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Petite revue des livres lus dernièrement… pas de score pour ce qui est du nombre, malgré plusieurs déplacements en train qui auraient du réduire à néant mon stock de livres en cours… la raison? pas de découvertes particulières ni de chefs d’oeuvres à feuilleter fébrilement jusqu’au bout de la nuiiiiit (j’ai assisté à un mariage le week-end dernier, d’où les immanquables Emile et Image dans ma tête). Néanmoins on trouve quelques belles lectures dans la liste des livres lus en mai, qui suffisent à contrebalancer ceux que je peine encore à finir…

Le dernier nabab de Francis Scott Fitzgerald. Vous connaissez mon admiration pour le grand Fitzgerald (la papote va encore râler, je n’en ai cure!). En commençant ce livre, je savais déjà que j’allais au devant d’une petite frustration: le livre n’ayant pas été achevé du vivant de l’auteur, la dernière partie consiste en suppositions, compilations de notes et affabulations diverses sur la suite à donner à l’histoire (lecture souvent pénible, ceux qui ont tenté de lire le traité de civisme d’après les notes de Boris Vian peuvent en témoigner). Fort heureusement, la partie achevée du livre vaut vraiment la peine, et je dirai même que le contraste entre cette première partie pas si inachevée et la fin qui se borne à énoncer sans style la suite des péripéties ne fait que mettre en évidence le talent de l’écrivain qui, au delà de l’histoire même, sait créer une ambiance, faire vivre des personnages et susciter à leur encontre divers sentiments, de l’admiration à l’impatience. Et puis, ce qui me gêne parfois chez Fitzgerald, ce sont les effets de style. Or ici, vu qu’il voulait vraissemblablement leur donner corps ultérieurement, il n’y en a pas, ce qui ne fait que rendre le texte plus fluide encore. Mais revenons à l’ambiance: les studios d’Hollywood dans les années 30 et le monde qui gravite autour du personnage de Monroe Stahr, jeune producteur charismatique. Ambiance de studios, histoires de scénaristes, starlettes en quête de succès mais surtout vision d’un milieu qui a ses propres codes, et dont le prodige, Stahr, n’a que le mérite de maîtriser parfaitement. L’auteur, lui même scénariste pour Hollywood, a ici créé un personnage solaire,  idéal de réussite et de compassion, qui semble avoir tout compris de l’univers dans lequel lui-même a échoué…

Maigret et le corps sans tete de Simenon. Un Maigret comme on les aime, avec une ambiance brumeuse de berges du canal au petit matin, de péniche aux mariniers hirsutes, de bistrot poussiéreux à la tenancière revêche et de vin blanc aigrelet qui délie les langues… Ou comment replonger une heure durant au temps épouses tenant la blanquette au chaud en attendant que Jules rentre, et des cabines téléphoniques dans les bars…

Autre Simenon (j’ai trouvé un filon) mais toute autre ambiance, il ne s’agit pas ici d’une enquête de Maigret mais d’un roman à part entière, et d’un tout autre niveau… Un nouveau dans la ville, c’est un peu comme dans ces western où l’étranger arrive, épié de derrière les volets clos tandis qu’il abreuve son cheval, et où les conversations cessent dès son arrivée au saloon… un peu comme ça oui, mais au XXe siècle et dans une petite ville des Etats-Unis non loin de la frontière canadienne… Ainsi quand le nouveau arrive, il est d’emblée présumé coupable d’un crime fraîchement commis, avant d’être rapidement disculpé… un préjugé dont les habitants de la ville se sentiront alors coupables et une culpabilité qui laissera toute lattitude à l’homme que l’on n’osera plus dès lors accuser de rien…

Dieu et nous seul pouvons de Michel Folco. Si l’histoire en soi n’a rien pour me séduire (la saga familiale d’une famille de bourreaux sur huit générations), sa narration elle, n’est pas sans intérêt, notamment dans la 1ère partie… Honnétement, ça fait combien de temps que vous n’en avez pas lu, vous, des grands romans d’aventure à la Stevenson, plein de  rebondissements, de bagarres pour l’honneur, de coups d’éclats, de révélations de secrets de familles, avec des histoires de cachettes, des morceaux de bravoure et des objets transmis sous le sceau du secret? 306 pages de rebondissements au total, du XVIIe au XXe siècle, un humour parfois grinçant et de mauvais gout mais un indéniable sens du rythme dans l’écriture font de ce livre un fort honnète divertissement…

Misteri italiani /Mystères italiens. Un livre bilingue, ou comment s’efforcer de lire dans une langue étrangère pour finir par ne plus lire que la page de droite, celle écrite en français, déjouant ainsi les pièges de l’éditeur malin qui a volontairement imprimé les notes de lecture sur celle de gauche… un recueil de nouvelles qui promettait une « façon typiquement italienne d’aborder le fantastique »… J’ignore si c’est typiquement italien, mais ces histoires-là manquent cruellement de sel! Des histoires de résurrections inopinées, de veuves hantées par leur défunt mari, de héron empaillé dans le bureau d’un mage douteux… des personnages auxquels on ne croit pas vraiment, et qui ne suscitent donc ni frissons ni attente… dommage pour un livre qui prétend être une anthologie du fantastique italien… A distinguer toutefois, le splendide écroulement de la Baliverna par Buzzati:  un chateau qui tombe en ruine, un éboulis provoqué par une innocente tentative d’escalade et un sentiment de culpabilité qui ne cessera de ronger l’imprudent dont la paranoia n’a plus de bornes… A signaler aussi, l’aventure à campo di fiori de Vigolo, le parcours cartographique et onirique d’un quartier de Rome dont le narrateur découvrira, selon un grand principe classique des nouvelles fantastiques, qu’il n’existait pas