Ah ah! Je voulais ralentir sur le thème cuisine, mais vous m’avez supplié de vous raconter ma journée d’hier au congrés des chefs (et je sens qu’à la vue du numéro entre parenthèse dans le titre vous commencez à le regretter hmm?), donc me voilà de nouveau en tablier, rouleau en main, pour vous parler cocottes, temps de cuisson et aromates… On commence avec le thème que j’ai suivi le matin, les pâââtes, avant d’enchaîner sur le sujet traité dans l’après-midi, la pâtisserie et en particulier le chocolat…
Je débarque en novice avec mon bracelet-badge rose, m’attendant à me retrouver au milieu de mitrons et matronnes (une sorte de congrés des Maîté), mais me voilà entourée d’élégants et d’alertes maigrichonnes avec des sacs léopards et des Ipad en guise de block-notes… Tout le monde se connait, de critiques en blogueurs, de journalistes en oenologues de renom… Quant à moi, je ne connais même pas les chefs (heureusement que de temps en temps quelqu’un cite Gagnaire ou Hermé, faisant vibrer en moi la flamme patriotique d’inculte de la gastronomie…)
Ceci dit, en matière de pâtes, on ne me la fait pas, et c’est de pied ferme que je vois s’avancer Andrea Aprea, chef du restaurant Vun du palace Park Hyatt à Milan… Un type qui a fait le tour du monde pour finalement venir nous parler d’omelettes aux pâtes (hein?) et faire cuire en direct des linguine dans de l’extrait de chou rouge, pour la couleur mais aussi, je cite « pour leur donner un léger goût de terre »… (rassurez-vous, de cuisine paysanne point, puisqu’à la fin le tout est servi sur un lit de crême de burrata et parsemé de germes de cresson et de lamelles de caviar de hareng fumé…) Le type est un vrai pro, il roule les linguine dans une louche comme pas deux pour former de jolis nids dans les assiettes, joue d’une incroyable machine japonaise à faire de transparentes lamelles de navets (si fines qu’elles n’ont qu’un côté, comme dirait mon père pour les rondelles de saucisson), et même si parfois il s’égare un peu en palabrant au sujet de sa mère (italian style), quand les assiettes de dégustations sont prêtes personne dans le public ne se fait prier, bien qu’il soit à peine 11h, pour jouer les testeurs…
Mais on enchaîne (quelqu’un à des pastilles digestives?) avec Nino Di Costanzo, chef du restaurant gastronomique Il Mosaico de l’hotel Terme Manzi à Ischia, venu lui aussi nous faire des pâtes (chic alors!)… D’emblée il nous parle de la cuisine de sa mère (tiens donc), après quoi il annonce sa recette, des pâtes à la patate (pas léger soit, mais peut-être plus facile à reproduire chez soi que les dentelles de navets citées plus haut). Hélas la simplicité des ingrédients n’implique pas forcément une réalisation aisée: l’execution de celle-ci demande 25 types de pâtes différentes, avec chacune un temps de cuisson différent, et 15 types de patates… (je me disais aussi, devenir chef dans un grand hotel et servir des pâtes et de la purée, c’était louche) Et si je vous dis que le tout sera ensuite servi avec une crême de parmesan et de mozzarella de buflonne fumée, vous me dites? Que vous avez faim? Moi aussi (oubliées, les pâtes au chou rouge, aboule l’assiette de dégustation!)
