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Ça faisait un moment qu’on n’avait pas parlé de pain par ici! N’allez pas croire que j’ai laissé tomber mes expériences, il n’en est rien, je fomente même dans l’ombre un nouveau projet… En attendant de vous en dire plus, je complète ce premier article sur le levain en vous faisant aujourd’hui un petit récapitulatif sur le levain maison et sa fabrication. Encore une fois, rangez vos carnets de notes et vos appréhensions, vous allez voir que c’est facile comme tout! Si j’ai quasiment toujours fait mes pâtes levées avec du levain récupéré, et incité les nouveaux adeptes à faire de même pour plus de simplicité, il peut arriver qu’on se retrouve en terre inconnue (en vacances, dans nouvelle ville ou pendant une tempête de neige particulièrement tenace), qu’il y ait pénurie de cube de levure et qu’on ait envie de faire du pain (si, ça peut arriver) et qu’on soit contraint de fabriquer seul(e) son levain.

fabrication du levain

Quand je suis arrivée à Lyon, j’étais moi-même dans cette situation. J’aurais pu réhydrater mon levain (pré)historique lyophilisé dans un sachet mais j’avais envie de nouveauté et surtout d’un levain local, donc lyonnais. Je suis donc allée sympathiser avec une boulangère bio qui vend du pain au levain dans le but de lui demander un peu de son bien. Elle m’a alors répondu qu’élever un levain était loin d’être chose facile, qu’il fallait tout un savoir-faire boulanger millénaire et quasiment un doctorat en pétrochimie pour doser la farine et maintenir la température constante indispensable au maintien du levain.

Mouahahaha.

J’aurais pu lui dire que ça faisait 6 ans que je gérais un à trois levains dans un coin de ma cuisine, mais j’ai préféré remercier poliment, aller acheter un paquet de farine bio et rentrer chez moi pour donner naissance à un bébé dodu qui sent le blé et ne s’embarrasse pas de soucis thermiques et autres dosages milligrammiques. Il parait que ça ne marche pas à tous les coups, et un levain nouveau-né met parfois un peu de temps à acquérir un pouvoir levant suffisant pour faire gonfler sans effort de grosses préparations, mais il deviendra avec le temps un allié puissant, au nez et à la barbe des boulangers peu coopérants*!

Pour créer un levain, il vous faudra 3 ingrédients:

  • 100g de farine (de préférence bio parce que les agents anti-moisissures contenus dans les farines industrielles pourraient freiner la fermentation de votre préparation)
  • 50g d’eau (de source ou même du robinet, de préférence laissée au repos 1h)
  • 1 cuillère de sucre/miel/fruits secs/banane noire (en somme, un agent sucrant qui motive les bactéries à se développer!)

On met tout ça dans un bol, on mélange jusqu’à former une boule grossière puis on travaille de la paume sur un plan de travail non fariné jusqu’à obtenir une boule souple et bien ferme. On laisse ensuite reposer à l’abri de la lumière, dans un endroit tiède, couvert d’un torchon humide, pendant 48h. Jusque là c’est tenable comme niveau de difficulté non? (Les sœurs Simili** recommandent d’augmenter vos chances de réussite en réalisant cette opération dans une pièce où vient juste d’être façonné du pain, afin de quelques levures encore ambiantes puissent essaimer votre préparation. Euh, je veux bien que scientifiquement ce soit fondé, mais ça me semble tout de suite plus compliqué!) (Lisa Casati, autre gourou du fait-maison en Italie, préconise quant à elle de le laisser reposer dans le four éteint avec un bol d’eau et la lumière allumée… Vous commencez à comprendre pourquoi je vous dis qu’il faut y aller à l’instinct et n’écouter que d’une oreille distraite les conseils avisés?)

Passées les 48h, votre levain devrait avoir légèrement gonflé et présenter quelques bulles. Pas de panique si ce n’est pas le cas, récupérez la partie centrale qui a le moins séché et procédez comme suit:

  • Prélevez 100g de ce « levain », ajouter 50g d’eau et mélanger
  • Ajouter 100g de farine
  • Laisser fermenter à nouveau dans un coin sous un torchon humide pendant 48h

Ce délai écoulé, observez « la chose »: si elle présente des bulles et/ou qu’elle a gonflé, youpi! La fermentation est amorcée, et il vous suffira de rafraîchir à nouveau ce levain pendant quelques jours avant de pouvoir l’utiliser. Si rien ne s’est produit, il est préférable de recommencer l’expérience du début (Ne soyez pas triste, ça finira bien par marcher!) Pour rafraîchir votre bébé levain, procédez comme indiqué par ici, et lorsque vous commencerez vos expériences de panification, pensez à utiliser un peu plus de levain que prescrit dans les recettes suivies, le vôtre est encore jeune et ce n’est qu’avec le temps et après de nombreux rafraîchissements qu’il atteindra sa puissance optimale!

Vous voilà embarqués dans une belle aventure, amusez-vous, n’ayez pas peur et n’hésitez pas à commenter pour me raconter comment ça s’est passé!

levain solide recette

*Je tiens à préciser que je ne garde pas rancune à cet artisan, qui croit en racontant ces boniments protéger son commerce et la courbe de ses ventes. Et même si c’est un leurre (ce que je me tue à dire à mes clients en com’ qui voient partout des secrets de fabrication et des données qu’on va leur piquer, et refusent de communiquer autre chose que des promotions et des infos que tout le monde connait déjà), je peux concevoir qu’on puisse être effrayé de ma démarche inhabituelle et crier à l’espionnage économique à la vue de ma bouille antipathique. N’empêche, il ne me semble pas que Mulino bianco ou Bonne maman aient fait faillite en imprimant sur leurs emballages des recettes inspirées de leurs biscuits stars, ni que les boulangers Longoni ou Grazioli aient vu leurs ventes chuter depuis qu’ils distribuent un peu de leur levain à leurs clients sur les marchés. Je sais coudre et tricoter, et ça ne m’empêche pas d’acheter des fringues, et posséder du levain n’a réduit en rien ma fréquentation des marchands de pizza et pain.

**Les soeurs Simili sont deux sympathiques femmes aux cheveux blancs qui, après avoir dirigé la boulangerie familiale de Bologne pendant 40 ans, ont ouvert une école de cuisine fort réputée en Italie, avant de se lancer dans l’écriture de livres de cuisine, dont un dédié au pain qu’on m’a offert il y a fort longtemps et que je confesse n’avoir fait que feuilleter. Mais pour la petite histoire, mon premier levain, aujourd’hui lyophilisé et communément appelé mon levain préhistorique en raison des générations de pains qu’il a engendré, et qui m’avait été donné par mon amie Sophia, était lui-même issu d’un levain plus ancien récupéré lors d’un cours chez les jumelles Simili. Margherita et Valeria sont donc un peu sans le savoir les aïeules de mon levain, et de ma passion pour le pain.