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Il est grand temps de faire un petit point sur mes lectures du moment. Parce qu’il y en a plein, et qu’elles sont trop bien. Voilà. Je ferais un sacré critique littéraire non?! Ces derniers mois, insomnie et frénésie de lecture m’ont amenée à faire un truc que je ne faisais plus que rarement depuis mon retour en France et mes heureuses retrouvailles avec les bibliothèques : entrer dans des librairies et n’en ressortir que quand la pile dans mes mains menace de s’effondrer. C’est une pratique certes onéreuse, mais assez jouissive, et je trouve extrêmement réconfortants ces deux grands tas près de mon lit qui, comme de vieux amis, n’attendent qu’une minute de distraction pour m’accaparer.

J’ai beau lire vite et dormir peu, je peine à tenir le rythme, et c’est comme si chaque livre lu était aussitôt remplacé par deux nouveaux prétendants. Le festival Quais du polar qui s’est tenu à Lyon fin mars n’a fait qu’aggraver la situation (quelques nuits blanches en perspective, pour changer), et les gens trop bavard du train pour Milan ne m’ont pas laissé assez de répit pour achever les lectures emportées pour la design week.

En attendant l’issue de cette bataille perdue d’avance, voici ceux qui m’ont accompagnée ces dernières semaines:

paul auster roman new york

Paul Auster – Trilogie new-yorkaise : C’est un certain Simon qui lors d’un vernissage m’a parlé le premier de cet auteur. Je ne sais pas comment j’ai pu passer à coté toutes ces années, car depuis c’est une véritable obsession (je vous ai déjà dit que j’avais une nature portée à l’addiction?). Je lis tout ce que je trouve de lui (et il a beaucoup écrit), j’ai vu les films Smoke et Brooklyn Boogie sans reprendre mon souffle (si si c’est possible), écouté toutes les interviews dispos en ligne (et autant vous dire qu’il y en a 2-3) et je vois des signes qui me ramènent à lui partout. C’est comme s’il avait fait partie de ma vie avant que je sache qu’il existe, et que depuis je revoyais mon existence se jouer à travers le prisme de ses livres (vous savez, comme quand à la fin d’un film où on a une révélation, on se remémore chaque instant et on interprète tout différemment?) (je vous ai dis que je manquais de sommeil?). Bref, je ne saurais même pas vous dire pourquoi j’ai autant aimé ce livre (je vous ai prévenus en intro que je ferais un critique fameux) ni s’il fait cet effet-là à tout le monde, mais dans le doute, je ne peux que vous conseiller d’essayer, ce serait dommage de passer à coté.

enfance edouard louis

Edouard Louis – Pour en finir avec Eddy Bellegueule : Trois milliards d’années après tout le monde, je l’ai enfin lu! (et je l’ai conseillé à tout le monde, comme pour me faire pardonner). Je suivais déjà l’auteur sur Twitter (oui, je suis aussi accro à Twitter) donc je connaissais le sujet, mais j’ai quand même pris une claque en le lisant. Et pour l’anecdote, lorsque je l’ai cherché en librairie son nom m’échappait donc je ne savais pas à quelle lettre chercher, j’ai donc erré un moment avant de me souvenir que c’était un nom qu’il s’était choisi, donc forcément un super nom. J’en étais là à regarder dans le vide quand ça m’est soudain revenu, c’est le même que moi! (Je vous ai dis que je dormais peu?)

beat generation kerouac

Jack Kerouac – Les clochards célestes : J’ai beaucoup pensé à Kerouac dernièrement. Parce qu’une amie m’a parlé d’un article qui démontait toutes ses prétentions musicales; en gros, le mec n’était pas si calé qu’il voulait bien le faire croire dans ses livres. Et puis aussi, cet article m’a appris qu’il était breton d’origine et s’appelait en fait Jean-Louis. (On est d’accord que c’est un peu la loose? J’veux dire, pour une icone américaine, y’a pas de mal à s’appeler Jean-Louis quand on n’est pas le chef de file de la beat generation). Bref, comprenne qui pourra, ça m’a donné envie de relire Kerouac.

