Après Le grand art de la petite conversation de Debra Fine qui m’a permis d’éviter quelques écueils rapport à mon problème de sociabilisation verbale lors de discussions informelles avec des inconnus, je poursuis ma quête pour devenir un interlocuteur fréquentable, ce qui m’a amenée à lire récemment 100 trucs infaillibles pour avoir l’air intelligent en réunion de Sarah Cooper. Celui-là, je l’ai reçu en service de presse et j’avoue qu’il m’a beaucoup fait rigoler. Premièrement parce que, du temps où je travaillait en agence, les réunions étaient vraiment les bêtes noires de mon emploi du temps, et que je m’employais généralement à ne pas en être avec un art de l’esquive qui m’a demandé un certain entrainement. Mais aussi parce qu’avec Le Mec, après lecture de quelques extraits, on a vite rebaptisé l’ouvrage « Comment être un connard au boulot ».
Car ce livre sous son titre ironique est d’une indéniable utilité. Si vous souhaitez devenir imbuvable dans votre boite pour commencer, ce livre est parfait! Mais surtout, si vous êtes du genre méritant et fair-play qui souhaite garder des relations saines avec ses collègues, il va vous permettre de reconnaître l’ennemi dans la salle de réunion en deux temps trois mouvements.
Je m’explique avec un exemple : Il y a quelques années, j’avais lu dans un article sur le management ce conseil : quand vous avez un reproche à adresser à un collaborateur, enrobez-le de deux éléments positifs pour le faire passer. Le lendemain même, un jeune prestataire m’envoyait une vidéo de présentation complètement ratée, n’ayant que vaguement respecté le brief et donc pris pas mal de libertés avec ce qui lui avait été demandé. Je m’apprêtais à lui envoyer un mail incendiaire l’exhortant à tout recommencer dans les plus brefs délais (oui, je suis un tyran), quand j’ai repensé à cet article lu la veille.
Voici donc à peu près ce que je lui ai envoyé: Merci pour cette vidéo, nous sommes tous très enthousiastes, c’est parfait! Je ne vois que quelques broutilles à modifier (insérer ici une liste de 40 points), mais hormis ces détails, on est vraiment très contents du résultat et on se fait une joie de bientot pouvoir le partager avec nos clients! Encore merci! Je crois même que j’ai poussé le vice jusqu’à ajouter un petit smiley rieur avant de signer. En vrai, je n’en menais pas large. Soit, le boulot avait été bâclé, mais je lui demandais peu ou prou de tout recommencer, et ça allait lui demander pas mal d’heures de boulot. Cinq minutes après, il me répondait, ravi, un truc comme Oh super, je suis content que ça vous plaise. Je fais tout mon possible pour vous renvoyer une nouvelle version corrigée avant demain midi. C’est vraiment génial de travailler avec vous !
J’avoue, j’ai eu un peu honte (mais j’avoue aussi, une honte teintée d’un sentiment de victoire et de supériorité). On est d’accord que c’est tout bonnement de la manipulation dégueulasse? Depuis cette expérience, je n’ai plus jamais usé de tels subterfuges, c’est promis, mais je reconnais en un clin d’œil ceux qui les utilise ou les ont appris, et je suis devenue très forte pour déceler, sous le courrier élogieux, l’invitation à me bouger pour faire plus vite ou mieux. (Ce préambule est interminable, sorry pour la digression en mode souvenirs de mamie).
Mais du coup, parcourir ce manuel de conseils pour écraser ses collègues devant son patron et briller au détriment des autres en réunion fut un réel plaisir. Ecrit en mode satirique (mais, admettons-le, par quelqu’un qui a dû, soit les observer, soit bien en user pendant sa carrière), c’est une mine d’infos pour se faire remarquer dans sa boite, mais surtout pour repérer (et pourquoi pas neutraliser) les manipulateurs et les boulets au boulot (mais aussi ailleurs, en famille, pendant les réunions de copro, les CA d’asso… )
Je ne peux pas vous énumérer ici toutes les astuces du livre sans spoiler et gâcher votre plaisir de lecture, si d’aventure ce petit guide vous tombait entre les mains. Sachez juste qu’à presque chaque page, vous risquez de reconnaître un collègue, un voisin, un client. Parce que les schémas sociaux qu’on répète toute notre vie (à l’école, en famille, au boulot) sont toujours les mêmes, et que les qualités de leadership impliquent souvent ce qu’il y a de plus détestable dans notre société (compétition, délation, fayotage, plagiat, vantardise etc.) Certains cochent toutes les cases, apprenez à les fuir. Et si c’est de vous qu’il s’agit, bingo, vous finirez PDG, et affublé du surnom de gros con quand vous aurez le dos tourné.
Déjà, il y a tous ces trucs pour se faire mousser ou paraître plus important que vous ne l’êtes : s’asseoir près de la personne qui préside la réunion pour faire croire que vous la co-dirigez, arriver en avance et faire semblant d’être très occupé pour que les autres aient l’impression de vous déranger, faire comme si toutes les infos que vous partagez étaient confidentielles, inscrire des mots-clefs au tableau ou dessiner des diagrammes fumeux ou encore, le must quand vous faites une présentation, demander à quelqu’un d’autre de gérer la projection des slides pour pouvoir émailler votre intervention d’ordres à son intention.
Dans la foulée, il y a les astuces pour fayoter et avoir l’air plus intelligent que les autres : transformez les pourcentages en proportions et inversement, passer son temps à résumer ce que les autres disent, demander des exemples… Autre truc dont je suis fan pour en avoir déjà été témoin : à l’issue de la réunion, prendre en photo le tableau ou les notes collectives comme si vous alliez les synthétiser/vous en resservir un jour. Pire encore, écrire un mail après la réunion pour transmettre ces infos inutiles à tout le monde. (A ce stade, si rien ne vous choque, c’est que le boulet, c’est vous!)
Si vous voulez vraiment vous rendre insupportable aux yeux de vos collègues (mais indispensables aux yeux de votre chef/boss/client), vous pouvez en rajouter une couche en utilisant des mots comme comité, meeting ou debrief pour parler d’une réunion, dire « nous » pour parler d’un boulot dont d’autres se chargent, inventer des rituels pseudo- amusants dans la vie de la boite pour avoir l’air propositif… Et en réunion, vous agiter quand les autres parlent, interrompre l’intervenant pour ensuite l’inviter à poursuivre, et proposer à la fin de la réu à une ou deux personnes de rester pour poursuivre l’échange (en réalité, pour que les autres se sentent exclus).
Ajoutez à cela une hilarante liste de sujets à aborder pendant les dîners d’affaire (et ceux à éviter) et des mimiques à adopter pour se composer un visage de circonstance face à toute éventualité, et vous aurez une idée de ce que ce petit livre complet peut apporter à votre vie en société!