Sans vouloir me vanter, quand je vais voir une expo deux fois à moins d’une semaine d’intervalle, il y a des chances pour qu’elle soit plutot bonne… C’est le cas de l’excellente initiative de la Fondation Nicola Trussardi, qui a invité l’artiste français Cyprien Gaillard à investir la caserne XXIV Maggio à Milan pour y exposer ses travaux dans l’enceinte de l’ancienne boulangerie militaire…
Oui, vous avez bien lu, la boulangerie militaire… Sorte d’enfilade de fours monumentaux d’où l’on sortait le pain destiné à l’armée lombarde, ainsi qu’aux milanais pendant la seconde guerre mondiale. Lieu inspirant s’il en est, idole à la fois d’un temps révolu et d’une magie immuable, celle du pain erigé en symbole.
Du pain béni pour l’artiste dont les thèmes de prédilection, la décadence, les lieux abandonnés et l’effet du temps sur les symboles, se prètent à merveille à la symbolique de l’espace. Passé le premier four, on entre dans une sorte de sas à la musique hypnotique, et l’exposition toute entière fait figure de passage, de la réalité au symbole, du monument à la ruine et du passé au présent. Et tandis que des plaques en fonte décalquées invitent au voyage immobile, des cartes postales anciennes feignent un vieillissement accéléré qui s’apparente à celui du sujet représenté dans sa probable réalité. Les images d’archives (autre temps) cotoient des fragments de météorites (autres lieux) et se répondent dans un jeu d’écho de l’histoire de l’humanité accélérée.
Les installations vidéos filent aussi la métaphore de la dégradation, et tandis qu’à l’éboulement d’un immeuble répond la chute d’eau d’une cascade, symboles identiques de la fuite du temps, accélérée ou perpétuelle, des voiles de poussière au vent après une explosion laissent apparaitre un paysage hors-temporalité, à la fois bouleversé mais inchangé.
L’ambiance est religieusement studieuse dans pièces centrales, aménagées en musée, en cabinet de curiosité dont le sujet serait l’image. Une succession de polaroids rassemblés par analogie, plus ou moins évidentes, semblent recréer, là encore, une sorte d’histoire de l’humanité par ses paysages, urbains, naturels ou casuels, dans un dialogue entre contraste et implacables rapprochements.
Un regard à la fois affuté et poétique, sorte de requiem de la destruction et du temps qui passe au travers des symboles de la civilisation. Car si ce qui intéresse l’artiste ce sont les ruines, les restes et les traces, ce n’est que pour mieux déceler l’essence meme des icones du présent, son socle, sa carcasse. Et si ce qui semble dominer ce sont les lieux, les scènes inanimées, ces abstractions n’ont de sens que parce qu’elles matérialisent ce qui, dans le coeur humain, a conscience du temps qui passe…
Rubble and Revelation de Cyprien Gaillard – Caserma XXIV Maggio – via V. Monti 59 – Milano (jusqu’au 16 décembre 2012)
J’avais vu cette expo à Pompidou, elle était vraiment sympa!
Youpi youpi, je vais aller y faire un tour ce week-end ! Merci Flou !
@Hooorelie: tu vas voir c’est top! tu me diras ce que tu en as pensé!
Son nom me dit quelque chose… Qu’a-t-il fait d’autre?
@Violette: des tas de trucs ^^: http://www.bugadacargnel.com/fr/pages/artistes.php?name=6564&page=portfolio
Superbe expo !! Et quel lieu…
@Hooorelie: ravie que ça t’ait plu! et puis je ne sais pas à quelle heure tu y es allée, mais ces filtres sur les fenetres qui te donnent l’impression d’etre à la nuit tombée en pleine journée, que effet de hors-temps! Saisissant à la fois en entrant et en sortant!
ils ont le chic pour récupérer les espaces: ici on aurait démoli et transformé en appartements de rapports rénovés
il ya aussi un lieu à Rome ou ils ont transféé les pièces les moins belles d’un musée antique dont le nom m’échappe..l’ancienne usine d’electricité; çà donne des vues pas possibles un guerrier en pierre près d’une énorme turbine..etc..hélas en France ce genre depatrimoine a été souvent restauré en habitation pour bobos.l’ancienne prison de la ville va être transformé en hotel de luxe! on enlève le patrimoine aux gens; au peuple
@stanescu: j’ai déjà vu des images de la collection dont tu parles, le contraste étaitr en effet saisissant! Quant aux beaux endroits réservés aux riches, ce n’est malheureusement pas nouveau! :-/