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Je n’ai pas tant lu que ça ces derniers temps mais, si je puis me permettre une expression de circonstance, on ne peut pas être au four et au moulin (ça commence fort aujourd’hui)… Pour le coup, la variété compense un peu le nombre, avec un polar, une biographie, un livre socio-comique et… un Gary! (ça faisait longtemps)

On commence par le polar tiens, un genre dont je ne suis pas nécessairement fan en général, mais pour lequel je m’enthousiasme fort quand j’en dégotte un bon… Feux rouges de Simenon (c’est mon dada en ce moment les Simenon), un roman court, concis et sans embages, mais d’une efficacité percutante… Un homme qui croit tenir sa nuit, la nuit de la liberté, du voyage sans fin, sa nuit d’homme, de héros solitaire (qu’est ce qu’on ne s’imagine pas quand on a quelques verres de whisky derrière soi), et qui va se prendre une sorte de grande baffe, venant de là où il l’attendait le moins… (bref, à lire en ricanant quand on est à jeun) (et non je ne bois pas!)

Passons au roman autobiographique… de Simenon tiens (quand j’ai une idée en tête…) Les trois crimes de mes amis, sorte de constat macabre de celui qui allait devenir une référence du roman policier et écrire sur la psychologie des coupables: des années plus tard, il allait découvrir que trois personnes qu’il a connu dans sa jeunesse, et auxquelles son histoire est, de différentes manières, liée, se sont révélées être des criminels… Des portraits qui se recoupent, de la banalité à l’horreur, et font naître une question: si la littérature a largement exploité le filon du lien étroit unissant le coupable et l’enquêteur, le traqué et le détective, le brigand et le policier, qu’en est-il du criminel et de celui qui se met dans sa peau pour écrire une histoire?

Passons aux choses sérieuses, et donc à Romain Gary! Et là, je dois avouer ma grande déconfiture… Les enchanteurs, déniché dans une librairie de Chambery, semblait pourtant prometteur, et c’est avec beaucoup d’impatience que j’en entamai la lecture… Et pourtant, malgré l’impeccable titre, la jolie couverture et le cadre choisis (une famille d’illusionnistes vénitiens en Russie au temps de la grande Catherine) des plus réussis, le tout n’est pas parvenu à m’emballer… Oh rage, que s’est-il donc passé? Où est Gary l’enchanteur, Gary le drôle, l’émouvant, que je croyais pouvoir suivre partout? Ici, malgré une écriture toujours habile, on assiste à une sorte de longue narration sans charme, sans sel, que quelques épisodes qui se veulent pittoresques ne réussissent pas à animer… Il n’y a selon moi que le début et la toute fin qui fonctionnent vraiment, qui font leur effet dirons-nous, et quel dommage pour un livre sur l’enchantement d’enchanter si peu… J’ai fini cette lecture avec une seule envie, et ce malgré mon désir de ne les découvrir qu’au compte-goutte, lire un autre Gary pour me consoler (on ne guérit pas si vite d’un amour déçu!)

Un peu de psycho-sociologie pour finir, et pas n’importe laquelle, celle des snobs, avec Snobissimo de Pierre Daninos. C’est un vieux livre, mais qui « fonctionne » encore aujourd’hui… Où l’on apprend que le snobisme, ce n’est pas juste avoir une voiture chère et aller dans des clubs select, mais que ça peut se manifester chez n’importe qui, et peut-être même plus chez le petit peuple qui a tellement peur de ne pas « en être » (les fameux « plouks dorés » du livre) et peut se nicher n’importe où, dans le choix d’une lecture, d’une destination de vacances, d’un mépris affiché pour certaines idées partagées, dans une attitude, un faux détachement, et même dans l’engouement des foules pour les mariages royaux (suivez mon regard) « tout un peuple jadis si prompt à décapiter ses rois est devenu tellement entiché d’idylles princières […] que les loges d’où l’on suit les mariages royaux avec le plus de ferveur sont celles des concierges » (et toc!)