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C’est la canicule et je ne vous souhaite rien tant qu’être quelque part au frais, au bord de l’eau ou d’un verre de rosé, et d’avoir le temps de lire tout votre saoul (le combo rosé-saoul, vous pigez?). Pour ma part je suis toujours à Lyon, dans mon appartement perché à 35 degrés, mais je bosse pour pouvoir partir quand vous serez tous rentrés (hé hé). La seule chose qui me manque, c’est justement ça, de pouvoir me poser avec un livre et la perceptive de le terminer dans la journée, sans autre contrainte que celle de se tartiner de crème solaire toutes les 2h et de s’hydrater (hydrater-rosé, vous me suivez?). Bref, j’ai beau manquer de soleil et friser le ras-le bol, voici mes lectures de l’été (on la tente ou pas la rime avec Apérol?)

wednesday martin book

Les primates de Park Avenue de Wednesday Martin: Quand une anthropologue s’installe dans l’Upper East Side, le quartier le plus huppé de Manhattan, et peine à s’intégrer dans l’univers impitoyable des mères au foyer parfaites, qu’est ce qu’elle fait? Elle sort son calepin et se lance dans l’étude de ces richissimes primates des temps modernes! On comprend tout à fait ce que cette observation détaillée a pu avoir de jouissif, à la lecture des déboires de l’écrivain tentant de percer le cercle de ces femmes privilégiées, d’apparence lisse et souvent hautaines. Des femmes dont les mœurs semblent au moins aussi étranges que celles des tribus les plus primitives: combats de rue par sacs à main interposés, quête du corps parfait, peur de la déchéance sociale ou du ridicule, rivalités et bassesses… Il y a de quoi noircir du papier! Jusqu’au jour où la novice, dans sa quête d’intégration, finit par ressembler à celles qu’elle voulait tout d’abord observer… On se laisse si facilement séduire par la promesse d’un Birkin ou d’abdominaux parfaits! Au final, on s’étonne (des injections d’anesthésiants dans les pieds pour supporter des talons vertigineux, quelle idée!), on rit (du fait que la première chose qui vienne en tête à une femme ressentant des contractions puisse être d’aller chez le coiffeur pour être présentable sur les premières photos du bébé), mais on finit par comprendre aussi. L’angoisse que génère cette quête de la perfection permanente, la pression sociale exercée sur les femmes (de l’Upper East Side, mais aussi en général), et l’humanité qui se cache derrière des codes sociaux au premier abord délirants. Bref, un livre à la fois riche et divertissant!

thomas callaghan book

Personne ne gagne de Jack Black: On change complètement de décor avec cette biographie de Thomas Callaghan, alias Jack Black, cambrioleur américain du début du XXe siècle. Sans atermoiements ni forfanterie, celui que ses compagnons appellent aussi Blacky relate son passé de perceur de coffre, sa vie sur les routes entre périodes fastes, fuites et repérages de nouveaux coups. De trains de marchandise en séjours au pénitencier, de meublés en fumeries d’opium, on découvre un quotidien brutal et sans fioritures et un milieu qui, quoique sans foi ni lois, possède un implacable code d’honneur. Et peu à peu, sous l’ex-taulard se dessine le conteur, le témoin d’une époque, d’une culture, et le regard de celui qui a peu parlé, beaucoup écouté et beaucoup vécu. Est-ce l’oreille à l’affût du bon coup et l’œil avisé du guetteur qui ont fait de Jack Black un observateur hors-pair? Quoiqu’il en soit, son gout pour la route et l’aventure auront contribuer, outre à réformer le système pénitentiaire américain jugé inhumain, à donner à Burroughs et Kerouac qu’il a inspiré le gout du mouvement et de la liberté.