Pendant ce temps, j’apprends aussi des choses, qu’il faut absolument goûter les pates tréfilées au bronze lors de la cuisson par exemple, parce que l’usure des éléments de tréfilage implique des épaisseurs différentes des pâtes, et que j’ai vraiment manqué quelque chose en n’ayant jamais testé la fameuse omelette faite au petit déjeuner avec des restes de pasta… (c’est pourtant la 1ère fois que j’en entends parler, ils ont grandit dans la même famille ou quoi?) Bref, le chef continue son travail, et tandis qu’il nous raconte qu’il part le lendemain pour l’Arabie Saoudite, où il va tenter d’inculquer des rudiments de cuisine italienne (celle des pâtes, principalement) aux 20 femmes d’un harem, il nous dresse une assiette tout en couleur qui déchaîne la frénésie des photographes et food stylists, des rondelles de patates en veux-tu en voilà, des virgules de crême de patates roses à foison et des noisettes de mousse de patates blanches cuites au lait de bufflone par-ci par-là…
Mais TADADA voilà que se profile à l’horizon le 3ème chef de la matinée (burps), Francesco Sposito, chef du restaurant Estia à Brusciano près de Naples… Je constate que, si le matin le public était essentiellement constitué de mecs, là il est 13h et y’a plus que des nanas (faut pas déconner, c’est l’heure du déj) (mais ne me dites pas qu’ils sont allés manger?!!)… Et puis, euh, une question, ils ont tous moins de 25 ans les chefs ou bien? (les vapeurs de chou, ça conserve on dirait)
Tandis qu’on nous annonce deux plats, pasta-fagioli et pasta-piselli (version aux petits pois ou flageolets) et que je sens l’engourdissement me gagner, l’énergie du chef me réveille: il fait un bruit incroyable avec ses casseroles (je me rends compte alors à quel point les autres ont été silencieux), râle à propos de la machine à pâtes enraillée et peste contre les plaques à induction… Ah, ça me plait ça, un type qui veut de la flamme, que ça grésille, que ça tempête et fume! (autre chose que l’autre avec sa râpe japonaise de précision) En plus il est sans assistant sur scène et il s’affaire comme un fou avec ses flageolets et ses casseroles de bouillon (et il parle de la cuisine de son père, lui), tout en nous précisant que la pasta corta (les petites pâtes) ne contient pas la même quantité d’amidon que la pasta lunga (les grandes pâtes), en expliquant comment stériliser les fruits de mer et en insistant sur la supériorité de la moule femelle sur le mâle (quand je vous disais qu’il me plaisait) (pour info, la femelle est orangée et le mâle blanchâtre)…
Finalement, avec tout ça, il va nous faire une sauce de valves de moules femelles (hein?) (10kg de moules pour obtenir 400g de sauce, ça se mérite les pâtes!), sauce qui parfumera délicatement la pasta-fagioli… Il râle toujours et s’adresse à ses collaborateurs en coulisses sans chuchoter (vous imaginez, « ouais, Robert, tu me passeras l’écumoire et la grande louche? »), et manque même de faire déborder son bouillon… (mais je vous rassure, c’est pas un imposteur, il a quand même les mains inifugées et prends à bras le corps les marmites bouillonnantes…)
Au final, on obtient un plat de minestrone pasta-fagioli aux moules et parmesan qui m’a l’air fameux, et des pâtes dont je vais m’empresser de tester la recette: des tagliatelles (semoule fine + farine de blé tendre + farine de petits pois 30%) revenues dans des échalottes et parsemées de jambon cru séché émincé… (sauf que moi, je vais peut-être pas cuire les échalottes à 70 degrés pendant 4h hein). Et même s’il n’est pas ravi de sa prestation et que sa minestre manque selon lui de crémeux, il a été à mon avis le chef le plus sympathique de la matinée!
Je remets à plus tard le récit de la partie sucrée de la journée, vous êtes rassasiés là non? (on tient là le post le plus long de l’histoire du blog, je le crains…) Et pour ceux qui veulent voir des photos des plats plus en détail, en attendant qu’elles apparaissent sur le site officiel, allez voir par ici…
Tu me fais souffrir Flou. J’ai une faim épouvantable à te lire. Mais une faim pas gargouillante: une faim de gourmande. Ne me demandes pas pourquoi je vais me faire cuire des pâtes illico. J’ai failli ne pas terminer l’article…
@Eudoxie: attends, t’as encore rien vu, avant demain je vous poste la suite, le dossier chocolat!
J’adore!
Vivement les prochains épisodes…
Femelles orangées, mâles blanchâtres ? Alors pourquoi dans un même lot ont-elles toutes la même couleur ?
Non, franchement, sans avoir un BTS mytiliculture je crois pouvoir affirmer que la couleur dépend de la variété et surtout de la provenance (probablement en lien avec l’alimentation).
Bon, comme j’aime pas dire de bêtises en matière de cuisine, j’ai fait une recherche. En fait ce sont les gonades (les glandes sexuelles) qui ont une couleur différente selon le sexe. Mais alors là, je souhaite bien du courage à qui voudra trier les mâles et les femelles !
@Mag à l’eau: hum… tu crois qu’on nous aurait menti? Dans tous les cas, je crois que ça ne lui ferait pas peur, au chef, de trier les moules par couleurs de gonades, vu qu’il sépare déjà la partie « valve » de la moule de la partie « chair »…