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Je vous l’ai déjà dit cent fois, je suis une gaga du train. Je ne sais si je tiens ça de mon grand-père qui en conduisait (instant généalogie façon Rougon-Macquart!) ou à mon passé de voyageuse transalpine effrénée, mais c’est un univers qui m’a toujours fascinée. J’aime les buffets de gare à l’ancienne et les panneaux d’affichage à palettes (le bruit des palettes qui tournent a longtemps fait ma joie dans la gare de Milan), j’aime la signalétique, le bruit des trains et les voix enregistrées qui invitent à s’éloigner du quai, les consignes à numéros et les fleurs qui poussent sur les voies l’été. Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance de pouvoir visiter l’Hôtel Mercure Château Perrache, un hôtel 4 étoiles de Lyon classé monument historique mais surtout, ancien Terminus très chic de la gare de Perrache.

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Si l’hôtel a été rénové, il garde un indéniable cachet historique, auquel n’est pas tout à fait étrangère la présence d’un concierge à l’ancienne*, casquette en tête et accueil parfait, qu’on soit habitué des lieux ou simple curieux. Sylvain Rodriguez, personnage à la Wes Anderson s’il en est (je n’ai pas osé lui demandé s’il avait vu le Grand Budapest Hôtel, mais je suis sûre qu’il n’a pas été insensible au professionnalisme du concierge incarné par l’impeccable Ralph Fiennes), c’est lui qui m’a guidée dans les différents salons et a contribué à transformer ce qui ne devait être qu’un bref passage (j’étais en réalité plutôt invitée à visiter l’une des suites à peine rénovées) en une plongée dans une autre époque, où d’autres goûts, d’autres mœurs avaient cours, dans la légende d’un Grand Hôtel du XXe siècle incarnant une certaine idée du voyage et confronté aux vicissitudes de l’histoire et de l’économie…

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Car si aujourd’hui cet hôtel du groupe Accor constitue une simple halte confortable pour voyageurs de passage, si la suite visitée est spacieuse et décorée avec goût, on imagine sans peine que ce n’est rien comparé aux fastes qui ont fait l’histoire du lieu, et le contraste avec les vestiges art nouveau disent assez les outrages du temps et la volonté de changement des différentes directions qui se sont succédées.

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Inauguré en janvier 1906 et alors propriété de la compagnie de chemin de fer PLM, l’hôtel était à l’époque un vrai modèle de modernité: éclairage électrique, ascenseurs, structure inédite en poutrelles métalliques, chauffage moderne… Aménagé et décoré par les grands artistes du début du siècle (les lorrains Majorelle et Gallé mais aussi les peintres Ernest Laurent et Henri Martin, le sculpteur Boutry) en un déluge d’ornements, bibelots, boiseries et peintures, il représentait ce qui se faisait de mieux en matière de décoration fastueuse, et le comble du chic pour la bourgeoisie locale et les voyageurs mondains…

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Si la réquisition par la Gestapo sous l’occupation va signer la fin de la belle époque du Terminus, il semblerait que, même après la libération, ce ne soit l’air du temps le vrai responsable du lent déclin de l’établissement. Et le concierge parle avec semble-t-il une pointe de regret d’une époque qu’il n’a pourtant pas connue, de la fin des « transhumances avec majordome […] et les dizaines de malles », du changement des standards de confort. Quand on privilégie la douche privative au tapis persan, il faut bien renoncer à un certain faste de façade et entériner quelques aménagements. (Sérieux, vous donneriez combien pour une nuit à l’ancienne, dans les courants d’air certes, mais dans cette atmosphère de vieilles malles, de meubles d’acajou, une soirée au son des trains qui freinent et un petit déj avec vue sur les squares du Cours du midi?)

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De changement d’enseignes en rénovation, le Terminus va voir s’émietter son âme et même finir par perdre son nom. Devenu « Hotel Mercure Lyon centre château-Perrache » (pourquoi faire simple?), il va peu à peu redorer son blason à la lueur de réfections plus respectueuses de l’histoire des lieux, d’une connexion wi-fi et d’écrans géants. En trainant en bas à la réception, j’ai entendu d’anciens habitués demander ce qu’était devenu le jardin d’hiver, rêvassé devant la salle du petit déjeuner et, tournant volontairement le dos aux machines à café, tenté un instant d’imaginer à quoi pouvaient ressembler la pièce avant que la moquette ne couvre le parquet, avant les sucres emballés et les serviettes en papier.

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En levant le nez, ça devient plus simple, et si les belles des fresques sourient aux lustres d’une autre époque, surplombent des extincteurs et des tabourets designés, on n’en respire pas moins un léger parfum de mystère… Celui d’un lieu de passage façonné par les années, mi-réel mi-fantasmé, où tant d’histoires se mêlent et peuvent encore arriver.  Je suis d’ailleurs parfaitement certaine que ce n’est pas un hasard si, dans les feuillets de présentations qu’il a lui-même rédigés, le concierge mentionne des détails propres à éveiller la curiosité des plus blasés: des rails dissimulés dans les fondations de la construction aux petites cours mystérieuses du 1er étage dont nul n’a encore su déterminer l’utilité, cet homme (à qui je prête probablement des intentions un peu romancées) cultive avec un savoir-faire parfait le mythe du Terminus, grand hôtel illuminé à marquise en fer forgé tout droit sorti du brouillard lyonnais…

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Hotel Mercure château-Perrache – 12 cours de Verdun Rambaud – Lyon (chambre Privilège de 119 à 310, petit déjeuner 18,90)