La couverture que vous voyez ici est celle des épreuves reçues avant la sortie du livre, mais je vous invite à aller voir la couverture définitive qui dit bien toute la complexité du roman: des rayures verticales comme des barreaux, mais que les aléas de la vie étirent et distendent, une belle parabole qui résume la vie en dents de scies de Blacky, entre séjours en prison et inaltérable sentiment de liberté.

contes du soleil noir alex jestaire

Contes du soleil noir – Crash – Alex Jestaire : Ce livre, c’est typiquement ce que j’appelle une petite claque littéraire. On y suit Malika, maman précaire, dont le quotidien de petites économies et de rêves brisés s’arrête net après un accident de la route. Dans un état végétatif, elle n’est liée au réel que par le biais de la télévision, où s’enchaînent des catastrophes dans lesquelles elle va peu à peu se fondre et se confondre. Ça se lit d’un souffle, l’écriture un brin impertinente sert le récit faussement banal, on ne sait pas trop où ça nous mène mais on suit, et la pression monte peu à peu jusqu’à la dernière page où on regrette que ce soit déjà finit. Heureusement, quatre autres volumes suivent dans la même série, avec quatre autres personnages à suivre dans l’horreur quotidienne ou fantasmée.

l'art subtil de s'en foutre

L’art subtil de s’en foutre – Mark Manson : Je ne suis pas fan de ces gourous du développement personnel qui, à grand renfort de phrases chocs et de formations en ligne, prétendent nous apporter les clefs du bonheur. Encore moins quand ils se prétendent anti développement personnel: je trouve ça louche, cette façon de pas assumer. Mais force est de constater que, primo, le titre m’a tout de suite séduite (tu disais quoi sur les phrases chocs?) et, secondo, ce livre bien ficelé est aux antipodes de tout ce que j’ai pu lire sur le sujet. Grace à cette excellente conférence Ted je savais déjà que trop de confort et de choix n’implique pas forcément le bonheur (le pire, c’est que ce type en short arrive à rendre ça drôle), ce livre enfonce le clou en assénant qu’il faut arrêter de se croire extraordinaire, que le bonheur est par nature éphémère, que la plupart des choses qu’on fait dans la vie n’ont pour but que de nous faire oublier qu’à la fin on meurt et qu’il n’y a rien de mieux que d’aspirer à une vie selon des valeurs bien pépères. En gros, ce n’est pas en cherchant à améliorer sa vie qu’on l’améliore, mais en l’acceptant tout simplement. Et vous savez quoi? Tout ça est probablement vrai, et c’est argumenté de façon si limpide qu’en refermant le livre, il ne nous reste plus qu’à affronter la journée avec entrain et bonhomie.

polar les anges sans visage

Les anges sans visages – Tony Parsons : Vous vous souvenez peut-être de cet excellent polar qui m’avait empêché de dormir en février dernier? Depuis l’automne le 2ème roman policier du même auteur m’attendait, mais je repoussait le moment de l’ouvrir, sachant très bien comment tout cela allait finir. Et puis l’autre jour, après la pause déjeuner, je me suis dis comme ça « tiens je vais lire juste 2-3 pages avant de me remettre à bosser » (hypocrisie quand tu nous tiens). Evidemment, je ne l’ai pas lâché avant de l’avoir fini, accumulant le boulot en retard et émergeant vers 17h30, un brin hagard. Mais quel bonheur de se laisser ainsi entraîner à faire le « bureau buissonnier »! Comme dans son précédent roman, l’auteur taille dans le vif dès les premières pages, au sens propre comme au figuré, et il devient impossible de ne pas se passionner pour l’enquête, de ne pas trépigner à chaque rebondissement ou chaque avancée, de ne pas haïr les affreux, compatir aux malheureux, vibrer d’attente quand l’étau se ressert, jubiler quand le coupable se dessine et crier justice (Vas-y Max mais buuute-le!!!) en approchant du but.

Et des affreux, dieu sait s’il y en a dans ce roman londonien où les beaux quartiers abritent les pires horreurs, et dieu sait si l’auteur ne ménage pas ses lecteurs. Le sang, l’injustice et les larmes, des familles anéanties, des destins brisées, mais alors pourquoi diable a t-on si envie de savoir, de continuer, de se laisser ainsi malmener, que ça ne s’arrête jamais? C’est tout l’art de Tony Parsons qui dose à la perfection scènes intenses et introspection, quotidien de la brigade des homicides et ambiances londoniennes bien ficelées, dans un parfait jeu de tensions qui ne s’arrête qu’à la dernière page refermée. Vivement le suivant!