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Après deux semaines d’intenses aventures en France (je vous raconte plus tard) (si), me revoilà sur le sol milanais encore un peu désert (vous avez dit crise?) mais néanmoins fidèle à lui-même, c’est à dire en bitume fondu par la chaleur dans lequel s’engluent les moustiques… Comme d’habitude on reprend avec un compte-rendu des lectures de l’été… Avec au menu des habitués, quelques petits nouveaux, du roman italien en veux-tu en voilà, de belles découvertes et quelques déceptions…

-On commence avec Graziella de Lamartine, une jolie découverte… Qu’il faisait bon sur les plages de Liguria, à se dorer l’échine en entendant chanter Naples, Ischia et Procida, à sécher en lisant les tempêtes dans le Golfe, et à déguster quelques anchois en révant à la suite du récit de la vie des pêcheurs sur la côte… Une histoire qui ne paye pas de mine mais une écriture fluide et rapide qui exalte les charmes d’une Italie en partie fantasmée, ou pour le moins idéalisée dans l’esprit du poète amoureux…

-Changement de rythme avec La mort heureuse d’Albert Camus… Mon premier auteur préféré, trop vite lu, consommé, consumé même, que je regrette aujourd’hui de ne pas avoir plus économisé… (d’où ma lenteur pour découvrir aujourd’hui l’oeuvre de mes nouveaux favoris). Ce livre-ci, c’est drôle, est l’un des deux qui m’aient échappé, mais le premier en date de l’auteur, écrit avant L’étranger et jamais terminé… Avec bien entendu, un bonheur sans nom à retrouver ce ton, ce rythme écrasé par la chaleur algérienne, ces mots simples et pourtant si aboutis, et ce personnage d’homme si dur, à la fois énorme et insignifiant.

-En habitué du blog, il en faut pas mal à Georges Simenon pour m’impressionner désormais! Du coup, L’énigme de la Marie-Galante ne me laisse à l’issue des vacances qu’un pâle souvenir… Une histoire de famille sur fond de port de pêche, la routine en somme… Une routine un peu bousculée à la lecture d’un autre opus de l’auteur: Le train (mais quel choix hasardeux, vous voilà sans aucun doute ébaubis…), une traversée de la France sur rail à bord d’un wagon à bestiaux, un exode pour fuir l’approche des allemands en 39, un voyage qui est à la fois une fuite et une escapade hors du temps et de la réalité…

-Nous revoici en Italie (à contre-sens presque, puisque j’ai lu ce livre dans le train me ramenant en France) avec J’ai vécu mille ans de Mariolina Venezia, l’histoire des femmes d’une même famille à Grottole en Basilicata de 1861 à 1989. Une sorte d’histoire de l’Italie au féminin, d’un obscurantisme rudimentaire à une libération qui est un tel décalage qu’elle en devient traumatisme… Le livre ne pouvait que me plaire, je l’ai su dès les premières lignes: « Certains jours, il soufflait un vent coloré qui agitait la poussière, et tout se mettait à lever comme la pâte à pain sous la couverture ». C’est beau et c’est un ode aux épouses, aux mères, aux soeurs et aux idéalistes de tout temps…

-Changement de registre avec l’humour grinçant de David Sedaris dans N’éxagérons rien… des histoires vraies qui semblent des contes loufoques, des observations inutiles mais tellement indispensables sur les gens, des anecdotes insensées et pourtant vécues… C’est simple, ce type semble n’avoir aucun amour propre… De son expérience de lutin du père Noël dans un centre commercial à son laborieux apprentissage de la langue française (premier mot retenu: bouchon) en passant par une croyance vite démentie en son QI surdéveloppé…

-On passe à du moins bon, avec No et moi de Delphine de Vigan… Pas non plus franchement mauvais, mais disons que si l’éditeur avait précisé « à partir de 10 ans » sur la couverture, ça m’aurait évité de perdre mon temps…

-Retour à un auteur italien, avec ici aussi un auteur habitué, Sang sang d’Alessandro Baricco. Un beau livre, à la fois terrible et porteur d’une certaine douceur… Cet auteur m’impressionne par la variété des sujets qu’il aborde à chaque livre, par un ton jamais pareil mais toujours juste, et par la densité qu’il sait mettre dans un nombre si restreint de pages… (du coup je ne vous en dis pas plus, sinon il me faudrait raconter…)

-Et puis l’inégalable Dino Buzzati avec un nouveau recueil de récits, en ce moment précis, bribes extraites de ces carnets dont les éditeurs semblent friands pour nous faire du neuf avec du vieux, de l’inédit avec de l’intime… Des textes qui sont les prémices de ceux qui seront par la suite publiés, mais sous leur forme plus immédiate, moins retravaillée par l’allégorie ou la narration, et sous lesquels transpirent les angoisses de l’auteur, la mort, la fin en général et cette incompréhension du monde sur laquelle les choses souvent se finissent…