J’ai donc acheté Les clochards célestes dans une librairie d’occasion (avec des John Steinbeck dont parlait aussi l’article et dont je vous conseille par ailleurs de regarder le reportage sur la traversée des Etats-Unis en 1960). J’ai mis un peu de temps à accrocher au récit et à me prendre de sympathie pour la bande à Jean-Louis et ses délires écolo-mystiques, mais très vite la petite musique a fait son oeuvre et, de rencontres sur la route en pique-nique en haut des montagnes, la magie est revenue. Finalement, on s’en fiche un peu qu’il tripe sur le bouddhisme et le jazz sans être un expert, et on s’en fiche même qu’il ne soit pas si bon marcheur, qu’il râle dans les montées et ait des ampoules aux pieds. Car ce qu’on aime c’est son exaltation, son envie d’être ailleurs et meilleur.

recueil david sedaris

David Sedaris – Le hibou dans tous ses états : Ça fait longtemps maintenant que je vous parle régulièrement de David Sedaris, auteur américain déjanté qui chronique sa vie avec beaucoup d’humour et sans aucune retenue. Il n’épargne rien ni personne (ses parents, ses voisins dans l’avion, ses voisins…) et surtout pas lui même (sa passion pour les araignées et les trucs empaillés, son obsession pour les détritus, sa récente coloscopie…). J’avoue qu’avec le temps, ce sont souvent les même ficelles qui sont agitées et certains sujets s’épuisent un peu. Il n’empêche, il y a toujours des passages qui me font rire aux larmes, et rien que pour ça, ça vaut d’y consacrer quelques trajets en bus ou une soirée.

raymond chandler polar

Raymond Chandler – Le grand sommeil : Il y a fort longtemps, une copine qui quittait Milan m’avait offert son exemplaire de Sur un air de Navaja du même auteur, que j’avais beaucoup, beaucoup aimé (et dont j’avais parlé ici). Tout récemment, j’ai été photographe pendant le festival Quais du polar à Lyon et tout le monde, je dis bien tout le monde, n’avait que Chandler à la bouche. Il semblerait d’ailleurs que ce soit l’auteur favori d’au moins la moitié des auteurs invités au festival cette année. Ni une ni deux, j’ai profité d’une conférence dans une librairie pour alourdir mes poches (avec Raymond Chandler donc, mais aussi Marguerite Duras et Romain Gary pour qu’il patiente en bonne compagnie).

Je ne savais quel volume choisir dans la série du détective Philip Marlowe, et pour tout vous dire j’ai failli opter pour The Long Goodbye, avant de découvrir que c’est le titre nouvellement donné à Sur un air de Navaja, le dernier de la série (et que donc j’avais déjà lu, vous suivez?). Bref, j’ai opté pour le tout premier, traduit en 1948 par Boris Vian. Et je dois dire que mon avis est un peu partagé. Comment vous dire? Il me semble que je le lis 70 ans trop tard. Car s’il est devenu culte, c’est qu’il est l’archétype du roman noir mettant en scène un détective cynique évoluant dans la bonne société. Du coup, à sa lecture, tout parait cliché ou réchauffé, alors qu’en fait, on est ici aux sources même du genre. Donc si vous aimez les planques, les hommes de main patibulaires, les flingues et les filles sensuelles et mystérieuses, ça devrait vous plaire!

trilogie bill hodges stephen king

Stephen King – Fin de ronde : J’ai été très sage et j’ai attendu sa sortie en poche (plus par souci d’alignement au moment du rangement que par principe) pour découvrir la suite des aventures de l’inspecteur Bill Hodges, une trilogie qui avait débuté avec Mr. Mercedes et Carnets noirs. J’avais beaucoup aimé le premier avec son personnage de terrifiant méchant, le deuxième m’avait un peu déçu en partant sur une autre histoire parallèle et j’attendais donc avec fébrilité ce troisième opus avec le retour du vénéneux Brady, revenu d’entre les morts ou presque pour semer la terreur.

