle en contient à l’heure actuelle une vingtaine… névrose tu disais?
de truman capote, l’éblouissant : « De sang froid » tiré d’un fait divers.