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Il y a fort fort longtemps (2 ans, si mes souvenirs sont bons), je vous parlais un soir de mon émerveillement à la vue, tard dans la nuit, d’un groupe de personnes dansant dans la rue au rythme chaloupé du tango… Depuis, il est rare que je parcours la ville à vélo passé minuit sans me mettre inconsciemment en quête de ces danseurs à ciel ouvert, guettant les notes de musique au détour des rues… Depuis aussi, je me suis infomée, par ce vieux besoin si humain de tuer un peu la magie des hasards en obtenant détails et raisons à tout, et c’est ainsi que j’ai découvert le monde fascinant du tango illegal milanais…

Et finalement, le concept est suffisamment déraisonnable et aléatoire pour conserver son pouvoir de fascination en dépit de ma curiosité… Le principe? Les amateurs de tango, de tous horizons et de tous niveaux, s’inscrivent sur une mailing list pour être avertis, souvent au dernier moment, des lieux de rencontre nocturne où partager leur passion. Il ne s’agit pas d’une association ni d’un club, il n’y a pas de cotisations à payer, pas de disponibilité à donner ni d’horaires à respecter, ceux qui en ont envie se joignent au groupe, et dansent jusqu’à ce que leurs jambes ne les portent plus.

Si certains danseurs jouent le jeu à fond, talons hauts, robes à volants et chemises sombres bien boutonnées, d’autres (et pas les moins doués) se jouent des codes et s’élancent en jean, baskets ou même pieds nus sur le marbre poli, chaque couple dans sa bulle, à son niveau et à sa manière, faisant vivre la musique, elle aussi variable, du tango le plus classique aux versions moins conventionnelles, démontrant qu’on peut danser sur tout…

Si les lieux changent souvent, donnant à ces rendez-vous leur petit parfum sulfureux d’illégalité, les seuls contraintes sont un sol lisse et un éloignement relatif des habitation pour ne pas réveiller quelque fâcheux avec la musique.

Je les ai souvent croisés Piazza Affari, la place de la Bourse milanaise, et j’avoue que j’y vois un symbole bien plus puissant que la sculpture de l’artiste Cattelan sensé avoir heurté les esprits, parce qu’au doigt d’honneur du capitalisme aux passants, répond l’enthousiasme d’une foule qui n’a besoin de rien pour vivre sa passion, et faire naître le rêve au coeur de la nuit…

http://www.tangoillegal.org/