Je sens que je vais dire un truc d’une banalité sans fond (mais c’est justement ça qui est intéressant, pour démontrer l’intérêt de ce qui va suivre), je trouve que c’est super difficile de savoir se présenter en société, de faire bonne impression du premier coup ou même de simplement soutenir une conversation avec des inconnus ou des gens que l’on connait peu. C’est surtout vrai quand on est de nature timide, ou quand, comme moi, on déguise son inconfort sous un déluge d’inepties (Ça ne vous fait jamais ça vous? D’être tellement mal à l’aise que vous vous mettez à raconter n’importe quoi, et plus les gens ouvrent de grands yeux, plus vous perdez pied et en rajoutez?) (Vis ma vie de boulet en société). Bref, je suis tombée récemment sur deux livres qui vont peut-être m’aider (mais comme cet article menace de faire 12 bornes, je l’ai scindé en deux pour plus de digestibilité).
Voici donc le premier, Le grand art de la petite conversation de Debra Fine. Je l’ai depuis un moment et j’ai un peu tardé à l’ouvrir, mais vu ma dernière expérience en date lors d’un vernissage où j’ai trouvé super rigolo d’énumérer à un inconnu les boulots les plus pourris que j’avais fais (bizarrement, ça me met moins mal à l’aise qu’un discours commercial énumérant mes expériences ou « succès » qui me donnerait l’impression de me vanter), je crois que j’ai bien besoin d’un coup de main sur la question. Ancienne ingénieure peu à l’aise en société, l’auteure se propose ici de partager les astuces qui l’ont peu à peu amenée à maîtriser la « petite » conversation, c’est à dire l’art et la manière d’engager et d’alimenter une discussion.
On ne peut pas dire que j’ai accroché à tous les conseils. Les idées d’entrée en matière m’ont semblé minables pour la plupart (Que faites-vous dans la vie, Quel est le dernier film que vous ayez vu* et autres Comment savez-vous si ce melon est mûr ?!?) D’autres trucs m’ont laissée sceptique: Demander son nom à son interlocuteur et l’employer fréquemment pendant la discussion, je trouve ça flippant**, noter des détails perso (un logo, une carte de membre ui dépasse d’une poche, une adresse perso sur un document) et s’en servir pour alimenter la conversation, je trouve ça flippant aussi, abuser de la flatterie ou de l’éloge pour paraître sympathique, aussi.
De plus, Debra Fine s’adresse aux gens qui souhaitent apprendre à mieux communiquer pour draguer ou faire du business, mais traite les deux situations comme identiques alors que, selon moi, l’approche n’est pas exactement la même (Dans le genre, simuler la curiosité sous prétexte que « plus vous témoignez d’intérêt [à votre interlocuteur], plus vous [lui] semblez intéressant » me semble une entrée en matière peu recommandable).
Mais voici quelques trucs que j’ai bien aimé:
-Il ne faut pas hésiter à engager la conversation avec des inconnus : il y a de grandes chances pour qu’ils soient aussi timides que vous, et tout aussi tétanisés à l’idée de se lancer. Ils vivront votre intervention comme un soulagement et vous sauront gré d’avoir fait le premier pas. De plus, on n’est d’accord que ça n’a aucun sens d’aller quelque part en espérant rencontrer des gens si c’est pour rester avec les personnes que vous connaissez déjà (que celui qui n’a jamais passé une soirée « réseautage » à se planquer avec un pote derrière son verre me jette la première bière). Mais l’argument qui m’a vraiment convaincue, c’est celui-ci: en faisant le premier pas, vous choisissez votre interlocuteur au lieu d’être « choisi » par quelqu’un de plus entreprenant qui, certes, vous mettra à l’aise, mais peut très vite s’avérer être un boulet, et dont vous pourriez avoir du mal à vous débarrasser.