Je suis assez partagée sur cette trilogie parce que le personnage principal, Bill, est un peu stéréotypé et ne réussit pas à me convaincre (alors que les autres personnages du roman sont épatants). Mais le méchant put***, le méchant est si machiavéliquement parfaitement construit qu’il rachète tout le reste, et ce troisième volume est clairement son roman. Je ne sais pas trop comment vous en parler sans trop vous en dire, sans vous parler de petite musique et de poissons roses, de stores qui cliquettent et de tempête de neige. Et surtout sans vous dire comment a fait cet enfoiré de Brady, avec son cerveau réduit en bouillie à l’issue du tome 1, pour revenir hanter Hodges, les Robinson et Holly.

nouvelles tonino benacquista

Tonino Benacquista – Nos gloires secrètes : Encore un habitué des instants culturels, puisque je suis clairement fan de cet auteur. Le seul bémol pour moi a été Saga, qui pour d’incompréhensibles motifs est le préféré de beaucoup de monde. J’ai tenté de le relire récemment et, décidément, c’est nan, mais ça m’a donné envie de voir en librairie si une autre pépite avait pu m’échapper, et c’est comme ça que j’ai dégoté Nos gloires secrètes, un recueil de nouvelles que j’ai lu d’une traite. Chaque histoire est centrée sur un personnage qui détient un secret ou, comme l’a très justement dit un lecteur sur Babelio: « Les personnages de ces six histoires ont un point commun : leur vie intérieure est bien plus exaltante que leur vie quotidienne ». C’est une très jolie façon de dire que chacun est un roman, que l’on n’imagine pas ce que peut cacher le visage d’un inconnu ni quels tourments il peut dissimuler. Et puis il y a l’écriture, toujours aussi parfaite, sans un mot de trop, sans clichés, un vrai bonheur de lecteur!

cinstant culturel completement flou relire

Et comme si ça ne suffisait pas, j’ai relu pas mal de livres déjà lu il y a quelques années. Je ne fais pas ça souvent, et je devrais! Seul habitué de l’exercice, Adieu Gary Cooper de Romain Gary, que j’ai bien lu 7 ou 8 fois et qu’il me semble redécouvrir à chaque fois. Ça m’a donné envie de relire Le grand vestiaire et L’angoisse du roi Salomon du même auteur qui, eux aussi, à la première lecture, m’avait fait forte impression.

J’ai donc comme annoncé plus haut aussi relu Saga de Tonino Benacquista, mais également les premiers chapitres d’Un début à Paris de Philippe Labro (dont j’avais parlé ici), toutes les histoires de Musique pour caméléons de Truman Capote (que j’aime toujours autant et qui m’a donné envie de me frotter à son chef d’oeuvre De sang froid), et aussi Colorado Kid de Stephen King parce que Le Mec l’a lu il y a peu et je me suis rendue compte que je n’en avais pas un souvenir bien vif, voilà qui est réparé! Je trouve ça carrément génial de lire des livres qu’on a lu il y a plusieurs années, c’est une expérience complètement différente, certaines choses vous reviennent au fil de la lecture et d’autres sont complètement nouvelles! Je ne me priverai pas de piocher à l’avenir dans ma bibliothèque (vu que je donne ou revend les livres qui ne m’ont pas spécialement marqué, on peut dire que j’ai une sorte de bibliothèque idéale), à condition que je parvienne aussi à avancer sur les non-lus qui me narguent en continu…

Mais dites-moi plutôt, que lisez-vous? Ça vous arrive de relire vos livres préférés? Si oui donnez-moi les titres, je me ferais fort lors de ma prochaine virée en librairie de les adopter!