–La timidité passe souvent pour du snobisme ou de l’arrogance. Ça c’est intéressant dans mon cas, parce qu’on m’a souvent reproché mon silence en mode : « elle se croit supérieure » (Je ne parle même pas de la mère de cette copine de fac qui racontait à qui voulait l’entendre que j’avais « une attitude et un regard glacial » (resting bitch face power!) Dans le même temps, ça m’a rappelé certaines connaissances dont j’ai souvent déploré un supposé mépris à mon égard, alors que ces gens étaient peut-être seulement mal à l’aise (ou intimidés par mon regard glacial? qui sait!)
-Quand vous avez oublié le nom de quelqu’un (voir oublié qui c’est), autant l’avouer tout de suite plutôt que de louvoyer entre formules impersonnelles et astuces pour le pousser à se re-présenter… De même, si vous voyez votre interlocuteur dans le flou, mettez-le à l’aise et re-présentez vous, vous gagnerez du temps et il vous écoutera plus attentivement que s’il est en train de se demander intérieurement comment vous vous appelez et où vous vous êtes précédemment rencontrés)
-Dans le genre évident mais pas inutile à rappeler, posez des questions ouvertes plutôt que fermées, évitez les questions dérangeantes (t’es toujours pas marié?, t’as pas pris du cul? et autres toujours pas de boulot?) mais ne faites pas non semblant de ne pas remarquer un accent prononcé ou une jambe cassée. Ne dites pas de mal des absents, évitez de commenter le prix des choses et aussi, de répondre à la question « Quoi de neuf? » par un décevant : « Pas grand chose » qui plombe d’emblée la discussion. (Essayer de trouver un truc inédit peut s’avérer difficile, mais représente un défi personnel intéressant dans tous les cas).
-Sinon, j’ai bien aimé les astuces pour apprendre à interrompre une conversation sans sembler malpoli, s’insérer dans un groupe en pleine discussion ou encore pour quitter un palabre ennuyeux sans vexer personne.
-Mais surtout, ce que j’ai adoré, c’est découvrir en quoi je suis moi aussi, parfois, une interlocutrice difficile et peu amène. (C’est un peu le concept des livres de développement personnel, tu crois régler un problème et tu t’en découvres d’autres!) Parmi les archétypes de boulets relationnels proposés, je me suis reconnue dans au moins deux portraits: le « supérieur », celui qui surenchérit sur ce que vous dites avec mieux, plus incroyable, plus inédit (c’est sans doute le versant maléfique de mon penchant pour les bonnes histoires, mais ajouté à mon regard glacial, j’ai peur que ça ne fasse un peu trop), et le « coupeur de parole » (mea culpa, je reconnais que ça m’arrive de vouloir que la conversation aille plus vite, je parle à un débit invraisemblable et j’ai tendance à vouloir que tout le monde face de même)(Par exemple je suis incapable d’écouter une émission de radio où des auditeurs interviennent par téléphone, je les trouve toujours longuets, pas assez concis, qu’ils n’en viennent pas au fait, et ça m’exaspère encore plus que leurs avis, pourtant souvent discutables).
Bref, j’ai appris deux trois trucs pour m’améliorer, mais j’ai encore du chemin à faire pour devenir un interlocuteur fréquentable! Et vous, ça vous pose problème de parler à des inconnus? Racontez-moi vos rencontres ratées, vos silences gênés, vos entrées en matière loupées! Qu’on en rigole un peu, à défaut d’assurer dans l’art de la petite conversation !
A plus dans l’bus! (à terroriser des inconnus avec mes histoires supérieures et mon regard de glacier ^^)
*En général je hais les discussions sur le cinéma avec les gens. On dirait qu’ils vont voir des films uniquement pour avoir quelque chose à dire, mais comme ils en disent tous la même chose on pourrait se contenter de lire Télérama pour savoir ce qu’ils vont en penser.
**à Milan, dans une rue du centre, des adeptes de la scientologie alpaguaient les gens pour échanger avec eux. Je ne me suis arrêtée qu’une seule fois, mais après, pendant des années, à chaque fois que je passais par là, le même type m’interpellait par mon prénom avec une voix de robot, comme s’il faisait défiler son fichier de reconnaissance faciale intérieur jusqu’à me retrouver. Bref ne faites pas ça, c’est flippant je vous dis.